Algérie

La mère souhaite que la mort de Takieddine serve de leçon



La mère souhaite que la mort de Takieddine serve de leçon
Il était allé s'enquérir de ses résultats de fin d'année. Il voulait en finir avec ces études et espérait trouver un emploi rapidement. Un seul module lui manquait pour clôturer son année. Une chute, presque banale, d'un balcon à la résidence universitaire met un terme à ses ambitions et celles de sa famille. Une mort violente que sa mère veut éviter aux autres étudiants, aux autres familles.Le 13 juin 2015, Aiouna Takieddine décède d'une chute mortelle dans la résidence universitaire de Bab Ezzouar, Cub 3. A 23h, le jeune homme de 26 ans, étudiant en 2e année de licence en math-info, tombe du premier étage du bloc A. Le balcon est haut d'à peine trois mètres, mais le contact au sol est violent. «Mon fils était fort de corpulence, solide et sportif. Il était adossé au barreaudage du balcon. La distance était trop courte, il n'avait pas le temps de se retourner.Les amis qui étaient avec lui m'ont dit qu'il a essayé de s'agripper à quelque chose. Mais c'était peine perdue. Il est tombé sur le dos et a reçu un choc sur l'arrière du crâne», raconte la mère du défunt. Emmené d'urgence à l'hôpital Zmirli dans un état comateux, Takieddine décède de ce qui semble être une hémorragie interne. «J'ai visité la cité une semaine après le drame. J'ai vu ce balcon. Il était dans un état lamentable. Et je dis aujourd'hui que mon fils est décédé à cause d'une négligence.Les lieux tombent en ruine», dénonce la maman calmement, sans hystérie ni rage, avec cette voix forte et apaisée de la résignation. Selon la mère-courage, son fils qui n'était pas résident à CUB 3 a quitté la maison familiale de Koléa pour s'enquérir de ses notes de fin d'année et des rattrapages. «Mon fils m'a appelée durant la journée. Il m'a dit qu'il ne lui restait qu'un module à boucler. Il m'a demandé de prier pour lui, car ma bénédiction était importante à ses yeux», se rappelle la dame avec un trémolo de peine dans sa voix.En fin de journée, Takieddine s'est rendu en compagnie de plusieurs de ses camarades pour passer la nuit à CUB 3. «On lui a refusé la résidence dans cette cité. Habitant à Koléa, l'aller-retour lui était souvent pénible. Alors, il s'arrangeait avec ses camarades pour passer la nuit avec eux», raconte encore Mme Aiouna. Le directeur de la cité se rappelle bien de la nuit du drame. «On m'a appelé vers 23h30. Je suis venu en courant, se remémore-t-il, depuis la construction de cette résidence en 1987, c'est le premier cas de décès par accident», assure Abdelghani. Pour ce dernier, ce 13 juin, Takieddine s'est bien présenté pour passer la nuit avec ses amis.Le règlement interne de la résidence permettant aux résidents d'inviter un «extra» pour une durée de deux jours, une fois par mois, «le jeune Takieddine est donc entré et devait passer la nuit chez un des locataires dans le pavillon N. Seulement, ils ont changé de chambre et ont occupé celle d'un locataire absent qui leur a cédé la clé. Le drame est survenu là. Lorsque les cinq jeunes se sont mis sur le balcon, Takieddine appuyant du dos sur le barreaudage», raconte le directeur en affirmant que les locataires de la résidence ont été sensibilisés sur la fragilité de ces équipements et que cela ne pouvait donc arriver qu'à un étranger non informé.Le difficile contrôleMais pourquoi le jeune défunt n'a-t-il pas bénéficié d'une chambre dans cette cité alors qu'il répondait aux critères d'accès ' «Vous croyez que si on avait reçu son dossier on l'aurait refusé '» insiste Abdelghani, manière de dire que l'étudiant n'a jamais formulé de demande à l'administration de la résidence. Pourtant la maman du défunt assure que son fils a demandé à plusieurs reprises à bénéficier d'un lit dans ce lieu.Pour cette année, des travaux de réfection et de réhabilitation de certains pavillons de la résidence ont été engagés, selon le responsable de la cité. «Nous avons engagé des travaux de boiserie, de peinture, d'étanchéité, de terrassement, de réfection des marches et d'électricité dans deux pavillons. Les projets avancent bien. Ils sont à 95% dans le pavillon L qui sera réceptionné totalement dans une semaine, et à 50% pour le pavillon M qui sera ouvert dans une vingtaine de jours», affirme le directeur.Pour ce qui est du bloc où le drame à eu lieu, le pavillon A, Abdelghani assure que des travaux de peinture, de réhabilitation des sanitaires, de terrassement et surtout de renforcement des balcons ont été engagés. De visu, sous la fenêtre d'où Takieddine a fait sa dernière chute, si le barreaudage du balcon semble avoir été refait, les façades restent décrépies. A cause des travaux engagés dans la résidence universitaires, la cité affiche complet. «Il y a des chambres où cohabitent trois locataires, d'autres doubles et quelques unes sont des chambres individuelles.Dans les anciens blocs où les chambres étaient prévues pour quatre personnes, nous avons décidé de mettre trois étudiants», explique le directeur en indiquant que la structure présente une capacité d'accueil totale théorique de près de 2 300 résidents répartis sur 14 pavillons. «Nous avons également le problème des visiteurs. Il est très difficile de contrôler ou d'interdire l'accès aux étrangers. Particulièrement pour les anciens résidants qui ont noué des liens avec les agents de sécurité ou encore avec les résidants venus de pays africains (subsahariens).On ne peut pas tous les contrôler. Généralement on leur dispense des autorisations de deux nuitées par mois, mais ça reste compliqué», affirme Abdelghani. S'agissant de l'enquête sur le décès de Takieddine, Mm Aiouna regrette que l'affaire traîne en longueur. «Après avoir fait l'autopsie et l'enquête d'usage par les services de sécurité, on n'a plus eu aucune nouvelle. Même notre avocate semble ignorer où on en est», se désole la maman.Lundi, cette dernière nous appelle pour nous informer que, selon la police, le dossier de son fils a été remis au procureur de la République le 15 août dernier. «Si je poursuis mon combat, ce n'est pas par acharnement ou esprit de vengeance. J'ai fait le deuil de mon fils. Je sais que je n'y peux rien. Mais je veux que sa mort ne passe pas sous silence. Il faut que cela serve de leçon pour ne pas que d'autres mères subissent le même déchirement que moi. Je veux que nos enfants étudient et soient pris en charge en toute sécurité. Et pour cela j'interpelle toutes les autorités du pays : prenez soin de nos enfants», conclut-elle.




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