Algérie

La mentalité de nos hommes politiques doit changer



Contrairement à ce qui se passe dans les démocraties occidentales, même en Chine et en Inde, où les postes de responsabilité sont de plus en plus confiés à des jeunes, qu?il s?agisse de positions importantes dans les différents gouvernements ou des rôles de premier plan dans des secteurs stratégiques, en Algérie, on continue de rentrer en politique ou à occuper des postes de responsabilité uniquement sur recommandation et bien souvent, malheureusement, à un âge qui dans un pays normal, correspond à celui de la retraite ! Le décalage entre la moyenne d?âge de la population et celle de l?élite au pouvoir est tel qu?il suscite d?inévitables frustrations et frictions tout à fait compréhensibles, prévisibles et probablement irréversibles, et explique par ailleurs, les crises interminables de notre pays et le blocage du processus de développement de notre société. Au-delà des libertés démocratiques, une jeunesse, qui se sent méprisée et peu consultée sur son avenir et ses aspirations, ne peut que se désolidariser de ceux qui se prétendent la représenter ou la diriger et ne peut qu?éprouver de la désaffection pour la « chose politique ». Il n?est pas du tout dans nos intentions de mettre en doute la compétence ou la bonne volonté de nos dirigeants, mais uniquement de souligner leur entêtement à ne pas consulter le principal acteur du pays, la jeunesse. Il n?est pas normal dans un Etat qui se dit de droit, républicain et démocrate que plus de sept Algériens sur dix, certains avancent même le chiffre de 80% du corps électoral, autrement dit l?ensemble de la jeunesse algérienne, ne se sente pas concerné par son avenir. Soit ce désaveu et cette désaffection de la majorité de la population pour leur élite et pour la politique sont la preuve tangible que le peuple ne fait plus confiance à son élite, soit cette majorité est irresponsable et immature comme le prétendraient certains simples d?esprit pour justifier leur incapacité à mobiliser le peuple : la première raison me semble la plus cohérente. Comment réconcilier le peuple avec son assemblée « peu populaire » ? La première remarque, et non des moindres, est que dans bien des cas l?élu algérien est peu politisé dans le bon sens du terme. Souvent coopté et désigné par la direction de son parti, l?élu algérien ne connaît pas assez son peuple ni ses préoccupations. Il est effectivement très rare de voir des candidats mener campagne en dehors de leur parti et de leur quartier. Avant de devenir le président de la plus grande puissance mondiale, J. F. Kennedy, qui était né avec une terrible maladie (1) qui le contraignait à porter un buste pour contrôler la douleur et réduire ses terribles souffrances, a passé le plus clair de son temps, avant d?avoir l?honneur et le privilège de siéger au Parlement, de sensibiliser les foules dans l?Etat du Massachussetts ; il lui arrivait d?assister à douze meetings par jour. Le rôle d?un élu est de représenter ses électeurs, de défendre leurs idées et leurs projets, mais, pour ce faire, il faudrait d?abord les connaître. Le rôle du député est de servir et non de se servir ! Il n?est pas élu pour faire de la figuration mais pour exprimer la volonté de ses électeurs en proposant des lois. Certains, peu nombreux malheureusement, cherchent aujourd?hui à comprendre les raisons de l?abstentionnisme et de la désaffection des Algériens pour tout ce qui touche à la politique. Il serait trop simple de faire endosser la responsabilité uniquement au pouvoir, une grande part revient aussi à cette multitude de partis inefficaces qui ne se réveillent qu?en période électorale pour se rendormir le lendemain de la fantasia, de la grande waâda et des trompettes. Les partis abstentionnistes peu concernés Un grand parti de l?opposition s?est spécialisé aujourd?hui dans ce que l?on appellerait l?opposition passive. Convaincu à tort ou à raison que les dés sont truqués et que la partie est perdue d?avance, il s?entête à interdire à ses militants de rentrer dans le jeu. Cette attitude est-elle responsable ? Il faudrait savoir si ce parti est politique, philosophique ou culturel. Si ses dirigeants se prétendent politiques, qu?ils le prouvent ! Qu?ils se salissent les mains, qu?ils se bagarrent ! S?opposer en politique ne consiste pas à s?abstenir, mais à se battre, à défendre ses idées, à s?opposer, à critiquer ; en quelques mots : à participer. Une équipe de football qui se sent lésée par l?arbitrage n?abandonne pas la partie ! Elle continue de jouer et tente de marquer des buts. Ce n?est qu?en fin de partie que ses dirigeants portent plainte au niveau de la justice sportive, pas avant le début du match même si elle sait à l?avance que l?arbitre manquera d?impartialité ! Toutefois, le plus préoccupant n?est pas uniquement la mauvaise qualité de la représentativité ou le taux d?abstention historique des élections de mai 2007, mais plutôt les politiques et les choix qui sont trop souvent pris à la légère et trop souvent à l?insu de la population et parfois sans même solliciter les deux chambres ? en outre l?assemblée « peu populaire » ?, ces dernières retenues ? à juste titre d?ailleurs ? peu consultables. L?Algérie n?a jamais eu autant de possibilités et d?opportunités qu?aujourd?hui. Tous les ingrédients sont présents pour sortir le pays du sous-développement et tous les paramètres semblent pour la première fois plaider pour une issue positive, sauf que les décisions les plus importantes, les plus cruciales pour l?avenir du pays et pour une sortie effective, efficace et durable de la crise demeurent le monopole et le privilège de certains idéalistes lunatiques, démagogues démodés et trop souvent déphasés, peu au fait des mutations extraordinaires qui surviennent sur une planète qu?ils semblent ne pas du tout connaître. Les experts internationaux tirent la sonnette d?alarme Selon les experts internationaux, 50% de l?économie mondiale sera dans moins d?une dizaine d?années entre les mains de trois nations : les Etats-Unis, la Chine et l?Inde. Chiffre qui ne semble pas du tout inquiéter notre élite politique plus préoccupée à garder sa petite villa au « club des privilèges » et son fauteuil instable. La croissance des pays comme la Chine et l?Inde dans le commerce mondial est en train de transformer considérablement les politiques et les stratégies économiques européennes, notamment pour ce qui est de la spécialisation des pays européens qui continue d?être préconisée et boostée. Toujours selon les experts, la mondialisation pourrait s?accompagner de coûts d?ajustements plus importants que par le passé. Dans les pays développés, la tendance serait un déplacement vers des secteurs moins demandeurs de main-d??uvre peu qualifiée, et la demande totale de travail peu qualifié devrait ainsi se réduire en Europe. D?ici une dizaine d?années, moins selon les plus pessimistes, les petits pays européens devraient être soumis à une pression à la spécialisation beaucoup plus forte que les grands dans l?industrie manufacturière. En rapportant ce scénario à l?Algérie, cela signifie que dans une quinzaine d?années, notre main-d??uvre peu qualifiée, c?est-à-dire la grande majorité de notre population active, devra aller grossir les rangs de ces centaines de milliers de jeunes qui hantent nos cités du matin au soir en quête d?un petit job, d?un visa ou d?un peu de cannabis. Dans quelques années, un produit sur deux sera inventé, conçu et fabriqué par des entreprises chinoises, indiennes et américaines : du plus petit boulon au micromissile (2), tout sera fabriqué soit dans les provinces les plus reculées de Chine, d?Inde ou d?ailleurs en Asie, soit dans des laboratoires de haute technologie américaine. Pour une société moribonde et peu qualifiée comme la nôtre, le nombre de chômeurs risque donc de doubler, voire de tripler en quelques années, et la paupérisation conséquente à la mainmise sur la production mondiale par ces trois grandes puissances provoquera d?inévitables tensions et des crises sociales sans commune mesure avec celles que nous connaissons depuis des années. Les véritables défis Sans un traitement de choc rapide et approprié, l?Algérie est destinée à faire un grand bond en arrière. La seule issue consiste à consacrer une très grosse partie de nos chers pétrodollars, des milliards de dollars à la recherche, à l?innovation technique, au recyclage de notre main-d??uvre peu qualifiée, au développement de l?industrie et de l?entreprise privées, et à la transformation radicale de notre système éducatif vétuste et peu valorisant. Se libérer une fois pour toutes des réflexes conditionnés et négatifs hérités d?un passé peu reluisant, d?une administration et d?une bureaucratie lourdes, inefficaces et trop souvent corrompues et d?un Etat omniprésent dans tous les secteurs, serait l?une des initiatives les plus immédiates à prendre. Promouvoir une politique de séduction des multinationales et des grands centres de recherche mondiaux en sanctionnant toute interférence négative et préjudiciable serait aussi assez judicieux. Prendre des parts de participation dans des grandes entreprises technologiques internationales afin de les inciter à venir produire chez nous, créer des universités privées et des centres de recherche de haute technologie en collaboration avec des partenaires internationaux, comme Harvard ou le MIT de Boston, créer des pôles technologiques, des universités du troisième âge pour revaloriser et recycler les adultes peu qualifiés, seraient aussi d?excellentes décisions. Tout comme transformer complètement et radicalement l?école et l?université algériennes en favorisant la qualité, la créativité et l?esprit de compétitivité en appliquant toutes les politiques et les méthodes qui vont dans ce sens ; imposer l?usage de l?informatique dans tous les secteurs publics. Imposer le recours systématique à la monétique et aux cartes de crédit, plutôt qu?aux sachets noirs peu transparents et inesthétiques qui, par ailleurs, montrent bien l?état de santé de notre économie, inciter toutes les entreprises publiques et privées à avoir leur propre site Internet ajourné et à se mettre en réseau, mettre à la disposition de chaque établissement scolaire un espace consacré à Internet et une bibliothèque moderne. Favoriser la création d?instituts de statistiques et de sondages privés et publics sérieux apolitiques et indépendants afin de constituer des bases de données, de conduire des études et des enquêtes permettrait une meilleure visibilité et une plus grande connaissance de la réalité de notre économie et des besoins du marché algérien (3). Même si certains jugent qu?il est très tard et que l?avenir est dramatiquement compromis, l?Algérie pourra s?en sortir pour peu que le pouvoir actuel ouvre les yeux et se mette sérieusement à réfléchir et à proposer des solutions efficaces, radicales et immédiates en associant le plus grand nombre de citoyens compétents dans l?entreprise titanesque qui nous attend : la modernisation et la mise à niveau de la société algérienne. Il est vrai que le long ruban noir qui traversera le pays sera d?un grand avantage pour l?économie nationale et que les centaines de milliers d?appartements généreusement distribués contribueront à détourner, pour un temps, la colère, mais des mesures plus radicales, plus téméraires et plus agressives s?imposent, surtout dans le secteur de l?éducation, de la recherche scientifique et technologique, de l?économie et des finances. Quant à notre assemblée mal élue ou « peu populaire », elle ne peut regagner sa « popularité » que si ceux qui iront l?occuper, sauront assumer pleinement leurs responsabilités et comprendront finalement que leur devoir consiste à servir la nation et non à se servir d?elle. Il est temps que ces hommes et ces femmes se familiarisent, eux aussi, un peu plus, aux nouvelles technologies et surtout qu?ils s?informent, qu?ils comprennent, et connaissent finalement quels sont les nouveaux défis qui attendent des millions de leurs concitoyens, avant qu?il ne soit trop tard !  Notes de renvoi 1) Kennedy souffrait d?une insuffisance surrénale, la fameuse et terrible maladie d?Addison. Cela ne l?a pas empêché de faire le tour des usines, des bars, des casernes de pompiers, des commissariats de police et des gares pour serrer des mains, pour se présenter, pour draguer le plus d?électeurs possibles. Le soir, il se rendait chez sa s?ur, chargée d?organiser des collations dans un appartement, pour parler politique avec les dames invitées et répondre à leurs préoccupations. Et bien qu?héritier de l?une de plus grosses fortunes des Etats-Unis, JFK n?a néanmoins pas hésité à parcourir des milliers de kilomètres pour serrer des dizaines de milliers de mains, pour tenir des conférences et pour écrire une multitude d?articles malgré le poids de la maladie et une souffrance insupportable. 2) Des centres de recherche américains privés travaillent actuellement à la miniaturisation de certaines armes de destruction. Le projet de micromissile fait partie de ces recherches qui relèvent de la technologie du futur plus connnue sous le nom de nanotechnologie. Secteur d?avenir que nos judicieux voisins marocains ont cru bon d?investir. 3) Une autre excellente initiative qui permettrait à nos opérateurs économiques et à nos scientifiques de faire un grand bond en avant, serait de promouvoir la connaissance de la culture et de la langue chinoise en favorisant l?apprentissage de cette langue, dans les écoles et dans les universités afin de se préparer à la grande conquête et révolution qui s?annoncent, qui concerneront l?ensemble de la planète et qui n?épargneront que ceux qui s?y seront déjà préparés.


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