Algérie

La mémoire tourmentée du Pérou



La mémoire tourmentée du Pérou

De silence envahit NN, sin identidad, le long métrage du Péruvien Hector Galvez, projeté lundi soir à la salle El Mougar, à l'occasion du 6e Festival international du cinéma d'Alger (FICA).Les mots n'ont parfois aucune valeur, aucune signification face à l'ampleur des drames. Le film commence avec un plan large montrant un groupe d'hommes et de femmes fouillant dans un espace délimité dans les Andes. Mais que font-ils ' Ils exhument les restes d'êtres humains.C'est un charnier. Mené par Fidel (Paul Vega), un anthropologue, l'équipe découvre les ossements d'un homme inconnu et la photo d'une jeune fille. Ils commencent les recherches scientifiques pour vérifier l'identité de ces personnes victimes d'exécutions extrajudiciaires. Des recherches difficiles.L'homme, âgé entre 30 et 45 ans, semble avoir subi des tortures. Un pull-over bleu et d'autres pièces d'habillement sont censés aider à retrouver la trace d'un homme qui a eu une vie avant d'être happé par la violence, un certain janvier 1988.Une femme, Mme Graciela (Antonieta Pari), se présente et dit que les restes de son mari sont parmi les ossements et reconnaît le pull-over en laine. «Il se pourrait que le pull lui appartenait, mais il arrivait souvent que les prisonniers se prêtaient des vêtements pour se couvrir et amortir les coups», explique une responsable du service de recherche.La femme s'accroche, veut s'assurer. «Il est revenu dans mes rêves et me dit qu'il a froid», confie-t-elle. Parallèlement, Fidel est inquiet par la situation de la jeune fille. La photo n'a pas servi à grand-chose. Cette inconnue a-t-elle eu une famille ' Ou est-elle tombée dans l'oubli ' N'a jamais existé 'L'équipe est sollicitée pour travailler sur un autre charnier.Le travail est pénible, surtout lorsque les chercheurs trouvent des habits d'enfant. Fidel et sa collaboratrice assistent à un procès et constatent que la justice n'est pas aussi pressée de dévoiler la vérité.Au Pérou, entre 1983 et 2000, plus de 7000 personnes ont disparu, selon des organisations des droits de l'homme. L'armée et la police péruviennes sont ouvertement accusées d'avoir fait disparaître ces personnes en raison de liens avérés ou supposés avec les rebelles communistes du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA).La guerre entre l'armée régulière et ces mouvements de guérilla ont fait plus de 70 000 morts en vingt ans. Les disparitions forcées, considérées par le droit international comme un crime continu, ont été «utilisées» par les autorités péruviennes comme un moyen de lutte contre la rébellion.En 2001, une commission de vérité et de réconciliation a été créée au Pérou. Elle a travaillé pendant deux ans pour produire un volumineux rapport sur les exactions et les violations massives des droits humains attribuées à toutes les parties en conflit.Ce rapport détaillé n'a pas fait taire les demandes de vérité émanant des familles des victimes des disparitions. Fidel découvre que les cartons portant les dossiers des disparus sont jetés dans les étages supérieurs de la cour supposée mener les procès et désigner les coupables.Fidel a trouvé un moyen efficace pour apaiser la douleur de la femme qui cherche son mari mais sans effacer sa peine. NN est une fiction sombre sur une période encore couverte d'interdits et de secrets de l'histoire contemporaine du Pérou et de l'Amérique du Sud par extension.La lumière est un personnage à part entière dans ce film, parce qu'il s'agit de comprendre ce qui s'est passé, d'éclairer les zones d'ombre. Et les dialogues, denses, vont à l'essentiel pas un mot de plus. Hector Galvez s'est offert parfois des petits moments de joie en montrant l'équipe de chercheurs s'amusant dans un bar ou en offrant de belles images des Andes enneigées au coucher du soleil. Manière de permettre au spectateur de respirer un peu.La solitude de Fidel symbolise l'isolement de ceux qui cherchent la vérité dans un milieu hostile. Le cinéaste n'a à aucun moment cherché à pointer du doigt les responsables des disparitions forcées. D'où la crédibilité entière de ce long métrage intelligent. NN représente le Pérou aux Oscars du meilleur film étranger 2016 aux Etats-Unis.Des cinéastes algériens peuvent peut-être s'inspirer de ce film poignant pour s'intéresser enfin au lourd dossier des disparitions forcées en Algérie. Un dossier toujours ouvert.




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