Lyes Salem a présenté, hier, son second long métrage « l'Oranais » devant un parterre de journalistes. Il tranche nettement avec la fraîcheur et la truculence du premier où l'humour était le vecteur principal d'une satire sociale. Le propos se veut cette fois-ci plus grave ; même le film, tourné essentiellement à Oran, se déroule dans des cabarets ou la joie, le comportement des différents personnages fait fi de beaucoup de conventions. Les chansons d'Amazigh Kateb donnent plus de relief au film où les personnages sont broyés par l'existence. Même les dialogues sont parfois crus mais sur ce registre, l'usage immodéré de la langue française nuit à la vraisemblance des situations. Il faut reconnaître toutefois à Lyes Salem le courage de ne pas tricher avec la réalité. Le film où le réalisateur joue comme dans « Mascarades » un rôle principal s'inscrit dans ce courant, très présent surtout dans la littérature, qui évoque les désillusions de la période qui a suivi l'indépendance. Deux amis, Djaffar (Lyes Salem) et Hamid (Khaled Benaïssa) après avoir accompli leur devoir se retrouvent en porte-à-faux de leurs idéaux. Le film court sur un demi-siècle où les deux protagonistes, qui voulaient changer le monde, ont subi le poids des événements. Le premier vit de son passé prestigieux, s'attache toujours à la vulgate du parti mais trempe dans des affaires louches, use de ses connaissances pour sanctionner un humble enseignant et arrange le mariage de son ami avec un de ses personnages qui dans l'ombre font et défont les carrières. Il mène un grand train de vie. L'autre est entraîné malgré lui dans les combines du milieu qu'il fréquente. Dans la vie privée de l'un et de l'autre, l'argent, la corruption révèlent une société qui vit loin des soucis du peuple. On dirait un roman de Rachid Mimouni mis en images. A cette réalité, se superpose un drame né du viol de la femme de Djaffar le jour où par hasard, il prit le chemin du maquis. Cette astuce illustre le souci de faire croiser la grande histoire avec celle des individus à l'échelle et des familles. Le réalisateur dira d'ailleurs que « son film n'est pas historique mais a un caractère éminemment politique ». C'est à travers la vie joyeuse des familles qu'émergent tous les problèmes qui ont structuré la vie sociale et politique du pays. Outre le thème de l'identité, des influences culturelles subies par le pays, pour la première fois, un acteur algérien (Idir Benbaibouche) joue le rôle d'un barbouze dont la mission fut de régler son compte à un journaliste trop curieux. La violence politique fait disparaître un de ceux qui croyaient encore en des lendemains meilleurs. Lors du débat qui a suivi la projection, le réalisateur dira que « son film n'est pas un procès d'une révolution mais l'interrogation légitime d'une génération sur sa mémoire avec son passif et son actif ».
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Posté Le : 06/09/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : H Rachid
Source : www.horizons-dz.com