Algérie

La médecine aux XVIIe et XVIIIe siècles



Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les connaissances scientifiques et médicales ont connu des avancées extraordinaires. Plusieurs des fausses idées de Galien ont finalement été infirmées. L'anglais William Harvey a décrit avec précision la circulation du sang dans le corps, confirmant les découvertes des premiers érudits (comme Ibn Nafis et des Européens plus proches). On lui doit également une découverte expérimentale cruciale : le rôle de pompe du cœur qui fait circuler le sang dans le corps.

VI
Médecins et médecine au XVIIe et au XVIIIe siècle
La grande lignée des philosophes positivistes a conféré aux différentes sciences la primauté qui leur revenait dans un monde en voie de transformation.

On ne saurat s’étonner que la médecine - si rudimentaire et imparfaite qu’elle fût encore - ait largement bénéficié de ce préjugé favorable et de cet encouragement général. Les médecins cessèrent progressivement de s’occuper d’astrologie ou de chimie pure pour se consacrer entièrement à leur Art.

Déjà mise en valeur pendant la Renaissance, la position sociale du corps médical se confirme avec éclat; elle dépasse le cadre limité des cours princières ou des cénacles scientifiques pour s’imposer au grand public. De nombreux chercheurs ou praticiens accèdent à une renommée internationale.

L’enseignement de la médecine et les hôpitaux
Les universités italiennes sont encore rayonnantes de leur prestige passé, mais cèdent le pas l’une après l’autre devant celles de Hollande, d’Angleterre, d’Écosse, du Danemark.

Les centres de l’encyclopédisme scientifique supplantent désormais les foyers d’humanisme libératoire allumés à la Renaissance.
En France, la Faculté de Montpellier concurrence sérieusement celle de Paris, qui se nuit à elle-même par son dogmatisme excessif.

L’enseignement médical s’organise avec plus de rigueur et de méthode, suivant un programme théorique et pratique préétabli. Il fait place, sur un plan d’égalité, aux différentes disciplines, dont certaines font figure de nouveauté. On voit ainsi la chirurgie (1634), la botanique (1646), l’hygiène, la physique et la chimie médicales, l’obstétrique et même la médecine légale acquérir leur autonomie. Les professeurs ne sont initialement que quatre ou cinq par faculté; mais le nombre de chaires officielles ne tardera pas à augmenter.

Quelques tentatives méritoires, visent à développer l’enseignement clinique, base essentielle de toute formation médicale. En France les hôpitaux militaires et maritimes servent de centres d’enseignement pratique obligatoire. Tissot, Tenon puis Pinel et Cabanis édifient un système d’instruction, au lit du malade, qui n’entrera en vigueur qu’à la fin de la période révolutionnaire.

Au milieu du XVIIe siècle (1658) François de le Boë (Sylvius Franciscus), médecin hollandais, concevait déjà parfaitement le rôle du chef de service hospitalier chargé des soins et de l’enseignement. Malheureusement à l’époque où a été énoncé son programme les hôpitaux ne se prêtaient guère à sa réalisation. Ils étaient mal adaptés à l’enseignement, autant qu’à l’hébergement et aux soins. Beaucoup d’entre eux conservaient leurs immenses salles de pierre ou de bois, impossibles à chauffer et à tenir propres, constamment surpeuplées, leur file interminable de lits à baldaquin et à courtines, dont chacun abritait couramment deux ou trois patients, leur chapelle dont l’entretien absorbait une partie de l’activité du personnel soignant religieux. L’amorce d’une sécularisation partielle, une campagne humanitaire (John Howard), une autre politique sanitaire, aboutirent à une relative amélioraton des conditions de confort et d’hygiène vers la fin du XVIIIe siècle.

L'"édit royal de Marly du 18 mars 1707", s’étend à l’ensemble du territoire. Partant d’un constat que Molière n’aurait pas renié : “ … empêcher que des personnes sans titre et sans capacité ne (continuent) d’exercer la médecine sans y apporter souvent d’autre dispositions que l’Art criminel d’abuser de la crédulité des Peuples …”, l’édit réorganise les études et la pratique de la médecine. Voulu par Louis XIV “perpétuel et irrévocable”, il constitue le 1er grand texte de santé publique. Il réserve aux facultés françaises le droit de former les médecins qui exerceront sur le territoire, définit les obligations tant des étudiants que des professeurs, prévoit les sanctions en cas de manquement, garantit les moyens matériels d’en respecter les dispositions. Nonobstant les interdits de l’Église, l’accent est mis sur l’anatomie, étudiée en amphithéâtre de dissection. Il comporte également un volet social : obligation est faite aux médecins de réserver 1 jour/semaine aux soins gratuits aux indigents.

Malgrè cet édit des différences perdurent notamment entre Paris, Montpellier et les facultés de province.

- article IX : nul ne pourra être admis, s'il n'a étudié pendant trois ans entiers…

- article XIV : un examen de deux heures devra être subi à la fin de chacune des trois années, puis il subira un Acte (examen) pendant trois heures au moins, après lequel ils seront reçu Bachelier; puis trois mois après ils soutiendront un second Acte (examen) pendant quatre heures pour être Licencié, puis ils pourront subir un dernier Acte (examen) pendant cinq heures pour être reçu Docteur.

- article XVIII : Il faut être Maître és Art pour entrer en Faculté de Médecine

- article XXII : Les écoliers des dites Facultés seront tenus d'assister aux cours d'Anatomie, de Pharmacie galènique et chimique, aux démonstrations des plantes

- article XXV : " Enjoignons aux magistrats et aux directeurs des hôpitaux de faire fournir des cadavres aux professeurs pour faire des démonstrations d'anatomie pour enseigner les opérations de chirurgie. "

Les études s’écoulaient souvent sans que le futur médecin ait l’occasion d’examiner un seul malade. La licence conférait le titre de “Maître” et le droit légal d’exercer. Les épreuves étaient uniquement théoriques.

A la création de la Société Royale de Médecine par Lassone et Vick d’Azyr en 1776, Turgot proclamait : “le soulagement des hommes qui souffrent est le devoir de tous”. L’organisation hospitalière fut codifiée par Tenon en 1788 dans un Mémoire.

Les débuts de la recherche médicale. Sociétés savantes et revues scientifiques
L’hôpital n'est donc pas encore le grand centre d’étude des maladies qu’il deviendra par la suite. Les universités se désintéressent de la recherche : celle-ci est le fait de quelques isolés courageux ayant l’appui de quelques princes ou gouvernements qui leurs accordent leur protection morale et leur soutien matériel; L’émulation qui pousse les chercheurs tient autant au souci de justifier ces appuis qu’au désir de se faire une renommée parmi les contemporains. La diffusion et la discussion de leurs travaux sont favorisées par la création des premières sociétés savantes, par la fondation des premiers périodiques médicaux et par le préjugé favorable dont bénéficie tout nouvel ouvrage de médecine.

Placées sous le patronage effectif des souverains, les sociétés savantes sont nées au XVIIe siècle. Beaucoup d’entre elles prirent le nom d’Académies. En 1634, Richelieu avait créé à Paris l’Académie Française.

La première revue scientifique médicale fut celle que fonda Nicolas de Blégny en 1679, chirurgien du Roy, sous le titre “Journal des nouvelles découvertes sur toutes les parties de la médecine”; Claude Brunet de 1695 à 1709 fit paraître mensuellement “Le Progrès de la médecine”; une équipe de rédacteurs lance en 1754, à Paris le célèbre “Journal de médecine, chirurgie, pharmacie". De même en Italie, en Allemagne.

Un grand nombre d’ouvrages de vulgarisation ou de compilation, d’un intérêt médiocre, furent publiés à destination du grand public.

L’exercice de la profession
Les règles de la médecine praticienne se précisent.

La rivalité entre médecins et chirurgiens prend fin au cours du XVIII e siècle.

La valeur et la noblesse du fait de soigner avec ses mains était préfigurée par Ambroise Paré. La chirurgie prend désormais place sur le même plan que la médecine et devient l’apanage d’une fraction très spécialisée du corps médical.

De leur coté les chirurgiens se séparent définitivement des barbiers et des dentistes. L’obstétrique et l’ophtalmologie deviennent également des spécialités majeures et indépendantes.

La reconnaissance des maladies reste approximative et confuse; la thérapeutique demeure conventionnelle et sommaire. Professeurs d’universités et modestes médecins de village se bornent à appliquer le traitement qu’énonce le Bachelier du Ballet du Malade Imaginaire : “Clysterium donare postea saignare, ensuita purgare…” Pour ce qui est de guérir “c’est ce qu’ils ne savent point du tout”, dit Béralde. Et pourtant la saignée vera sa vogue se perpétuer jusqu’au début du XIX e siècle (Broussais en sera un des derniers défenseurs). Tout instruit, honnête et convaincu qu’il soit, le médecin de l’époque obtient finalement de bien maigres succès.

Ignorants et imposteurs
De plus, la profession est encombrée et discréditée à l’époque par une foule d’ignorants, de faux médecins et de charlatans.

En 1622, Jean Duret, médecin de Louis Xiii, publie un “Discours sur l’origine des mœurs, fraudes et impostures des charlatans “, il y stigmatise les guérisseurs ambulants et autres bateleurs ou saltimbanques, qui abusent de la naïveté des foules en faisant commerce de drogues prétendues miraculeuses. L’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie sont égalemnt touchées par le fléau. Certains médecins forains, déployaient même leurs talents sur les marché et les places publiques, parmi les arracheurs de dents, les comédiens et les saltimbanques. La crédulité assurait le succès d’innombrables détenteurs d’élixirs de jouvence, de dépuratifs secrets, d’électuaires composites (préparation pharmaceutique de consistance molle, composée de substances diverses incorporées à du mil ou du sirop), de pa,nacées, de philtres magiques et autres drogues de même qualité. Certains guérisseurs et charlatans bénéficiaient de protections puissantes pour se tailler des revenus confortables aux dépens du public. Les grands fêtes comme le Carnaval de Venise, étaient pour ces aventuriers l’occasion de se produire avec avantage. D’autres suivaient une carrière itinérante; d’autres encore opéraient à grand fracas dans un déploiement de luxe (Mesmer, Cagliostro).

Les cures miraculeuses exerçaient une attraction particulièrement forte sur l’essaim habituel des malades imaginaires, des névrosés, mais hélas aussi sur de nombreux incurables. Les phénomènes surnaturels ne sont pas oubliés; ainsi en 1727, le cimetière Saint-Médard, devient le théâtre de scènes d’extase collective; croyant au miracle, des illuminés entrent en convulsions sur la sépulture du diâcre François de Pâris.

La médecine sous la Révolution (1789-1799)
De ces faiblesses et de ces contradictions, la Révolution allait faire table rase, mais seulement après avoir vainement tenté de réformer les vieilles méthodes et de les adapter au goût du jour. L'homme qui fut chargé de présenter un rapport sur la nécessité de réorganiser l'enseignement de la médecine en France s'appelait Félix Vicq d'Azyr, Membre de l'Académie française et de l'Académie des Sciences, professeur d'anatomie comparée à la Faculté de Paris.




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