La marche et la suite

Comme en l'occurrence on ne peut pas vraiment parler d'organisateurs, parlons alors de tous ceux qui étaient acquis à l'idée de cette marche. Les plus optimistes d'entre eux ne pouvaient pas espérer de tels résultats. Et pour cause, des marches et des rassemblements à travers l'essentiel du territoire national, avec les mêmes mots d'ordre et la même autonomie d'action, ça fait longtemps que ça ne s'est pas produit. Même si d'autres facteurs sont venus s'y greffer, le long désert traversé par la contestation publique pouvait déjà à lui seul nourrir toutes les appréhensions. On ne réinvente pas les marches politiques au pied levé. Surtout que les jours d'avant ont été particulièrement fertiles en spéculations. Il y avait aussi des données objectives qui ne pouvaient naturellement pas rassurer tout le monde quant à la nature de la manifestation et ses motivations. La préparation n'a livré aucun signe de transparence et n'a pas éclairé la moindre zone d'ombre avant le jour J. Peut-être bien à l'heure H, voire à l'instant des grandes dispersions et de l'extinction des feux.A commencer par ce rendez-vous donné à la sortie des mosquées qui a réveillé les vieux traumatismes. Il y a également l'objet de la manifestation qui ne semblait pas faire l'unanimité parmi l'humanité disponible pour l'action. Contre le cinquième mandat ou contre le système ' Au final l'après-prière n'a été qu'un horaire dont la symbolique du sens n'a pas résisté à une mutation sémantique qu'on n'a pas pris le temps d'intégrer. Par endroits, il n'a même pas été respecté. S'agissant du slogan majeur, on aura remarqué que sur les itinéraires de la manifestation, la frontière était bien poreuse entre la «fin du système» et l'empêchement du cinquième mandat. Du moins dans la tête des milliers d'Algériens réunis pour battre le pavé par ce vendredi pourtant bien guetté par l'incertitude. Un succès, finalement ' Oui, dans une large mesure. Ce qu'on va en faire dans les jours d'après en déterminera la trajectoire et son aboutissement. Qui pour en tirer les conclusions et esquisser une vraie perspective ' Se pose déjà un problème de légitimité dans la structuration de cet élan qui, on a beau dire, ne peut pas faire l'économie d'un minimum d'organisation, de transparence et de pensée. Parce que de l'autre côté, se susurre déjà une riposte aux relents de démonstration de force. La confrontation alors ' On y est peut-être déjà. Le tout est de maintenir le cap pacifique, si tant est que le pouvoir consente à jouer le jeu et renonce aux méthodes fortes dont il connaît mieux que quiconque les résultats. Il en a donné quelques indices à son corps défendant depuis les derniers jours. Est-ce qu'il va continuer pour autant ' Rien n'est moins évident.
S. L.