Algérie

La maison de Da Meziane Point net


On est censé être en Kabylie mais il n'y a pas grand-chose pour rappeler la Kabylie. Il y a pourtant' Da Meziane. Héros caricatural jusqu'à l'insipide, il traîne la partie postérieure de son corps comme on traîne une image honteuse. Il y ajoute une canne désuète avec laquelle il distribue autant de coups dans les pieds de ceux qui l'entourent que de coups d'épée dans l'eau de l'humour.
Le feuilleton qui en est à son deuxième Ramadhan se décline dans deux langues, un kabyle qui éloigne du terroir et un arabe populaire qui cultive le lieu commun. La Maison de Da Meziane ne manque pourtant pas de succès. Il a même fait des accrocs comme toutes les productions «grand public», soulagé du souci de qualité et, cerise sur le gâteau, de «première». Une première en kabyle et pour les' Kabyles, même dans sa version où on parle en arabe. ça aurait pu suffire au bonheur de la ménagère des montagnes et ça a sûrement suffi dans une certaine mesure, puisque ça semble «marcher».
Deux Ramadhans de suite où on ignore le dessert, on laisse tiédir le café quand on ne laisse pas sonner la porte et le téléphone, ça fait tout de même des lettres de noblesse à une production qui, après tout, n'a pas de grande prétention. Une humilité volontiers lancée au visage de la critique et remisée au placard à l'heure des lauriers, comme d'habitude.
On est heureux d'avoir un sketch en kabyle et pour les Kabyles, même dans sa version arabophone. Il n'y a aucune raison de changer quelque chose qui a marché ailleurs, à part changer la langue d'expression de l'ineptie. Vous voulez de la télé en kabyle ' On vous donnera de la télé en kabyle, dans toutes ses splendeurs, comme du temps où il était ' il est toujours d'ailleurs ' question de «production algérienne». De la médiocrité nationale à la médiocrité «spécifique».
Avec tout le cortège «classique» de personnages, de situations, de répliques, de malentendus et de sous-entendus. Héros caricatural jusqu'à l'usure, Da Meziane porte une barbe postiche aussi grossièrement conçue que la trame de ses «histoires». Des histoires sans géographie sociologique ni trajectoire artistique. Da Meziane est héros à son corps défendant.
Il n'a ni vocation ni conviction. Incolore, inodore, indolore, c'est par une morale à la petite semaine qu'il se construit une aura de patriarche. S'il dépense des trésors d'énergie à se forger l'image d'un vieillard décontracté, c'est dans le rigorisme conservateur et les clins d il «chroniques» à l'obligation religieuse. Il a bien une fille à l'université, mais à la maison, elle n'a jamais voix au chapitre.
Il a bien une belle fille française qu'il a acceptée comme héritage de son fils reparti à l'étranger, mais pas une réplique de sa part ne peut rappeler une quelconque différence culturelle ou comportementale, en dehors d'un accent aussi caricatural que Kaci Tizi Ouzou mimant le mauvais kabyle. Da Meziane se fait aussi microcosme politique. Candidat et vainqueur tout désigné à la présidence de sa municipalité, il a eu un adversaire sans envergure qui ne pouvait le battre qu'aux' dominos. Illettré,
Da Meziane a le bon sens paysan et la ruse du vieux briscard qu'il impose comme vertus cardinales. Dans une succession de sous-entendus, il conforte une certaine certitude : le maire, comme tous les premiers responsables, est la clairvoyance, l'équité et la rectitude morale réincarnées.
C'est toujours par une échelle ou plusieurs plus bas que le scandale arrive. Da Meziane est une certitude télévisuelle algérienne. C'est toujours mauvais mais ça marche toujours. Surtout quand c'est en kabyle, pour les Kabyles et que ça tient dans une chorba.
Slimane Laouari
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