Algérie

La lutte solitaire des grévistes de la faim



La lutte solitaire des grévistes de la faim
Rien n'indique que la maison des syndicats abrite la grève de la faim déclenchée depuis le 6 mai dernier par des membres de la Fédération nationale des fonctionnaires de la justice. Plantée au c'ur d'un de ces nouveaux quartiers grouillants de Dar El Beida, qui ont poussé comme des champignons sur les terres fertiles de la Mitidja, la maison des syndicats semble emmurée dans un silence insolite. La porte d'entrée en fer est fermée. Le voisin nous indique qu'il faut taper si l'on veut qu'on nous ouvre. Hier, les grévistes bouclaient leur 36e jour. C'est madame M. R., greffier en chef au tribunal de Bab El-Oued qui vient nous ouvrir la porte. Elle vient de rejoindre les grévistes de la faim depuis à peine quatre jours, elle affiche donc la meilleure forme, ce qui lui permet de servir comme garde-malade auprès de ses quatre autres collègues, trois femmes et un homme. Il est vrai que le Snapap (Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique) a mis à la disposition des grévistes deux personnes qui en général s'occupent de leur procurer de l'eau, le seul aliment qu'ils s'autorisent à prendre pour pouvoir survivre. Il règne à l'intérieur, où l'on sent le renfermé, un silence de caverne. Un silence rompu de temps à autre par les soupirs incontrôlables à peine audibles échappés de poitrines haletantes. Un rideau cache à la vue les dormants. Les femmes sont plongées dans une hébétude extrême, leur état de fatigue leur fait percevoir le fait de parler comme une activité très pénible. Les grévistes sont affalés sur des matelas posés à même le sol dans un coin de cette grande salle de la maison des syndicats, qui une année auparavant y avait attiré tous les opposants au pouvoir algérien dans le cadre de la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie). Le visage hagard, mais l'esprit très lucide, Ghillia Mourad, 44 ans, père de 5 enfants, a conscience que l'action qu'il est en train de mener avec ses amis est audacieuse. «Je me rappelle que dès que nous avions commencé à protester, le ministre de la Justice de l'époque, Tayeb Belaïz nous a convoqués, c'était en février 2011, il nous a dit que le corps des greffiers est sensible, et que ce que nous faisions est de nature à donner l'éveil aux autres administrations et à leur transmettre le goût de la contestation».
Une lueur de fierté dans les yeux, Mourad confirme : «Notre mouvement a encouragé tous les autres services de l'administration à revendiquer leurs droits». Suite à cette entrevue avec le ministre, explique-t-il un accord a été signé dans lequel la tutelle s'était engagée à prendre en charge les doléances des greffiers. Mais depuis, rien de ce qui a été consigné n'a été concrétisé, se désole-t-il. Ni les questions relatives au régime indemnitaire, ni au logement de fonction, n'ont trouvé de solution. Ghillia Mourad se déplace dans la salle en s'appuyant des deux mains sur le mur pour ne pas tomber à la renverse. «Vous savez, explique-t-il, une grève de la faim révèle toutes les fragilités du corps et de l'esprit, c'est tel ou tel mal qui va dominer selon la physiologie de chacun». L'anémie, le vertige, l'abattement physique, l'anxiété sont le lot quotidien du gréviste de la faim. Ils s'abstiennent de faire toute activité.
«Même lire un journal devient impossible car cela demande de l'énergie. La seule énergie qui nous reste, nous l'employons à communiquer avec nos proches avec nos portables», ajoute-t-il. Depuis le début de leur mouvement, les grévistes de la faim ont reçu la visite d'une délégation du FFS conduite par Ali Laskri et de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l'homme) de Me Noureddine Benissad. Les autorités se manifestent-elles ' «Oui, je crois que de temps en temps la gendarmerie et la police viennent s'enquérir de notre état de santé auprès du voisinage qui a dû se rendre compte de notre présence ici à cause du va et vient de l'ambulance». Le Snapap a affecté un médecin qui vient visiter les grévistes chaque soir. Ils reçoivent des soins à base de sérum, surtout.
Madame M.R., 55 ans, s'interroge sur le silence des autorités et notamment du président de la République. «On ne comprend plus rien, on se comporte avec nous comme si on était des étrangers ; je suis fille de parents qui étaient tous deux chahid, je suis Algérienne, pourquoi veut-on fermer les portes du dialogue '», lance-t-elle.
Rien n'indique que la maison des syndicats abrite la grève de la faim déclenchée depuis le 6 mai dernier par des membres de la Fédération nationale des fonctionnaires de la justice. Plantée au c'ur d'un de ces nouveaux quartiers grouillants de Dar El Beida, qui ont poussé comme des champignons sur les terres fertiles de la Mitidja, la maison des syndicats semble emmurée dans un silence insolite. La porte d'entrée en fer est fermée. Le voisin nous indique qu'il faut taper si l'on veut qu'on nous ouvre. Hier, les grévistes bouclaient leur 36e jour. C'est madame M. R., greffier en chef au tribunal de Bab El-Oued qui vient nous ouvrir la porte. Elle vient de rejoindre les grévistes de la faim depuis à peine quatre jours, elle affiche donc la meilleure forme, ce qui lui permet de servir comme garde-malade auprès de ses quatre autres collègues, trois femmes et un homme. Il est vrai que le Snapap (Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique) a mis à la disposition des grévistes deux personnes qui en général s'occupent de leur procurer de l'eau, le seul aliment qu'ils s'autorisent à prendre pour pouvoir survivre. Il règne à l'intérieur, où l'on sent le renfermé, un silence de caverne. Un silence rompu de temps à autre par les soupirs incontrôlables à peine audibles échappés de poitrines haletantes. Un rideau cache à la vue les dormants. Les femmes sont plongées dans une hébétude extrême, leur état de fatigue leur fait percevoir le fait de parler comme une activité très pénible. Les grévistes sont affalés sur des matelas posés à même le sol dans un coin de cette grande salle de la maison des syndicats, qui une année auparavant y avait attiré tous les opposants au pouvoir algérien dans le cadre de la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie). Le visage hagard, mais l'esprit très lucide, Ghillia Mourad, 44 ans, père de 5 enfants, a conscience que l'action qu'il est en train de mener avec ses amis est audacieuse. «Je me rappelle que dès que nous avions commencé à protester, le ministre de la Justice de l'époque, Tayeb Belaïz nous a convoqués, c'était en février 2011, il nous a dit que le corps des greffiers est sensible, et que ce que nous faisions est de nature à donner l'éveil aux autres administrations et à leur transmettre le goût de la contestation».
Une lueur de fierté dans les yeux, Mourad confirme : «Notre mouvement a encouragé tous les autres services de l'administration à revendiquer leurs droits». Suite à cette entrevue avec le ministre, explique-t-il un accord a été signé dans lequel la tutelle s'était engagée à prendre en charge les doléances des greffiers. Mais depuis, rien de ce qui a été consigné n'a été concrétisé, se désole-t-il. Ni les questions relatives au régime indemnitaire, ni au logement de fonction, n'ont trouvé de solution. Ghillia Mourad se déplace dans la salle en s'appuyant des deux mains sur le mur pour ne pas tomber à la renverse. «Vous savez, explique-t-il, une grève de la faim révèle toutes les fragilités du corps et de l'esprit, c'est tel ou tel mal qui va dominer selon la physiologie de chacun». L'anémie, le vertige, l'abattement physique, l'anxiété sont le lot quotidien du gréviste de la faim. Ils s'abstiennent de faire toute activité.
«Même lire un journal devient impossible car cela demande de l'énergie. La seule énergie qui nous reste, nous l'employons à communiquer avec nos proches avec nos portables», ajoute-t-il. Depuis le début de leur mouvement, les grévistes de la faim ont reçu la visite d'une délégation du FFS conduite par Ali Laskri et de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l'homme) de Me Noureddine Benissad. Les autorités se manifestent-elles ' «Oui, je crois que de temps en temps la gendarmerie et la police viennent s'enquérir de notre état de santé auprès du voisinage qui a dû se rendre compte de notre présence ici à cause du va et vient de l'ambulance». Le Snapap a affecté un médecin qui vient visiter les grévistes chaque soir. Ils reçoivent des soins à base de sérum, surtout.
Madame M.R., 55 ans, s'interroge sur le silence des autorités et notamment du président de la République. «On ne comprend plus rien, on se comporte avec nous comme si on était des étrangers ; je suis fille de parents qui étaient tous deux chahid, je suis Algérienne, pourquoi veut-on fermer les portes du dialogue '», lance-t-elle.




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