Même à près de deux mille mètres d'altitude, le stade de Polokwane en
Afrique du Sud lui a semblé insuffisant pour la visibilité du drapeau algérien.
Il est monté sur un pylône d'éclairage du stade et a tendu aux vents l'emblème
national tout au long du match qui opposait « El Khadra » à la Slovénie. Sur la
rampe supérieure du stade, à force de regarder l'Algérien et son drapeau, les
hommes de la sécurité du stade ont abandonné tant ils avaient mal au cou. Lui,
impassible, bras tendu n'a pas bougé jusqu'à l'ultime minute du match. Très
loin de là, au nord cette fois-ci, un autre Algérien a remplacé sur le fronton
d'une mairie française l'étendard frappé des armoiries de ladite commune (après
vérification il ne s'agissait pas du drapeau français) par l'emblème algérien.
La question est: que veulent dire, par ce geste, ces jeunes Algériens au reste
du monde ? Selon la psychologie de Freud, Lacan, Jung, Dolto, Adler, etc. il
s'agit d'une manifestation pour l'affirmation de soi au travers d'un symbole.
Seulement, il se trouve que ce
symbole est un peu particulier: ce n'est pas un blouson en cuir, un jeans râpé
aux genoux ou frappé d'écussons des hippies et encore moins un nÅ“ud papillon.
C'est un emblème national. C'est-à-dire planté au cÅ“ur de 35 millions d'autres
Algériens vivants, morts et à venir. Est-ce à dire que les jeunes qui sont
montés plus haut que les autres Algériens pour déployer le drapeau aux quatre
vents aux yeux du reste du monde sont plus algériens que les autres, ou
avaient-ils décidé de se proclamer porte-drapeau au nom des 35 millions
d'autres Algériens ? Personne ne le sait, y compris eux-mêmes. C'est une
émotion qui vous saisit, comme ça, soudainement, à n'importe quel moment, dès
lors que l'Algérie est évoquée, appelée ou mise en scène dans l'espace monde.
Ce fut le cas en 1947, 1960, 1962 contre la France qui nous tuait ; après
l'indépendance en 1965, 1988, 1990-91, lorsque d'autres Algériens tiraient à
balles réelles contre d'autres Algériens; pendant les coupes du monde de football
1982, 1986…et aujourd'hui, enfin, grâce à 23 Algériens présents en Afrique du
Sud.
D'accord, mais pourquoi cette
émotion se manifeste-t-elle qu'en des moments, eux aussi, particuliers ?
Pourquoi ne ressent-on pas le même émoi devant les milliers de drapeaux qui
flottent sur les frontons de nos communes, wilayas, ministères, sièges de
partis politiques, consulats et ambassades et même sur les ports et aéroports
au moment des départs ? L'habitude et l'enjeu vous diront certains. Il n'y pas
d'enjeu, de défi ou de mise à l'épreuve. Pourtant Dieu sait combien d'épreuves
nous vivons chaque jour et bien d'autres qui nous attendent. 35 millions
d'Algériens portent, avec rage et passion, le drapeau national depuis le 1er
match contre l'Egypte à Blida. 35 millions de drapeaux mis l'un sur l'autre
vers le haut, le plus haut, jusqu'à la lune. Après tout, les Américains l'on
bien fait en 1969. Ces mêmes Américains nous attendent sur un terrain de
football la semaine prochain. Eux sont allés vers la lune, nous, nous l'avons
fixée pour toujours sur notre drapeau national.
C'est pourquoi le proverbe dit «
décrocher la lune » pour rêver à un exploit. C'est ce qu'ont voulu nous dire,
peut-être, le jeune monté sur le pylône du stade Polokwane et celui qui a
grimpé sur le fronton d'une commune française: rêver d'un exploit ce vendredi
contre les Anglais.
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Posté Le : 17/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med
Source : www.lequotidien-oran.com