Algérie

La loi garante de l'état de droit : une bataille de longue haleine Projet de loi portant organisation de la profession d'avocat



La loi garante de l'état de droit : une bataille de longue haleine Projet de loi portant organisation de la profession d'avocat
Par Hasna Yacoub
En décembre 2010, l'avant-projet de loi portant organisation de la profession d'avocat a été approuvé par le conseil des ministres. Dans son communiqué, le conseil des ministres avait souligné que la mouture du projet adopté «est le fruit d'une concertation entre l'administration de la justice et l'ordre national des avocats». Il est clair aujourd'hui que c'est loin d'être le cas.
Ce projet, attendu depuis des années, a été au c'ur d'un bras de fer entre les robes noires et le ministère de la Justice. En 2008, les avocats rejetaient déjà les premières moutures dudit projet.
Les présidents des treize conseils de l'ordre composant l'Union des barreaux avaient tenu une réunion extraordinaire à propos de l'avant-projet de loi. Les représentants des robes noires au sein de l'Union des barreaux affichaient une fin de non-recevoir concernant certains articles contenus dans ledit avant-projet. La décision de rejet avait été approuvée par la quasi-totalité des membres de l'union lors d'une réunion tenue à l'hôtel Mazafran. Les avocats considéraient «que la démarche de la chancellerie, notamment à travers l'article 24, s'inscrit à contre-courant des principes universelles portant exercice de la profession d'avocat». Pour eux, «il est inconcevable qu'un avocat soit soumis lors de l'exercice de son métier à l'appréciation du procureur général. C'est une violation flagrante du droit de la défense». A cette époque le président de l'Union du Conseil de l'ordre d'Alger avait déclaré, accusateur, que «la décision du Conseil d'Etat d'invalider les élections du barreau d'Alger est étroitement liée à l'opposition des avocats de la capitale contre l'avant-projet
proposé par la chancellerie. Ils ont pris cette décision pour nous faire taire.
Nous disons non». En 2009, le président du barreau d'Alger avait déclaré également que l'avant-projet «menaçait le droit de la défense», assurant qu'il y a une volonté délibérée de mettre les avocats sous tutelle du ministère de la Justice à travers, entre autres, un article qui oblige le Conseil de l'ordre des avocats à lui transmettre des rapports sur toutes ses activités.
En mars 2009, la chancellerie a décidé de supprimer les articles 10 et 24 de l'avant-projet de loi.
Le président du barreau de Sidi Bel Abbès, Me Othmani, avait à l'époque déclaré qu'«après la réunion qui s'est tenue à Alger, il a été décidé finalement d'adopter la mouture proposée par l'Union des barreaux et, en conséquence, la suppression des articles 10 et 24 de l'avant-projet de loi». Tout semble rentrer dans l'ordre jusqu'en décembre 2010, date d'approbation de la mouture de l'avant-projet par le conseil des ministres. Le contenu du projet est alors connu et un nouveau bras-de- fer a commencé.
Après des journées de manifestations, une marche vers l'APN, une offre de dialogue a été proposée par la chancellerie. En fait, le ministre de la Justice de l'époque avait suggéré un dialogue au niveau de l'APN. En mars dernier, la commission permanente de l'Assemblée chargée des affaires juridiques, administratives et des libertés a reçu le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Mohamed Charfi, pour examiner le projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Les travaux de la commission se sont poursuivis par la suite avec le bâtonnier d'Alger, Me Abdelmadjid Sellini, qui a apporté ses arguments aux amendements. Les membres de la commission ont reçu, également les membres du conseil national des 15 barreaux d'Algérie, dans le but de débattre du projet de loi avant sa présentation en séance plénière. Ce projet sera soumis au débat et à l'adoption le mois prochain.
Il faut rappeler que plusieurs articles de l'avant-projet de loi sont décriés par les avocats qui considèrent que la nouvelle loi risque fortement de verrouiller le droit de la défense et donne des prérogatives supplémentaires au parquet et aux juges.
Pour certains avocats, si un tel projet est adopté, la profession n'existera plus que par son appellation. Elle deviendra non plus un participant à l''uvre de justice, mais simplement un justificatif de l'existence d'une parodie de justice. En effet, dans le projet de loi, un article permet, par exemple de faire suspendre un avocat temporairement par un juge. D'autres articles font obligation au barreau, assemblée générale et conseil de l'Unba compris, de présenter une copie de leurs PV et décisions au ministre de la Justice, qui est en droit de les contester. Autre article dénoncé, celui où il est fait obligation à l'avocat de se livrer à des polémiques concernant l'affaire
dans laquelle il plaide, autrement dit le défenseur ne pourra plus commenter l'affaire et donc ne pourra plus dénoncer les injustices. En plus de l'interdiction des commentaires, l'avocat risque avec le nouveau projet de loi des poursuites pénales en cas de divulgation du secret de l'instruction. En attendant l'adoption de cet avant-projet de loi, le bras-de-fer entre avocats et chancellerie continue.
Il faudrait espérer que les seuls gagnant de ce différend soient les droits des justiciables et la consécration de leurs libertés.
H. Y.


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