Algérie

La loi de l'omerta



La loi de l'omerta
De notre correspondant à Annaba
Mohamed Rahmani

La question du financement des partis politiques et de la campagne électorale reste taboue et personne n'ose en parler ouvertement de crainte de subir le courroux des responsables des formations politiques. Ces derniers, diserts et volubiles, maniant la rhétorique avec art s'agissant de critiquer ou de parler de leurs adversaires, deviennent subitement muets et frappés d'amnésie quand le sujet du financement de la campagne est mis sur la table. C'est un des sujets qui fâchent le plus, nous confie un vieux politicien connu sur la place de Annaba, parce qu'il y a forcément collusion entre les grosses fortunes et la politique, et bien sûr «c'est donnant-donnant puisqu'on n'a rien pour rien». Le FLN, omniprésent dans toutes les localités et même dans les douars et mechtas les plus reculés, dispose, en dehors de ses locaux officiels, de permanences ouvertes et mises à disposition «gracieusement» par des militants, sympathisants ou des citoyens aisés qui apportent leur contribution à ce parti en campagne. «Contribution pour laquelle, on attend un renvoi d'ascenseur, une fois la liste élue. La récompense prendra différentes formes pour qu'elle passe inaperçue. Frais pour l'impression des affiches, frais pour leur collage par des jeunes, location de véhicules et de bus pour le transport des «troupes» payées, frais de restauration et petits à-côtés pour faire la propagande en faveur des candidats dans les cafés dans les hammams, dans les quartiers populaires. Des sommes faramineuses sont ainsi dépensées en l'espace de trois semaines. Sur l'origine de ce financement, on ne souffle mot «C'est la contribution et la cotisation de nos militants», nous dit-on, un terme passe-partout pour ne pas avoir à répondre à des questions qui mettent dans l'embarras. Au RND, c'est le même topo, question financement, c'est l'omerta, et on devient subitement muet préférant changer de sujet, car les contributeurs, comme pour les autres partis en lice, restent dans l'ombre et ne veulent pas s'impliquer ouvertement. Ce sont de gros bonnets, des gens aux fortunes colossales dont l'apport se chiffre en millions de dinars ; bien sûr, il n'y a aucune trace, c'est de l'argent liquide qui passe de main en main «pour la bonne cause» et qu'on investit volontiers sachant qu'en retour, on en aura certainement plus. L'Alliance islamiste, Algérie Verte, voit se déverser dans ses caisses noires des milliards pour financer cette campagne, les permanences s'ouvrent à chaque coin de rue, des permanences dont la location mensuelle coûte 30 millions de centimes. L'argent coule à flots, un amalgame de religieux et de «fric» sous forme d''uvre dite caritative pour convaincre l'électeur et l'amener à voter «vert», un vert local qui n'a rien à voir avec l'écologie. Cet argent provient essentiellement d'hommes d'affaires fortunés qui aspirent au pouvoir via ces partis coalisés. Des hommes d'affaires dont les fortunes se sont bâties en l'espace de quelques années, non pas dans l'industrie et la production mais, plutôt dans le commerce et l'import-export; la plupart du temps, c'est l'argent de l'informel qui est réinvesti dans le circuit politique. Là aussi, on avance l'éternelle rengaine «c'est la contribution de nos militants, et ils sont nombreux», mais personne n'est dupe, et tout le monde sait que l'argent qui circule est celui de gens fortunés et certains disent que c'est de l'argent sale qui provient des détournements, des vols, du trafic de drogue, de l'informel. Une collusion qui a généré une mafia politico-financière qui est en train de prendre le pouvoir en Algérie. Mais comme on dit «l'argent n'a pas d'odeur» et la fin justifie les moyens, on ne se pose pas trop de questions pourvu qu'on arrive et qu'on obtienne ce que l'on veut. Pour preuve à Annaba, un patron de discothèque et dont la moralité est pour le moins douteuse est bombardé tête de liste par un parti politique. Comme quoi, on peut tout se payer avec de l'argent même le fauteuil de député. Le pouvoir de l'argent est décidément incommensurable.




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