Algérie

«La littérature n'est pas restée silencieuse face à la guerre d'Algérie»



- Comment est née l'idée de ce colloque, en quoi était-il nécessaire et avec quels objectifs '
Le colloque, dont le projet est né au sein de l'équipe Passage XX-XXI de l'université Lyon 2, s'intitulait «Silences, tabous, mémoires. Les écrivains français et la guerre d'Algérie 1954-2008». Il est publié dans la collection des Cahiers de Marge (équipe de Lyon 3 à  laquelle j'appartiens moi-même). Il s'agissait donc à  la fois d'explorer les différentes mémoires mais également les générations successives, puisque la littérature la plus contemporaine continue d'interroger une guerre qui fut longtemps sans nom. D'autres travaux universitaires ont fait dialoguer les littératures des deux rives de la Méditerranée. Le champ nous a donc semblé à  la fois déjà exploré et trop vaste pour un seul colloque qui voulait atteindre l'extrême contemporain. Nous avons donc ménagé des échos grâce à  Charles Bonn, spécialiste de la littérature algérienne, ou encore dans le cadre de la table ronde qui fut animée par un autre spécialiste reconnu de ces littératures, Guy Dugas.
- Qu'apprend-on de neuf dans ces travaux ' Qu'est-ce que le grand public peut y trouver '
Des confirmations : sur le rôle décisif des éditeurs par exemple ou sur l'importance d'Albert Camus, avec qui tous dialoguent. Le rejet d'idées reçues, qui confirme les analyses de Benjamin Stora : la littérature n'est pas restée silencieuse face à  la guerre d'Algérie. Elle n'a pris nul «retard» par rapport au cinéma. Mais il me semble que la question sur laquelle tous reviennent est celle de l'écriture de l'horreur, si décisive pour l'ensemble de la littérature au XXe siècle.
- Vous avez, avec Thomas Augais et Chantal Michel, supervisé le colloque et la publication de ces actes. Quels en sont pour vous les temps forts ou les plus émouvants ' Pour la version livre a-t-il fallu faire des choix '
Ce qui m'a personnellement le plus émue, ce sont les moments où l'on sentait à  quel point la guerre d'Algérie est encore proche de nous, lorsqu'il fut question, par exemple, d'Hélène Marlin ou d'Hélène Cixous, ou lorsque Maïssa Bey et Virginie Buisson ont pris la parole. Nous avons tout publié. Notre travail fut plutôt de ne pas publier des actes, mais d'en faire un livre véritable par le biais de l'introduction et de l'organisation des contributions en chapitres thématiques.
- Une question plus subjective. En quittant l'ouvrage, on repense au  non-sens d'un combat aussi meurtrier entre 1954 et 1962, et on se demande comment cette puissance de la réflexion et de l'engagement contre la guerre n'a pas été entendue '
Ni l'intelligence ni la littérature n'ont jamais pu empêcher les guerres, pas plus celle de 14 ou de 39 que la guerre d'Algérie.   - Vous consacrez une partie à  l'après-indépendance ' Il semble là, en France comme en Algérie, que la parole s'étiole, se déguise, devient hagiographique ou résignée ' Comment ressentez-vous ce glissement '
Je ne crois pas que ce soit le cas en France. Il me semble au contraire que les écrivains français cherchent à  rendre parole et visage aux anonymes, à  ceux qui sont morts sans avoir compris, à  ceux qui sont revenus honteux et silencieux.
- Ce travail appelle certainement des suites ' Quelles sont-elles ' Quel est votre regard sur l'échéance du prochain 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie '
Je ne sais pas encore quelles seront les éventuelles suites universitaires de cet ouvrage, mais on ne peut qu'éprouver, dans le monde d'aujourd'hui, un désir fort de dialogues et
d'échanges ; d'autant plus fort que toutes les promesses de l'indépendance ne semblent pas avoir été tenues, et qu'en France, les blessures de la guerre ne sont pas toutes cicatrisées. 
 


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