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La 'Lila El Ghriba' : une tradition funéraire entre croyances, héritages culturels et critiques contemporaines



La 'Lila El Ghriba' : une tradition funéraire entre croyances, héritages culturels et critiques contemporaines

La "Lila El Ghriba", une veillée funèbre traditionnelle pratiquée à Tlemcen, suscite de nombreuses interrogations et réactions. Réservée aux femmes, cette soirée porte un nom évocateur : "Ghriba", qui peut se traduire par "étrangère" ou "inconnue". Mais pourquoi ce rituel, et d’où vient-il ? En analysant les hypothèses et les avis exprimés, il semble que cette pratique s'inscrive dans un croisement complexe de traditions culturelles, d’interprétations religieuses et de dynamiques sociales.


Une origine contestée : influences juives ou rites populaires ?

Beaucoup associent la "Lila El Ghriba" à un héritage juif, évoquant un parallèle avec des pratiques funéraires israélites, notamment la signification du terme "Ghriba". Certains citent des similitudes avec la synagogue El Ghriba de Djerba, qui évoque également un sentiment d’éloignement ou d’étrangeté. Cet argument est soutenu par des personnes qui remarquent des similitudes entre certaines coutumes juives et tlemcéniennes dans le domaine funéraire.

D'autres rejettent catégoriquement cette hypothèse, soulignant que Tlemcen était historiquement une capitale musulmane où des rites étrangers, notamment juifs, auraient été marginalisés. Ils préfèrent voir cette tradition comme une évolution des coutumes locales, centrée sur l'accompagnement des proches dans leur deuil.


Une interprétation spirituelle : entre chagrin et "visite de l'âme"

Certains participants à ce débat proposent une lecture spirituelle. La "Lila El Ghriba" serait liée à la première nuit du défunt dans sa tombe, marquée par un sentiment de solitude ("ghorba"). D’autres avancent que cette veillée symboliserait la "visite" de l’âme du défunt à sa famille, un moment où l'on prie pour son repos et où l'on renforce les liens familiaux.


Une critique religieuse : innovation ou hérésie ?

De nombreuses voix critiquent cette tradition, la qualifiant de "bid‘a" (innovation) sans fondement dans l’islam. Pour ces détracteurs, seuls les actes comme les prières, les aumônes (sadaka) et les invocations (dou‘a) sont pertinents pour honorer un défunt. Ils dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une dérive rituelle, héritée de pratiques préislamiques ou étrangères.


Un lien social ou une surcharge ostentatoire ?

D'autres défendent la "Lila El Ghriba" en tant que pratique sociale visant à rassembler la famille et les proches autour d’un moment de partage, brisant ainsi l’isolement brutal causé par le décès. Toutefois, cette tradition fait aussi l’objet de critiques dans sa forme contemporaine : certains estiment qu’elle est devenue une occasion de m’as-tu-vu, marquée par un excès de protocoles et de dépenses ostentatoires, souvent insoutenables pour des familles modestes.


Une tradition en déclin ?

Il semble que la "Lila El Ghriba" soit aujourd’hui en perte de vitesse, notamment chez les jeunes générations, qui la jugent obsolète ou incohérente avec les réalités modernes. Dans de nombreuses familles, cette veillée n’est plus pratiquée, remplacée par des gestes plus simples comme la prière collective ou la solidarité discrète.


Hypothèses principales

  1. Héritage juif : Une coutume potentiellement liée aux rites funéraires des communautés israélites ayant vécu à Tlemcen.
  2. Symbolique spirituelle : Une veillée marquant la solitude du défunt ou la première nuit passée dans l’au-delà.
  3. Pratique sociale : Un moyen de rassembler et de réconforter la famille dans un moment difficile.
  4. Innovation religieuse : Une tradition critiquée pour son absence de fondement dans les textes religieux et son caractère ostentatoire.

Conclusion

La "Lila El Ghriba" reste une tradition complexe, oscillant entre mémoire culturelle, rites religieux et dynamiques sociales. Tandis que certains souhaitent la préserver comme une part du patrimoine tlemcénien, d’autres plaident pour son abandon, invoquant des préoccupations religieuses ou sociétales. Ce débat reflète les tensions plus larges entre tradition et modernité dans une société en constante mutation.




Quel rapport avec Seïda R’eriba, la Sainte de Tlemcen Il y a fort longtemps, une sainte femme du nom de Seïda R’eriba vivait à Tlemcen. D’une pureté exemplaire, ses prières et sa dévotion touchèrent profondément la Divinité, qui lui conféra le don des miracles. À sa mort, elle fut enterrée dans la mosquée d’El-K’orran avec tous les honneurs, et sa mémoire continua d’être vénérée. Depuis lors, les habitants de ce quartier ancien se considèrent sous la protection bienveillante de la Sainte. La légende raconte qu’à la tombée de la nuit, dans les ruelles silencieuses d’El-K’orran, certains enfants aperçoivent une silhouette blanche glisser le long des murs. Ce serait l’esprit de Seïda R’eriba, veillant sur les siens. Parfois, elle franchirait même le seuil des foyers, se faisant discrète mais perceptible. On ne la voit pas, mais on peut l’entendre. Un rire léger résonne soudain ? C’est un signe de bonheur à venir : bénissez Seïda R’eriba ! Mais si un soupir, une plainte ou un sanglot se fait entendre, l’inquiétude s’installe. Ces sons prémonitoires sont les avertissements d’un grand malheur imminent. Est-ce un vol qui menace, un incendie qui se prépare, ou même un tremblement de terre ? Peut-être, pour une mère, l’ombre d’un terrible drame touchant son enfant. Jamais les présages de Seïda R’eriba n’ont été démentis. Les habitants d’El-K’orran pourraient tous en témoigner : quiconque a ignoré ses avertissements l’a payé cher. Cette légende, profondément ancrée dans le patrimoine immatériel de Tlemcen, contribue au rayonnement spirituel et historique de la mosquée de Lalla Laghriba, lieu où la mémoire de Seïda R’eriba demeure vivante.
karima - Enseignante - Tlemcen, Algérie

20/11/2024 - 566641

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