L'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, a effectué une visite officielle d'une journée en Algérie à l'invitation du Président Abdelmadjid Tebboune qui s'est entretenu avec lui au siège de la présidence sur des «questions d'intérêts communs», selon les termes du communiqué de la présidence.Cette visite de la première autorité du petit mais puissant pays pétrolier confirme l'engagement d'Alger à sortir de son absence de la scène politique arabe en pleine ébullition en particulier avec « l'accord du siècle » dont le but est la dissolution de la question des droits fondamentaux des Palestiniens, accord que l'Algérie a officiellement rejeté. Cela marque ainsi une différence dans la position du représentant de l'illustre invité.
L'autre question de grande sensibilité est la crise libyenne, le Qatar affiche publiquement son soutien au Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez Al-Sarraj. Au demeurant, la visite, quand bien même brève, du prince qatari ? en provenance de Tunisie ? permettra pour le moins d'actualiser l'intérêt des deux pays qui veulent relancer leur coopération économique et les échanges commerciaux déjà assez significatifs. Pour les Qataris, cette visite leur permettra, avant tout, de faire la connaissance de leurs nouveaux partenaires aux commandes du pays après ceux du régime Bouteflika emporté par le Hirak et donc la nouvelle équipe née du scrutin du 12 décembre 2019. Soit dit en passant que ce puissant petit pays pétrolier organisera la Coupe du monde de football en 2022 et dans ce domaine sportif précis, des accords ont été signés entre les autorités sportives algériennes et qataries outre le fait que nombre de nos compatriotes ont choisi d'y exercer leur talent. C'est dire que pour les qataris, l'Algérie est une destination à plusieurs facettes prisées surtout par les hommes d'affaires qui y voient de grandes opportunités d'investissements dans les PME-PMI.
Les secteurs aérien et maritime sont appelés à bénéficier d'une plus grande attention. Cet intérêt qui n'est pas nouveau converge avec la volonté des responsables algériens d'attirer le plus grand nombre d'investisseurs et les Qataris sont une des cibles. Si l'année 2019 n'a pas enregistré d'événement économique spectaculaire, la stabilité progressive du pays et la révision de la règle 49/51 appliquée aux éventuels partenaires étrangers ouvrent de nouvelles perspectives. L'on comprend ainsi que parmi les motivations de la visite du prince qatari, jauger le pouls du nouveau climat des affaires et se l'entendre dire par le premier magistrat du pays, Abdelmadjid Tebboune.
Autres temps autres m?urs ' Du côté algérien, l'on ne cache pas une certaine admiration, proche de la fascination, pour le modèle qatari qui de quelques tentes de Bédouins s'est hissé rapidement au rang de puissance sévèrement critiquée pour le rôle pernicieux et néfaste dans le soutien aux mouvements islamistes. Si Alger a déjà fait comprendre aux Qataris qu'il n'apprécie guère ce jeu dangereux pour la stabilité des pays mis dans le viseur, le pragmatisme est élevé au rang de conduite dans la gestion de relations politiques avec les pays arabes. Une démarche qui est appréciée à sa juste valeur par les Qataris lors de la crise du Qatar avec ses pays voisins lesquels, en représailles, l'ont mis en quarantaine. A ce propos, la position de l'Algérie a été jugée «honorable» car, dès le début, elle a appelé au dialogue. Même attitude dans le cas de la guerre contre le Yémen menée par l'Arabie Saoudite, l'exclusion de la Syrie de la Ligue arabe et de la Libye.
L'Algérie veut ainsi «faire taire les armes» au profit du développement économique. De grands projets d'investissements dans un esprit de gagnant-gagnant ont déjà cours avec le Qatar notamment dans le cas du complexe sidérurgique de Bellara (Jijel), entré en production et qui en est à ses premières exportations d'acier.
Le secteur de l'agroalimentaire intéresse aussi les entrepreneurs qataris qui veulent mettre à profit les «relations historiques et privilégiées». La grande commission algéro-qatarie aura du grain à moudre. Par ailleurs, l'on s'attend à ce que la nouvelle équipe impulse les échanges multiformes entre les deux pays et que l'opacité qui a prévalu jusque-là sur ce plan soit levée. C'est à ce double défi que doit répondre le gouvernement. Abdelmadjid Tebboune est tenu de procéder au recadrage qui s'impose dans la gestion des grosses affaires qui impliquent l'économie du pays.
A Alger, Cheikh Tamim Ben Ahmad Al-Thani ne manquera pas d'aborder l'épineuse question de la crise libyenne et les moyens d'y mettre fin, sachant le rôle dévolu à l'Algérie dans la promotion du dialogue entre les parties en conflit. Les Qataris ont certes leurs calculs dans le soutien qu'ils apportent au GNA d'Al-Sarraj mais l'impasse actuelle aggrave le conflit.
L'intervention militaire de la Turquie aux côtés du Gouvernement d'union nationale sera un autre sujet de discussions au palais d'El-Mouradia. L'émir du Qatar est sans doute informé dans le petit détail sur cette crise. Le maréchal Khalifa Haftar se trouve encore plus remonté contre le Président turc Recep Erdogan qui vient de reconnaître que 12 de ses soldats ont été tués en plus de 100 mercenaires à Tripoli par l'armée de celui qui va devenir son rival dans ce nouveau duel? éclipsant le frère ennemi Al-Sarraj.
Brahim Taouchichet
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Posté Le : 26/02/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Brahim Taouchichet
Source : www.lesoirdalgerie.com