Algérie

La Libye en danger de partition


Au moment où l'Egypte menace d'entrer en guerre, l'Algérie joue la carte de l'apaisement et de promoteur de la paix. Plus que jamais, la Libye est menacée de partition. L'absence de perspectives de règlement souverain de la crise par les Libyens encourage les ingérences étrangères et exacerbe la lutte pour le partage des richesses de ce pays donnant lieu à des coalitions d'intérêts contre nature presque.Dans un tel contexte, tout concourt à penser que la paix est en otage et que la solution à ce conflit déjà vieux de 8 ans se trouve ailleurs qu'entre les mains des hommes de bonne volonté. Cette guerre fratricide que se livrent les protagonistes libyens est aggravée chaque jour un peu plus par les multiples ingérences étrangères donnant à la crise, née de la chute programmée de Maâmar El Gueddafi, une dimension insoupçonnée. Les derniers développements politiques sur la scène régionale hypothèquent la paix à laquelle aspire le peuple libyen précarisé. Et pour ajouter à ce sombre tableau, le Président égyptien brandit la menace d'une intervention militaire suite au recul des forces de son protégé le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar.
En effet, le Président Abdelfatah
Al Sissi et ses alliés dont la France voit mal son influence dans la région mise en cause. La tentation est donc grande de jouer la carte de l'engagement armé direct d'autant que son plan de paix est rejeté notamment par les Etats-Unis qui n'entendent pas se faire doubler par le tandem turco-russe qui rappelle le scénario syrien. C'est pourquoi le raïs en appelle à la Ligue arabe espérant rallier à son plan les 22 Etats arabes. Coincé dans sa lutte contre le terrorisme islamiste et le grave «casse-tête» du barrage sur le Nil ? c?ur battant de l'économie de son ­­­pays. En effet, en dépit de négociations sous l'égide des Etats-Unis, l'Ethiopie a décidé de lancer le remplissage du barrage du siècle dès ce mois de juillet. Que décidera alors le Président égyptien face à ce problème de survie ' Jouer la diversion par un total engagement dans la crise libyenne et espérer engranger quelques dividendes ' Mais tous les acteurs directs et indirects du conflit reconnaissent que les opérations armées, tantôt favorables à l'un puis à l'autre camp, ont mené à l'impasse. Il faudra alors en sortir et il n'y a pas d'autres alternatives qui le retour à la table des négociations pour une solution politique consensuelle et, donc, admise et soutenue par tous les intervenants dans cette crise qui risque malheureusement de s'inscrire dans la durée. «Zappée» un moment par le bruit de bottes, la diplomatie reprend ses droits. Les regards se tournent vers Alger pour la relance du processus d'une paix négociée, loin de toute pression ou parasitage des lobbies particulièrement actifs. En dépit de la sensibilité de la crise et des positions irréconciliables, les parties libyennes ? de guerre lasse ' ? en conflit veulent donner une chance à la paix à Alger. Preuve en est la reprise des va-et-vient diplomatiques et les séjours dans la capitale algérienne des émissaires et de Tripoli et de Benghazi.
L'Algérie, par la voix de son Président Abdelmadjid Tebboune a, de tout temps, tenu à ne pas verser dans la partialité en prenant fait et cause pour l'une ou l'autre partie, une position défendue à la conférence de Berlin en janvier dernier puis au Sommet de l'Union africaine. Ce samedi 20 juin, le chef de l'Etat a de nouveau été sollicité recevant au siège de la présidence Fayez Al-Serraj, le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d'entente nationale de l'Etat libyen (GNA), à la tête d'une importante délégation. Il en fera de même pour l'émissaire de Benghazi. Et l'on tient, en haut lieu, à rappeler que ces visites s'inscrivent dans le cadre «des efforts intenses consentis par l'Algérie visant la reprise du dialogue entre les frères libyens en vue de trouver une solution politique à la crise libyenne, une solution basée sur le respect de la volonté du peuple frère, la garantie de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale». Ce regain diplomatique intervient dans un contexte marqué par une succession des déboires des forces du maréchal qui s'avère incapable d'assurer ses engagements envers ses sponsors notamment russes, émiratis, égyptiens et français, voire... Ainsi, les clefs de Tripoli restent bien gardées aux mains d'Al-Serraj. Plus grave, ses forces fuient les combats et abandonnent les principaux fiefs conquis. Le maréchal voit ainsi tous ses plans de s'emparer de la capitale tomber à l'eau après plus d'une année de siège et de bombardements intensifs. Et le passif est lourd. Il y a ses attaques meurtrières contre les civils et les charniers découverts suite au retrait de son armée.
L'Egypte du Président Al Sissi (certainement de connivence avec la France, fossoyeur du régime
El Gueddafi) tente de sauver du désastre le maréchal lequel n'est plus en odeur de sainteté aux yeux de ses parrains. Le général Al Sissi s'active. Faut-il voir dans ses initiatives beaucoup plus des effets d'annonce dans une tentative de sauver ses intérêts et même sa crédibilité ' Son «plan de paix» est d'emblée considéré comme mort-né. Et comme il fallait s'y attendre, l'administration américaine a rejeté ce plan. Il ne reste plus qu'à rechercher un joker, le maréchal s'avère un piètre stratège militaire doublé d'un médiocre politique. S'achemine-t-on alors vers une redistribution des rôles dans la recherche d'une relève à Benghazi ' Un nom est avancé, il s'agit du président de la Chambre des représentants, Aguila Salah Issa.
Il semble que les principaux maîtres d'?uvre s'y emploient et le reste n'est qu'une question de jours. Mais le temps presse. Pour l'heure, la Turquie, qui s'est investie totalement dans la crise libyenne (politiquement et militairement), doit jubiler d'avoir bouté hors de Tripoli les milices du maréchal et va jusqu'à imposer ses conditions quant à un éventuel cessez-le-feu après le rejet de la proposition de l'Egypte de faire taire les armes ? son plan de paix. Bien sûr, Erdogan vise loin, il reste deux villes à placer dans son giron dont Syrte (d'où est natif Maâmar El Gueddafi), à 450 km à l'est de Tripoli prise en janvier dernier par les forces de Haftar. La bataille de Syrte, ville sur laquelle butent encore les forces d'Al-Serraj, riche en pétrole et en gaz, attise les appétits. Evidemment. C'est pourquoi l'on assiste à une confrontation à fleuret moucheté entre Turcs et Russes et entre le duo turco-russe et les
Etats-Unis.
Brahim Taouchichet
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