Algérie

LA LIBERTE, SEUL ARGUMENT QUI VAILLE


La tentative d'attaque d'une chaîne de TV privée tunisienne par des salafistes, au motif de la diffusion d'un film franco-iranien «Persépolis», suscite, à juste titre, un grand émoi en Tunisie, alors que le pays se trouve sur la dernière ligne droite des élections de sa Constituante. Il ne faut surtout pas chercher à savoir ce qui dans le film aurait pu susciter la colère de ces islamistes. Ce serait entrer dans une logique pernicieuse où les ennemis de la liberté - et pas uniquement les islamistes - auront toujours des pseudo-arguments à faire valoir.
Le seul argument qui vaille la peine est celui de la liberté. Liberté de dire, liberté de ne pas écouter et de regarder ailleurs. Et d'éteindre sa télévision au lieu d'essayer de brûler le siège d'une TV. Personne ne contraint les Tunisiens à regarder un film ou un programme. Et chacun d'entre eux a la latitude et le pouvoir souverain de zapper. Ceux qui estiment que des programmes d'une télévision ne cadrent pas avec leur croyance ont la liberté de cesser définitivement de la regarder… Personne n'est tenu de partager les goûts et les idées d'une TV ou d'un journal. Et il y a, fort heureusement, cette réponse radicale et pacifique qui consiste à l'ignorer et à cesser de l'acheter. Il y a donc toujours une panoplie de réponses individuelles, pacifiques et libres. Dans le cas le plus extrême, il y a le recours à la justice…
Mais le recours aux arguments musclés pour contester le travail d'une télévision et d'un organe de presse est insupportable. Le mouvement islamiste Ennahda a immédiatement pris ses distances et dénoncé cette attaque. Une réaction compréhensible car l'action menée par les salafistes le dessert, alors qu'il est en bonne place et qu'il multiple les propos rassurants. Ghannouchi a ainsi ostensiblement souligné que c'est l'exemple de la Turquie qui est l'objectif d'Ennahda et non le «modèle» saoudien ou iranien.
La tentative d'attaque menée par les salafistes - contrée par les forces de l'ordre - va désormais peser sur le climat politique tunisien. Ceux qui considèrent que les islamistes doivent être bannis du champ politique ne laisseront pas passer l'évènement. Ils ne le considéreront pas comme un simple incident de parcours. Et même si ces salafistes n'ont pas d'existence partisane (leur demande d'agrément a été rejetée), il faudra s'attendre à ce que ce soit Ennahdha qui en subisse les dommages. Le thème va donc inévitablement peser dans la bataille pour gagner l'électorat tunisien, dont une partie assez importante reste indécise et tentée par l'abstention.
Il n'est pas anormal que des partis en concurrence avec Ennahdha se saisissent de cet évènement significatif. Dans la transition, c'est toujours la définition du cadre et des règles du vivre ensemble qui sont en jeu. Ennahdha, comme d'autres mouvements islamistes dans le monde arabe, est suspecté de tenir un double langage. Et il n'est pas inutile que ses adversaires se saisissent de ce fait pour l'amener à se prononcer sans équivoque sur la liberté d'expression et sur le rejet de la violence.
Cette affaire introduit un élément de dramatisation dans le débat politique en Tunisie. Jusque-là, la transition s'est relativement bien passée en dépit de grandes difficultés et des controverses à n'en pas finir. Mais l'entrée en action de ces nervis, dont l'inculture est aussi grande que leur absence de sens politique, montre qu'un dérapage est toujours possible.
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