Algérie

La liberté par la serrure de la porte



La liberté par la serrure de la porte
Al rahina (L'otage) est une pièce de Nabila Brahim qui évoque les ennemis intérieurs de la femme et qui tord le cou à l'optimisme.AnnabaDe notre envoyé spécial Les rêves sont confisqués et les cauchemars occupent tous les espaces. L'idée est explorée poétiquement dans le texte de Mohamed Bouiche à travers le récit d'une femme enfermée cherchant à trouver la clé pour ouvrir la porte. Une femme qui cherche à fuir ses propres tourments et à se libérer des chaînes de la soumission imposée par l'ordre social et le règne masculin. Nabila Brahim a pris le risque de monter le texte sur scène, lui donner une âme théâtrale. Al rahina (L'otage) est le titre choisi pour une pièce produite par le Théâtre régional de Batna et présentée mercredi soir au théâtre AzzedineMedjoubi de Annaba en compétition du 3e Festival national du théâtre féminin. La metteur en scène a tenté de reproduire les souffrances d'une jeune femme (Nawel Messaoudi) évoluant dans un espace surréel. Elle est livrée à ses douleurs intérieures, à ses souvenirs traumatisants, à ses rêves réprimés, à ses désirs tus...Elle tente à plusieurs reprises d'ouvrir la porte, bien verrouillée, et de crier par la serrure : «Libérez-moi ! Laissez-moi sortir !». Mais elle n'est pas seule dans cet endroit lugubre où une caisse lui rappelle son passé. Le tortionnaire ou le détenteur des clefs (Mohamed Tahar Zaoui) est là, veille sur tout, a le regard sur tout. «Tu ne sortiras pas sans mon accord ! Tes rêves ont été saisis !», lui dit-il sans cesse.S'agit-il d'un autre gardien du temple ' Est-il la conscience faite homme ' Ou symbolise-t-il tous les interdits et les conservatismes qui ligotent la femme dans les sociétés où la modernité est en projet ' Trois hommes habillés en noir (Zayed Djenane, Mohamed Lamine Nia et Abdelnacer Arab) exécutent des danses à la gestuelle sombre, suggérant la menace permanente contre la femme. La metteur en scène, aidée par Mohamed Tahar Zaoui, a tenté d'aérer le texte de Mohamed Bouiche sans y parvenir totalement. La pièce, dominée par une certaine idée expressionniste, a été surchargée par la musique et la linéarité narrative.Cela ressemble presque à un monodrame évolué où le deuxième personnage (le tortionnaire) n'est là que pour créer une certaine action dramatique, même si l'atmosphère est statique. Très difficile à ce niveau-là de captiver l'intérêt du spectateur. Le théâtre n'est-il pas d'abord un spectacle, un moment de bonheur ' L'ennui est un ennemi qui menace à tout moment une représentation qui se perd dans la philosophie profonde et le langage ampoulé. La chorégraphie conçue par Samah Smida, exploitée en prologue, a ajouté quelque peu à l'ambiguïté de la démarche dramatique. La scénographie de Mourad Bouchhir a, par contre, bien rendu l'idée de la pièce avec une légère touche symbolique.Nabila Brahim, qui met en scène pour la première fois une pièce dans le théâtre professionnel, a reconnu que le texte poétique de Mohamed Bouiche est difficile à traduire sur scène. «Nous avons introduit plusieurs modifications pour faire plus simple, changé l'épilogue pour rester dans l'idée de ?'l'otage . La musique est un appui pour la pièce pour intensifier l'émotion. Dans notre société, beaucoup de femmes vivent la situation du personnage de la pièce. Elles n'arrivent même pas à respirer, à avoir leurs droits les plus élémentaires. C'est une vérité», a soutenu Nabila Brahim lors du débat après la représentation.Mohamed Tahar Zaoui a relevé, pour sa part, que le théâtre permet parfois de mettre la lumière sur ceux qui souffrent en silence. «Le point d'interrogation que peut avoir le spectateur à la fin de la pièce est celui de savoir si la porte était fermée de l'intérieur ou de l'extérieur. Cela peut ressembler à un cercle vide. Les traditions, les coutumes et l'autorité parentale sont des obstacles réels. Mais il existe d'autres moyens d'asservissement comme la peur de se libérer. Il s'agit donc de se libérer de la peur aussi. Dans la pièce, la femme n'a toujours pas la force pour ouvrir et sortir. A chaque tentative ratée, les portes deviennent plus grandes. Le dilemme», a-t-il noté, reconnaissant les aspects parfois inaccessibles du texte de Mohamed Bouiche.




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