La hausse des
dépenses de fonctionnement consacrée par la LFC 2011 fait peur. L'Etat peut, en cas de trou
d'air, réduire un programme d'autoroutes ou d'hydraulique. Pas les salaires des
fonctionnaires. Le point de vue qui soutient que des salaires plus hauts
peuvent relancer la faible productivité algérienne reste timide. Les chiffres
du premier trimestre 2011 suggèrent que ce sont les importations de biens de
consommations durables qui captent les hausses de salaires.
La progression est
considérable. Le projet de loi de finances complémentaire pour 2011 prévoit une
augmentation de 25 % de la dépense publique. Celle-ci va passer de 6600
milliards de dinars en 2010 à près de 8200 milliards cette année. Les dépenses
programmées sont également en hausse plus de 1600 milliards de dinars par
rapport à la loi de finances initiale pour 2011.
Ces dépenses
comprennent notamment près de 400 milliards de dinars au titre des
augmentations de salaires accordées aux fonctionnaires, y compris leurs rappels.
Elles s'ajoutent aux 600 milliards programmés pour le même motif l'année
dernière. Soit plus de 1000 milliards de dinars en deux ans.
La
LFC 2011 prévoit aussi 140 milliards de dinars pour
l'élargissement du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes, notamment
l'augmentation du programme de travaux à haute intensité de main-d'Å“uvre géré
par les APC. Le budget de soutien des prix des seuls produits alimentaires
reçoit en outre 178 milliards de dinars de subventions supplémentaires pour la
stabilisation des prix du blé, de l'huile, du lait et du sucre, portant ainsi
cette subvention de 90 milliards de dinars en 2010 à 270 milliards pour l'année
2011.
Au total, un
budget de fonctionnement de l'Etat qui atteint le montant faramineux de plus de
4300 milliards de dinars en 2011 contre un peu plus de 1200 milliards de dinars
en 2005.
Un cadre du
ministère des Finances qui a requis l'anonymat attire en outre notre attention
sur «l'artifice qui a consisté, dans la
LFC 2011, à inscrire des autorisations de programmes de près
de 900 milliards de dinars au profit du secteur de l'habitat». Pour notre
interlocuteur ces dépenses additionnelles «ne seront évidemment pas consommées
au cours de l'exercice 2011, contrairement aux dépenses de fonctionnement, leur
inscription au titre du budget 2011 est simplement destinée à masquer le
déséquilibre croissant entre dépenses de fonctionnement et dépenses
d'équipement».
Les importations premières
«bénéficiaires» des augmentations
Pour beaucoup de
spécialistes, les conséquences macroéconomiques de cette fièvre de dépenses qui
s'est emparée du budget de l'Etat sont encore à venir. De nombreux
commentateurs ont déjà soulevé le problème du risque inflationniste que
représentent de telles injections de revenus dans le circuit économique.
Ce risque était
envisagé à la mi-avril dernier par le ministre des
Finances lui-même. Karim Djoudi indiquait que «c'est
grâce à un effet de stérilisation d'une partie des revenus distribués par
l'Etat que nous pouvons escompter en 2011 un taux d'inflation contenu aux
environs de 4%». Selon le ministre, l'augmentation de la demande interne de
consommation résultant du versement des salaires au titre des régimes
indemnitaires et statuts particuliers avec rappel sur 2008, 2009 et 2010, «suppose
un risque inflationniste». Cependant, «les risques d'inflation associés seront
fortement atténués par les opportunités d'épargne pour l'accès au logement et à
l'investissement productif».
Pour l'heure, les
opportunités d'épargne évoquées par M. Djoudi ne semblent
pas avoir séduit les fonctionnaires algériens. Le même cadre du ministère des
Finances estime, au contraire, que «l'augmentation sensible des dépenses du
budget de fonctionnement de l'Etat court le risque d'alimenter essentiellement
la consommation des ménages et plus particulièrement les importations». C'est
ce que semblent déjà montrer les résultats du commerce extérieur communiqués
dernièrement par le CNIS et enregistrés au premier trimestre 2011. Les
importations algériennes qui s'étaient stabilisées, en 2009 et 2010, sont de
nouveau en forte hausse de plus de 10% depuis le début de l'année en cours. L'augmentation
est particulièrement spectaculaire pour les importations de véhicules de
tourisme qui sont en hausse de près de 40% par rapport à la même période de
l'année dernière et qui viennent d'établir un nouveau record historique en
dépit de l'interdiction du crédit auto.
Des dépenses incompressibles
dans l'avenir
Le bond de la
dépense publique de la LFC
2011 alimente un début de polémique sur le pilotage des finances publiques en
Algérie. Cependant, c'est en 2010 qu'un tournant a été pris avec la loi de
finances complémentaire pour l'année. Des dépenses de fonctionnement
additionnelles de plus de 600 milliards de dinars sont venues s'ajouter aux 2800
milliards prévus au début de l'année. La progression de ces dépenses par
rapport à 2009 est passée brusquement de 7% à près de 30%. L'augmentation, pourtant
déjà considérable, des dépenses de l'Etat bénéficiait jusque-là d'une sorte de
consensus en raison de la prédominance des budgets d'équipement. En dépit de la
dépendance croissante dans laquelle elles plaçaient l'économie du pays vis-à-vis
de la dépense publique, les spécialistes insistaient sur les motifs d'espoir
qu'incarnaient les programmes d'investissement en cours dans les
infrastructures économiques de base. Les routes, le train, l'hydraulique, ces
trois secteurs ont été, jusqu'en 2010, les principaux bénéficiaires de
l'allocation des ressources avec l'éducation-formation,
l'habitat et le soutien à l'investissement. Ce consensus tacite autour de
«dépenses publiques utiles», est en train de se briser avec l'explosion en
cours du budget de fonctionnement. Un niveau de dépenses incompressible dans
l'avenir. Sauf en situation de banqueroute, comme en Grèce, au Portugal ou en
Irlande.
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Posté Le : 17/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Taleb
Source : www.lequotidien-oran.com