Algérie - Revue de Presse

La légitimité par le mea-culpa


Le19 juin 1965, le Pouvoir a admis qu'il avait tort dès le 05 juillet 1962. En 79,le Pouvoir a aussi admis qu'il avait tort dès 65. En 1992, le Pouvoir a avouéavoir eu tort dès l'enterrement de 1979. Le cycle continua en 1992, puis 1994puis en 1999. Aujourd'hui, le Président a dit la même chose face à 1.541 autresprésidents comme lui, élus mais dépendant de l'aval des Chefs des daïras. Commel'exige la désormais longue tradition, Bouteflika aavoué qu'il a eu tort depuis son premier mandat. Le problème est que, contrairementà d'autres qui l'ont précédé à El Mouradia, lui, il ace malheur d'avoir eu tort deux fois : avec le socialisme et avec lelibéralisme. Pour revenir au sujet de la chronique, cependant, il s'agit defaire un constat : le Pouvoir est toujours en retard sur lui-même et en avancesur le pays. Il prend le pouvoir, le malmène, lui fait des enfants puis déclarequ'il a eu tort avant de recommencer. On a ainsi souvent accusé le Pouvoir d'abuserde la légitimité historique et ce n'est pas vrai : la légitimité du mea-culpaest plus forte et plus grande. Il y suffit de dire qu'on a eu tort pour se voiroffrir le droit de recommencer. C'est ainsi que les mea-culpa annoncent, cheznous, des bouleversements imaginaires. Dans quelque temps, le patron de la RADP pourra annoncer un autregouvernement et avoir l'aval psychologique des Algériens. Pourquoi ? Parce queles Algériens aiment et ont de l'affection pour les gens qui avouent leur tort.Un chauffard peut vous « griller » la priorité et vous pousser vers le trottoir,il lui suffit de lever la main et de vous sourire avec un air contrit et écrasépour vous arracher le pardon magnanime. Les colons français étaient haïs enAlgérie par les colonisés, mais aujourd'hui, il suffit de les voir revenir enpèlerinage douloureux pour presque leur demander de rester et de reprendre lesterres et les vignes comme si de rien n'était. Fin psychologue, le Pouvoir sait: il avoue son tort et vous revient neuf par la fenêtre. Avant ce momentépiphanique, vous pouvez vous faire matraquer, mis sous embargo par l'ENTV, isolé, empêché de prendre la parole, exclu de toutesles listes imaginables, si vous dites les vérités à votre Pouvoir de tutelle. Pourtant,se sont ces mêmes vérités qu'il va admettre par la suite, comme s'il s'agissaitde ses idées propres et de ses trouvailles à lui. On a vécu la même chose avecla « Réconciliation », les réformes, les élections, les privatisations, ledésastre des élections contrôlées et la politique du bonheur pour tous parinjections massives de crédits et de Chinois, le socialisme et le libéralisme. Aujourd'hui,Bouteflika fait de même : il endosse le Pouvoir, prendde la distance avec les échecs tout en les acceptant, accuse l'Etat d'en faceen se mettant dans la position des vis-à-vis, explique aux siens qu'ils ont eutort mais qu'il s'agit d'une autocritique.

Etcomme de tradition, en Algérie, tout le monde va se retrouver à la foisinnocent, coupable, non concerné, visé, compris et exonéré. A la fin, comme detradition, on va s'embrasser et recommencer avec une émotion plus propre. On lefait depuis l'Indépendance et même les massacres des années 90 ont fini par desembrassades et des accolades. En Algérie, le crime est impersonnel, l'Etat estpersonnel.


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