La légende des maudits.
Il était autrefois, non pas un roi et une reine, comme dans les contes de Perrault, mais simplement un jeune Arabe né de parents plus riches et plus puissants qu’honnêtes, fixés dans ce pays.
Le jeune Arabe, nommé Ali, gentilhomme accompli, avait une sœur, un ange de beauté, qui répondait au nom d’Ourida. Elle était si merveilleusement belle que son frère, cédant à un entrainement irrésistible, en devint éperdument amoureux et jura qu’Ourida n’appartiendrait jamais à un autre qu’à lui; détermination aussi scabreuse que téméraire.
Ali étant parvenu à faire partager sa passion insensée à sa sœur, les deux jeunes gens résolurent de s’épouser, au mépris du code musulman qui défend sous les peines les plus sévères les unions incestueuses.
Les parents, peu délicats, avaient donné leur consentement, et il ne s’agissait que quelques-uns des invités se trouvaient vaincus par la générosité de l’amphitryon.
L’allégresse régnait partout, les échos sonores répétaient à l’envi les you-you les plus joyeux, les danses avaient recommencé avec frénésie; le couple impie allait se retirer dans la chambre nuptiale.
Tout à coup le ciel, jusqu’alors limpide et souriant, se couvrit de nuages épais, le tonnerre gronda avec un retentissement formidable, des éclairs fulgurants sillonnèrent les nues, la terre s’entrouvrit avec fracas pour vomir des torrents de flammes, puis une pluie de soufre et de feu s’abattit sur la salle du banquet qui en un instant ne fut plus qu’un monceau de cendres.
Moins heureux que les habitants d’Herculanum et de Pompéi, qui étaient parvenus à se sauver au moment de l’éruption du Vésuve, les gens de la noce arabe cherchèrent vainement à fuir, une force invincible les retint immobiles à leur place.
Quand la tempête infernale fut apaisée, le théâtre de la fête présenta un tableau stupéfiant; Ali, Ourida, tous les convives, danseurs, musiciens, esclaves, étaient pétrifiés.
Les cônes que l’on voit aujourd’hui sont les acteurs du terrible drame; les sources empestées d’où s’exhalent des émanations sulfureuses demeurent connue le témoignage éternel de la catastrophe occasionnée par la légèreté excessive d’Ali et d ‘Ourida.
La tradition locale prétend encore que, la nuit, les fantômes s’animent, les fêtes recommencent de plus belle.
Il faut bien alors se garder d’approcher l’endroit maudit, si l’on ne veut être entrainé dans la ronde infernale et enrichir la curieuse collection de pétrifications exposée sur le plateau d’Hammam-Meskoutine
On conçoit, d’après ce récit romanesque, que les indigènes, qui en admettent la véracité sans hésitation, fréquentent peu cette station thermale.
Pour le voyageur moins crédule, ce doit être un spectacle bien étrange que celui de ces revenants de pierre, éclairés par les lueurs blafardes de la lune. C’est alors que les fantaisies de l’imagination peuvent se donner libre carrière. Le silence de mort qui plane sur le cimetière des damnés n’est troublé que par les rugissements sauvages des bêtes fauves rassemblées autour du rocher connu sous le nom de « Rocher des Panthères » qui se dresse non loin des sources.
LE BAIN DES DAMNES
Ce n’est pas sans raison qu’on a appelé ce lieu « Hammam-el-Meskoutine », le bain des maudits ; car il a été témoin d’un grand crime et d’un terrible châtiment.
Il y avait autrefois sur ce terrain brûlant, où des habitants de l’enfer pourraient seuls vivres aujourd’hui, une tribu nombreuse et puissante. Parmi les guerriers d’élite dont elle avait le droit de se glorifier, on remarquait Sidi-Arzaq, le meilleur de ses cavaliers, le plus brave de ses combattants et le plus riche de tous les Arabes de la province.
Heureux si à ces dons, à ces avantages, il avait joint la crainte du seigneur, les respects de la loi, sans lesquels valeurs, esprit, science et richesse ne sont rien !
Mais Sidi-Arzaq était soupçonné fortement de ne pas faire les cinq prières légales quotidiennes. On assurait même que pendant le jeûne sacré du ramadan, il n’attendait pas le coucher du soleil pour prendre de la nourriture.
Peut-être ne lui attribue-t-on toutes ces abominations que parce que plus tard il est devenu un grand criminel !
Dieu sait la vérité !Quoi qu’il en soit, Sidi-Arzaq avait une sœur, Yamenah,dont la beauté était célèbre dans tout le pays. Les cheikhs les plus puissants l’avaient demandée pour épouse, offrant de riches dots en bestiaux et argent.
Jamais son frère n’avait consenti à la donner. Chacun s’étonnait de ce refus continuel, lorsqu’on apprit que Sidi-Arzaq était éperdument épris de sa sœur, et que même il songeait à l’épouser.
Les vrais musulmans refusaient de croire à une semblable profanation, et lorsqu’ils ne purent plus en douter, ils s’en affligèrent profondément
On espérait que le crime ne pourrait se consommer, parce qu’on ne supposait pas qu’il se trouvât un Cadi assez ignorant ou assez perverti pour consacrer une aussi monstrueuse union.
Mais, puissance du rang et de la fortune! Sidi-Arzaq, à force de présents et d’opportunités, rencontra le juge prévaricateur qu’il lui fallait ; il eut aussi des témoins, et le mariage se fit à la place où nous sommes.
Les autres habitants de la tribu éloignèrent aussitôt leurs tentes pour ne pas autoriser le crime de leur présence. Au bout de quelques jours, comme on ne voyait paraître ni Sidi-Arzaq, ni le Cadhi, ni les témoins, des curieux se hasardèrent à venir dans l’endroit où on les avait laissés.
Quelles furent leur surprise et leur épouvante en apercevant, au milieu des mariés, du Cadhi et des gens de la noce, ces cônes blancs qui n’existaient pas auparavant !
On ne douta point que les auteurs de l’inceste et leurs complices eussent été changés en pierres, ce fait fut confirmé depuis par les oulèmah, qui reconnurent, malgré leur transformation, tous les acteurs de la scène coupable.
Dieu est grand ! il n’y a de dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète !
écrite en 1886 par E Bourquelot.
Pour kisty.
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Posté Le : 12/06/2023
Posté par : patrimoinealgerie
Source : azititou.wordpress.com