Algérie

La leçon et la question



La leçon et la question
L'information tombée sur le fil APS est passée quasi inaperçue. Pourtant, elle est lourde en ce qu'elle apporte comme indications, et leçons pour ceux qui sauraient en comprendre les enseignements et en apprécier la portée. Le directeur de l'Agence nationale de l'emploi (Anem) de Biskra a annoncé que 1 000 offres d'emploi ont dû être annulées dans cette wilaya au cours de l'année 2013 «faute de candidats demandeurs». Pourquoi ' Pour la simple raison que ces offres d'emploi non pourvues concernaient essentiellement les secteurs du bâtiment et de l'agriculture qui sont connus pour être pourvoyeurs en emplois. Or, les métiers de maçon, crépisseur, ferrailleur, travailleur agricole, même saisonnier, n'intéressent pas les jeunes chômeurs. Ceci n'est pas un scoop. On a déjà entendu parler des difficultés des entreprises en bâtiment et des exploitations agricoles à trouver des travailleurs, à tel point que les premières se sont tournées vers la main-d'?uvre étrangère, les Chinois notamment, et les deuxièmes vers les étudiants qui acceptaient de ramasser la pomme de terre ou cueillir des pastèques pour un bon salaire que les chômeurs dédaignaient. N'est-ce-pas un paradoxe que les chômeurs fassent la fine bouche quand on leur propose du travail et qu'en même temps on les voit souvent manifester pour demander des emplois ' Certes, s'en est, mais ce n'est là qu'un parmi tous les paradoxes que l'Etat a créé et entretenu. Il s'est dit décidé à éradiquer l'économie souterraine, mais il refuse d'imposer le chèque et la facture dans les transactions commerciales, il s'est dit résolu à lutter contre la corruption, mais regarde passivement des scandales exploser et l'éclabousser, il s'est dit engagé pour la construction d'une démocratie et d'un Etat de droit, mais refuse de laisser émerger une opposition et un contre-pouvoir...Pour en revenir aux chômeurs sélectifs, on ne peut leur endosser, seuls, la responsabilité de leur attitude, même s'ils y ont une grande part. Ils sont le produit d'un système avant d'en devenir un des éléments. Recalés d'un système éducatif qui n'a toujours pas su réduire ses taux d'échec, les chômeurs ont été pris en charge par la rue et le marché informel qui leur permet de se faire de l'argent sans trop se fatiguer ni passer par ces circuits administratifs minés par la bureaucratie et les passe-droits. Décidé à réduire le chômage, l'Etat a mis en place des dispositifs d'aide à l'emploi. En fait, il n'a pas mené une action pour promouvoir les valeurs du travail et former les jeunes aux métiers qui sont demandés dans les différents secteurs de production, mais encouragé les chômeurs à devenir des patrons qu'il subventionne, sans prendre en considération leur incompétence en gestion et management.Evidemment, en l'absence de débats et d'analyses critiques qui souligneraient les imperfections et proposeraient des solutions, toutes les décisions, même les plus aberrantes, passent comme lettre à la poste. Et si d'aventure une voix contredisant la démarche s'élève, elle est tout de suite noyée dans ce brouhaha ambiant dominé par les discours lénifiants, les satisfécits, les chamailleries oiseuses, les polémiques stériles, les bagarres de chiffonniers et les calculs politiciens. Comment un Etat peut-il, si nécessaire, se remettre en question, rectifier sa trajectoire, revoir sa politique, corriger sa démarche, si les acteurs politiques qui sont censés être ses garde-fous, se fourvoient et s'empêtrent dans des situations qui l'éloignent complètement de son rôle ' Autre paradoxe de l'Algérie : la scène politique algérienne compte un nombre faramineux de partis politiques pourtant elle n'a jamais été aussi vide de débats critiques, propositions constructives et alternatives. Et, malheureusement, elle n'a jamais suscité autant de détachement chez l'opinion publique. Qui pourrait s'intéresser à un FLN qui bouillonne non pas d'activités et d'actions politiques pour proposer le changement ou conforter une démarche, mais parce qu'on ferraille dur pour la prise de sa direction ' Quel crédit peut-on accorder au secrétaire général de ce parti, considéré comme une grosse cylindrée donnant le tempo de la politique nationale, se mettant à s'exprimer comme le porte-parole officiel d'un candidat qui, lui-même, ne s'est pas déclaré comme tel et n'a, officiellement, nommé personne pour parler à son nom ' Comment peut-on miser sur cette autre grosse cylindrée qu'est le RND quand on le voit ronronner en attendant que son rôle soit défini ' Et si les deux poids lourds de la politique font du sur-place en laissant leurs adhérents mariner, qu'en serait-il de tous ces partis qui ne savent plus sur quel pied danser ' Opposition et pseudo coalition sont renvoyées dos-à-dos par l'opinion publique qui s'est déjà fait son idée sur le pays, ses gouvernants, sa politique, ses partis et l'élection présidentielle. Faut-il travailler à changer ce que traduit l'idée ou la perception de l'opinion publique ' La question ramène à celle de savoir si on est prêt à changer le système que nous perpétuons, car nous en faisons partie, ou non. Auquel cas, nous devons tous assumer la responsabilité de ce qui adviendra de l'Algérie et de l'héritage que nous laisserons à nos enfants.H. G.




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