Algérie

La langue française, un butin de guerre '



Dans un post rédigé sur Facebook, le romancier et poète Rachid Oulebsir a fait ce qu'il appelle une «lecture politique» de la tournée littéraire que le célèbre écrivain algérien Yasmina Khadra vient d'effectuer à Oran, Alger et Tizi Ouzou et lui «a accordé le fait qu'il a volé au secours de la langue française dont l'extinction programmée est confiée à l'école algérienne, langue récemment déclassée officiellement au profit de l'anglais». Ce post, plutôt surprenant, a suscité de nombreux commentaires d'internautes. Nous en répercutons ici une sélection, certes incomplète et subjective, mais qui nous paraît représentative de l'opinion publique algérienne, assez partagée sur ce sujet.«La langue française, butin de guerre, comme disait feu l'écrivain Kateb Yacine ' Plutôt cheval de Troie et cordon ombilical avec la doctrine néocoloniale», assène d'entrée le dénommé Rachid. «La langue française n'est pas du tout un butin de guerre mais plutôt une langue de domination, de répression et de remplacement d'une culture par une autre dans un but de dépersonnalisation.
Encore une fois, c'est confirmé : Paris est la capitale des pays africains sous-développés» ! Mais un butin de guerre qui devient par la force des choses (Internet, la globalisation...) inutile ! Sur le plan scientifique, technique et technologique, le français est une langue en voie de disparition. Même en France, les centres de recherche et les sociétés savantes françaises publient désormais en anglais.
Comme dit un adage bien de chez nous, «ça ne sert à rien de pousser un âne mort», fait remarquer très sévèrement un certain Abderahim. «Le français, butin de guerre, c'est la pire bêtise proférée par Kateb Yacine.
Une langue n'a jamais été un butin, c'est plutôt une conséquence, une séquelle de la colonisation. Les francophones algériens (et j'en suis !), c'est une génération qui va finir par s'éteindre. La langue des Algériens, c'est l'arabe, ou le chawi, ou le kabyle, ou le mzabi, etc. La langue arabe est un legs ancestral depuis la période médiévale où les sciences étaient dispensées dans cette langue dans toute l'Afrique du Nord jusqu'à El-Andalous. Et si besoin est, la langue étrangère à choisir aujourd'hui en priorité doit être l'anglais», poursuit dans le même sens le dénommé Ahmed. «Abandonner le français est une bêtise qu'on regrettera de sitôt», soutient, au contraire, Slimane. «Cette langue étant relativement bien parlée et maîtrisée en Algérie, elle constitue, et depuis longtemps, un tremplin pour nos élites; je ne parle pas des politiques qui, eux, ont déjà trouvé la langue qui convient le mieux à leurs «dribbles»!
Je parle des cadres, chacun dans son domaine respectif, qui maintiennent ce pays debout sans jamais le crier sur tous les toits. Le français a été la clef qui leur a permis d'accéder à la médecine, à la technologie et à bien d'autres spécialités, y compris la langue anglaise qui est, pour cette catégorie d'Algériens, une nécessité qu'ils acquièrent au cours de leur cycle d'études ou leur vie professionnelle».
«Il n'y a pas de langue ennemie», souligne pour sa part Chakib. «Tout artisan utilise l'outil qu'il maîtrise le mieux, et une langue n'est qu'un outil de communication. Choisir entre l'anglais ou le français comme première langue étrangère, le problème ne réside pas là ! Le plus important est de transmettre à nos enfants le goût des savoirs, y compris l'éducation à la citoyenneté, et comment tirer profit des connaissances acquises pour s'épanouir dans la vie. Au lieu de refonder en permanence, il nous faut apprendre à consolider, faire d'une langue, quelle qu'elle soit, un vecteur de connaissance qui libère des carcans idéologiques.
Ce n'est pas parce que nous enseignons la langue française dans nos écoles que nous confortons une allégeance à la France. Le français est aussi la langue des Suisses, des Belges, des Québécois qui ont une culture propre qui n'a rien à voir avec la France.
Le français en Algérie est algérien, et il véhicule des valeurs profondément algériennes, et c'est cela qu'il faut renforcer, consolider loin de tout débat idéologique passionné et de tout affect. Au lieu de parler de langue, peut-être devrions-nous davantage nous intéresser aux contenus, aux méthodes d'enseignement, aux rythmes scolaires, aux enfants à besoins éducatifs particuliers qui sont la proie de vendeurs de recettes pédagogiques, aux parents qui se retrouvent parfois dans le désarroi, à ces milliers de jeunes exclus du système scolaire, sans diplôme et sans perspectives, c'est à cela qu'il faut réfléchir en priorité».


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