Algérie

La Kabylie martyrisée



On aurait aimé que la tragédie que vient de vivre Béjaïa se joue sur les planches. Hélas, la mise en scène meurtrière, ravageuse, dévastatrice, mise au point par ses programmateurs, n'avait rien d'une pièce de théâtre. Leur objectif: semer la mort, le désarroi, la panique, plonger tout un peuple dans un drame qui le traumatisera pour longtemps. Endeuiller les familles, détruire leurs maisons, les priver d'un moyen de production ancestral: la terre nourricière réduite en cendres. Récoltes, arbres fruitiers, oliviers, figuiers, troupeaux d'ovins, de bovins, tout ce qui caractérise l'économie montagnarde a été réduit en fumée. Un génocide!La main de l'homme, la main de criminels, la main de ceux qui ont programmé de raser la Kabylie, de la mettre à genoux, de brûler vifs ses enfants, est passée par là.
La forte odeur d'hydrocarbures, qui se dégageait bien avant des départs de feu étrangement simultanés à plusieurs endroits de la région, conforte ce scénario écrit, planifié sans aucun doute pour martyriser une population traumatisée par une pandémie de Covid-19 dévastatrice, doublée d'une saison précocement sèche, qui a mis les robinets à sec accompagnée de températures caniculaires.
Tous les ingrédients étaient réunis pour suffoquer. Il ne restait plus qu'à allumer l'étincelle qui allait transformer leur vie en enfer.
Le drame vécu par les villages de la wilaya de Tizi Ouzou n'a pas tardé à toucher celle de Béjaïa. «On le redoutait, lundi soir (le 9 août) j'ai senti une forte odeur d'essence. Je me suis mis au balcon. Cela persistait. J'en ai fait part à mon épouse.
De terribles images ont envahi mon cerveau. J'imaginais des personnes en train d'asperger la végétation avec des jerricanes d'essence. Je m'endormis tout de même, mais très perturbé, par cette mise en scène», nous raconta Saïd, un fonctionnaire, un habitant de Targa Ouzemmour.
Le lendemain, un épais nuage de fumée accompagné de cendres qui virevoltaient dans les airs, comme pour témoigner du désastre, a envahi la cité où il réside. «En me mettant à la fenêtre je ne distinguais plus l'horizon, une odeur d'hydrocarbures se dégageait.
Les habitants de la cité étaient dans la cour. Certains d'entre eux ont mis leur voiture en marche et ont fui l'endroit.» a-t-il poursuivi. Un cliché de la débandade qui allait s'installer. Le feu qui a ravagé le massif forestier d'Ighil el Bordj une localité de la ville de Béjaïa sur la route qui mène vers Boulimat et les majestueux paysages de sa côte Ouest, a atteint, une de ses périphéries, Tala Merkha.
Pris de panique, un passant s'est écrié «Nous sommes pris comme des rats!». C'était sans compter sur le formidable élan de solidarité qui allait naître. Paradoxalement, plus le désastre prenait de l'ampleur (Les feux dévorent tous les massifs forestiers de la région et ont touché certaines agglomérations) plus l'instinct de survie s'ancrait en chacun de nous, dans un élan de solidarité, de soutien, d'organisation quasi militaire exceptionnelle que recèle cette formidable machine humaine et qu'elle développe de façon admirable lorsqu'elle est attaquée.
Une particularité de la société kabyle, de ses rudes montagnards viscéralement attachés à leur terre qui les a vus naître. Qui a nourri, fait grandir des générations de femmes et d'hommes même s'ils l'ont quelque peu chahutée en diminuant de sa surface pour laisser la place à l'émergence du béton qui a gagné du terrain ces dernières années. Il n'en demeure pas moins qu'ils lui témoignent toute leur reconnaissance, leur addiction. Elle leur est nécessaire, vitale comme l'est l'oxygène qu'ils respirent.«Nous reconstruirons les maisons qui ont été détruites, replanterons les
arbres brûlés, nous ferons de notre Kabylie un havre de paix», a juré Mohand, tout juste revenu d'Aokas un des fronts où une lutte sans merci est engagée pour circonscrire les feux qui ravagent la région. Un serment à cette terre qui a façonné l'identité kabyle.


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