Algérie

La justice ouvre le dossier Augusta



Ahmed Mazighi est le premier à être cité par la justice dans cette affaire en attendant le principal concerné, à savoir l'ancien patron de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour.Le tribunal de Bir-Mourad-Raïs (Alger) a décidé, jeudi, d'engager une enquête pour situer les responsabilités dans l'acquisition par Sonatrach de la raffinerie d'Augusta en Italie. Dans la foulée, la justice a placé en détention provisoire l'ex-vice-président du groupe Sonatrach Ahmed Mazighi et conseiller de l'ancien P-DG de Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour. Il est poursuivi pour dilapidation de l'argent public et abus de fonctions.
Après avoir signé l'accord de vente avec Esso Italiana, filiale italienne d'ExxonMobil, en mai 2018, Sonatrach a conclu la vente de la raffinerie d'Augusta le 1er décembre 2018. Le communiqué de Sonatrach de l'époque précisait que "le périmètre de cette transaction inclut la raffinerie d'Augusta, les trois terminaux pétroliers de Palerme, Naples et Augusta, ainsi que les participations dans des pipelines reliant la raffinerie aux différents terminaux".
L'ancien patron de Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour et ses collaborateurs ont été assez prolifiques sur l'opportunité de cette opération. Cette acquisition était même présentée comme le fer de lance de la stratégie d'internalisation du groupe Sonatrach.
Cependant, la pertinence de cet achat a été mise en doute par plusieurs experts qui ont mis en avant certaines contrevérités ayant émaillé la communication autour de cette transaction. D'ailleurs, ces derniers avaient exhorté le gouvernement à ne pas approuver la transaction.
D'abord, il y a le prix d'acquisition, jugé exorbitant. Même s'il n'a jamais été divulgué ni par Sonatrach ni par les autorités en charge du secteur de l'énergie, il serait de l'ordre de 725 millions de dollars. Vieille de 70 ans, cette raffinerie traîne trop de boulets. Vétusté des installations, caractère déficitaire de l'usine et les sommes importantes qui devaient être engagées pour la rendre conforme aux normes environnementales.
À cela s'ajoute la question de prise en compte de stocks de produits qui n'appartenaient déjà plus à la raffinerie. Au total, un coût réel qui dépasserait très largement un milliard de dollars. Par ailleurs, Sonatrach avait justifié la transaction par l'acquisition d'importants terminaux carburants avec d'immenses capacités de stockage.
Une contrevérité puisque ce ne sont pas des acquisitions, mais plutôt des concessions, les terminaux en question se trouvant sur une base de l'Otan. Autre contrevérité : Sonatrach avait mis en avant le fait que la raffinerie allait traiter le brut algérien, et ainsi combler le déficit national en produits raffinés.
Le problème, c'est qu'Augusta était conçue pour des bruts de densités moyennes et lourdes et non pour du brut léger de la catégorie de ceux que produit l'Algérie. Il faut donc acheter ces bruts auprès de tiers, car on ne peut pas façonner du pétrole algérien dans cette usine.
D'ailleurs, Sonatrach a contracté un prêt de 150 millions de dollars auprès de l'Arab Petroleum Investment Corporation Apicorp pour l'achat de brut de la Saudi Aramco à destination de la même raffinerie de Sonatrach en Italie. Ce prêt s'ajoute à celui devant servir à soutenir la maintenance de la raffinerie, qui est de l'ordre de 100 millions de dollars.
Ce qui fait de cette raffinerie Augusta un gouffre financier pour Sonatrach. Même si le mal semble être déjà fait, l'ouverture d'une enquête sur cette acquisition était plus que nécessaire pour situer les responsabilités des uns et des autres dans cette gabegie. Ahmed Mazighi est le premier à être cité par la justice en attendant le principal concerné, à savoir Abdelmoumen Ould Kaddour.

Saïd SMATI


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