Algérie

La justice, la corruption et le menu fretin



La justice, la corruption et le menu fretin
"On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui." Cette célèbre citation de l'humoriste français Pierre Desproges n'a jamais pris autant de sens que dans l'affaire KBC. Ailleurs, où l'on sait apprécier les vertus de l'humour, on se nourrit des critiques quand elles sont substantielles. Chez nous, le pouvoir rechigne toujours au débat contradictoire et ne souffre jamais qu'on porte sur lui un regard critique, il préfère exclusivement les flatteurs. Il lui arrive donc de perdre son sang-froid devant, par exemple, des émissions satiriques qui pourraient servir, dans le cas échéant, de "pédagogie populaire" ou d'une embarrassante "tribune de dénonciation" de l'élite politique corrompue.De ce point de vue, l'opinion ne doit jamais savoir car jugée immature et incapable de concevoir les enjeux sociétaux, économiques ou diplomatiques, des affaires bien trop sérieuses pour un "peuple-enfant" qui doit seulement se contenter de commenter les matches de foot sous la férule de notre ami et confrère Mâamar Djebbour ou encore sur la manière de faire ses ablutions avec Cheikh Chemsou. Pourtant, de l'autre côté de l'écran plasma, l'Algérien moyen, même peu instruit, connaît parfaitement son droit à l'information et à la liberté d'expression. La mobilisation autour de l'affaire KBC a précisément démontré que le citoyen lambda entend bien défendre ses droits âprement et jusqu'au bout. Sur ce registre des droits humains, les nouvelles générations, peu nostalgiques de l'ère du parti unique, contrairement à nos gouvernants, sont réfractaires à la "hogra". L'Algérien qui connaît assez bien le fonctionnement de la justice de son pays, sait, par ailleurs, que les affaires de l'Etat tournent tellement de travers que "n'importe qui, aujourd'hui dehors, peut se retrouver très vite dedans". La probabilité d'atterrir en prison est, en effet, décuplée dans ce fabuleux pays où nul n'est à l'abri d'un abus ni d'un fait du prince. Ou même des deux. Et cela particulièrement par temps de crise et/ou de luttes au sommet. C'est pourquoi, il faut toujours savoir relativiser dans ce pays frappé de paradoxes, où l'intrigue est érigée en mode de gestion et où l'absurde règne en maître souverain. Mehdi Benaïssa qui a filmé "L'Algérie vue du ciel" n'aurait jamais cru voyager aussi loin ou plutôt tomber si bas sous le coup de la loi. Combien de Mehdi, de Ryad et de Nora croupissent dans nos prisons ' Impossible à dire. Si beaucoup n'auront pas ce statut privilégié de "prisonnier d'opinion" ou de "détenu médiatique", ils sont très certainement nombreux à être coupables, eux aussi, de vraies peccadilles.On croyait en avoir fini avec les officines qui excellent dans l'art de chercher des poux dans la tête d'un chauve et de fabriquer de faux coupables, il est à croire qu'il y a encore dans nos prisons pas mal de lampistes et autres boucs émissaires sur les dos desquels bien des couteaux ont été essuyés. Avec le tout-carcéral, les règlements de comptes en usant de la détention arbitraire sont devenus, ces derniers temps, monnaie courante. Ramassez les suspects habituels. Que du menu fretin !Mohamed-Cherif Lachichi


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