Malgré les vestiges matériels et culturels, qui ont bon gré mal gré traversé le temps, l’Alger ottomane peut paraître bien lointaine[1]. L’histoire contemporaine, depuis la conquête française en 1830, n’a pas seulement remarquablement bouleversé les repères de la société de l’époque précoloniale : elle a façonné les représentations que nous pouvons avoir de celle-ci aujourd’hui et l’image projetée, par comparaison, d’un monde vétuste. Cette distance, qui n’est pas seulement temporelle, mais faite de décrochages et de retournements qui affectent une histoire tourmentée, l’historien de la période ottomane ne peut que s’y confronter dans la mesure où, loin d’être neutre, cette distance est au contraire totalement partie prenante de la construction de son objet. Cela ne peut qu’affecter le cours de l’enquête historique. Loin de s’inscrire dans le déroulement tranquille d’une chronologie mettant en ordre une information sagement préservée par le temps, celle-ci doit d’abord et avant tout se donner les moyens de s’interroger, en tâchant d’en retracer les processus historiques, sur les oublis et les pertes de sens à propos d’anciennes pratiques, activités et institutions, dont on n’a plus même l’idée aujourd’hui. Un tel travail passe parfois par un détour du côté de pratiques sociales actuelles, familières, que l’on avait cru simplement « traditionnelles » et qui pourtant se révèlent être bien plus que cela, les traces d’une organisation politique qui, depuis, s’est perdue.
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Posté Le : 16/05/2021
Posté par : einstein
Ecrit par : - Grangaud Isabelle
Source : Insaniyat Volume 17, Numéro 59, Pages 105-132