Les algériens ont découvert les bienfaits
de la concurrence avec la téléphonie mobile. Ils la goûtent désormais… avec les
yaourts. Les laiteries se livrent à une bataille féroce pour conquérir les
cÅ“urs et les… palais.
Un grand industriel, propriétaire d'une
laiterie bien connue, voyage dans le pays profond. Il s'arrête dans une ville
où il n'avait jamais mis les pieds auparavant et se dirige tout droit vers une
superette. Il se plante devant le présentoir de produits frais et examine
attentivement tous les produits exposés à la vente. Hochant la tête avec
désapprobation, il demande alors à voir le patron qu'il apostrophe en ces
termes : «Monsieur, vous avez quelque chose à reprocher aux produits de la
marque X ?», «Non, absolument rien, monsieur !», réponds celui-ci, interloqué.
«Cependant, je constate que vous ne les avez pas dans votre catalogue...», fait
encore l'industriel. «Excusez-moi, j'ai oublié de me présenter : M. Y,
propriétaire de la marque X, pour vous servir», dit-il. Depuis ce jour-là, les
camions de distribution de la marque X approvisionnent régulièrement et la
superette citée plus haut et toutes les épiceries situées sur la même ligne.
Voilà un patron dont les usines tournent en continu pour produire
des millions de boîtes de yaourts et qui n'hésite pas à vérifier de lui-même,
chaque fois que l'occasion se présente, si ses produits sont distribués dans
les villes où il passe. Pour l'industriel qui nous raconte cette anecdote dont
il est le personnage principal, c'est au prix de cet acharnement à se placer
partout, coûte que coûte, que se force la réussite.
Un marché à plusieurs milliards de DA
L'Algérien est un grand amateur de
produits laitiers frais dont il consomme un peu plus de 300 000 tonnes par an.
Une habitude alimentaire assez récente mais qui fait le bonheur de ceux qui ont
investi dans ce créneau à l'image de Danone-Djudjura, Soummam, Hodna, Yoplait
ou Trefle qui se partagent un marché de plusieurs milliards de dinars.
Le marché est dominé par Soummam qui détient désormais un peu plus
de 45 % de parts de marché, selon une étude très récente, contre 23 % pour
Danone, son poursuivant immédiat. Ces deux géants se sont accaparés les trois
quarts du marché ne laissant que des miettes à leurs concurrents. Seulement,
avec une production journalière de plus de 4 000 000 de produits, Soummam fait
figure de mastodonte qui écrase tout sur son passage. Derrière ces chiffres
anodins se cache une guerre de positions implacable. Ainsi, la collecte de lait
frais est l'un des secteurs névralgiques du créneau pour des laiteries qui
tiennent à s'émanciper d'un marché de la poudre de lait où les prix jouent au
yoyo.
La bataille du lait cru
C'est Danone qui, le premier, s'est lancé
dans la collecte de lait frais en organisant ses propres réseaux. La filière débute
de l'éleveur, que l'on courtise avec des aides matérielles ou une assistance
technique, au collecteur qui possède un carnet d'adresses bien rempli.
En lançant son premier yaourt nature 100 % lait de vache, Danone
base le gros de sa communication sur la bonne bouille de grand-père de
Alaouchiche Laala, le plus grand éleveur du pays et l'un des plus
charismatiques également.
Quelques mois plus tard Soummam
contre-attaque en lançant ses propres filières de collecte de lait frais. El
Hadj Hamitouche, le sémillant patron de Soummam, va plus loin. Il importe des
centaines de génisses pleines qu'il distribue quasi gratuitement aux éleveurs
en échange de leur lait. Encore mieux : il débauche Alaouchiche laala, la
mascotte de Danone qu'il engage comme consultant. El Hadj Hamitouche qui n'a
pas sa langue dans sa poche a récemment qualifié Danone d'enfant de «la pub et
de la tchatche».
Du foot dans le lait
Il n'empêche que ces deux dernières
années les campagnes publicitaires de Soummam se font au quotidien. On est allé
jusqu'à s'attacher les services de deux joueurs de l'équipe nationale, Mourad
Meghni et Rafik Saïfi, pour une année, pour booster les ventes. A coups de
millions de dinars, bien entendu. Chaque firme suit de près les produits de la
concurrence. Courriers vindicatifs, menaces de procès, coups de téléphone, tous
les moyens sont bons pour faire reculer un concurrent sur un produit estimé
trop proche du sien ou une publicité jugée un trop mensongère. Les coulisses de
cette guerre qui se mène à fleurets mouchetés fourmillent de clashs étouffés
dans les bureaux capitonnés des grands responsables. Cependant, il y a tout
juste un mois, Soummam est allé jusqu'à engager une procédure judiciaire contre
Hodna accusé d'avoir plagié le design de plusieurs de ses produits stars afin
de leurrer les consommateurs. Une plainte a été déposée à Msila où se trouve le
siège social de la laiterie incriminée. Un nouvel épisode dans la guerre des
laiteries.
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Posté Le : 08/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Said Arezki
Source : www.lequotidien-oran.com