Algérie

La guerre d'indépendance par les idées



L'une des particularités de la révolution algérienne, est qu'elle a réussi à transcender le fait colonial et permis une convergence sur l'anti-colonialisme de par le monde. La révolution algérienne a ouvert la voie à des mouvements de libération, notamment en Afrique et en Amérique latine. De son vivant, le défunt commandant Bouregaâ, toujours prompt à simplifier les situations les plus complexes pour les rendre accessibles à la compréhension, caricaturerait les choses ainsi: « Après notre Révolution, de nombreux pays ont accédé à l'indépendance en adressant une simple demande manuscrite au général de Gaulle.» La révolution algérienne, en plus du coup de feu sur le terrain, a été également portée par un élan intellectuel qui a appuyé le travail politique et diplomatique au plan international. Cette action intellectuelle a secrété des oeuvres littéraires et culturelles de valeur, qui ont soutenu l'engagement des Algériens, renforcé le sentiment patriotique, exprimé la soif des Algériens à l'indépendance et fait connaître la personnalité algérienne aux autres nations, fourvoyées dans la propagande coloniale. C'est dans ce sillage que nous reproduisons ici quelques poèmes, écrits durant la Révolution, par le doyen des écrivains francophones, Kaddour M'Hamsadji, extraits de son livre au titre fort évocateur, « Oui Algérie». Pour la petite histoire, ce livre, est sorti aux éditions Subervie.C'est dans l'imprimerie de Jean Subervie qu'ont été réalisés les premiers numéros du journal El Moudjahid, porte-parole de la révolution algérienne. Jean Subervie a fraternisé avec les Algériens durant la Seconde Guerre mondiale, lors de la campagne d'Allemagne. Il a publié l'oeuvre du philosophe Mohand Tazerout, déjà auteur confirmé et traducteur émérite de l'ouvrage monumental d'Oswald Spengler «Le Déclin de l'Occident». Il a imprimé également, le bulletin de la Fédération de France du FLN, ainsi que des tracts au profit de l'Ugema, de même qu'une pièce de théâtre de Kaddour M'Hamsadji: La dévoilée (1959).
Poèmes extraits du livre «OUI ALGERIE»
NOURRIR L'ESPOIR DES MIENS
Je vais nourrir l'espoir des miens
Je vais courir par nos chers serpents de la Casbah
J'irai sur les places des martyrs
Devant Ketchaoua souillé
Devant Bab-El-Oued torturé
Jusque devant les quartiers orgueilleux
Jusque devant leurs festins césariens
Jusque devant toi Ténare pluriel
Jusque devant toi Cauchemar permanent
Jusque devant toi Statue colossale
Te braver te maudire te détruire
Planter entre tes yeux les couleurs de mon peuple.
MOKHTAR MAZIANI tombé glorieusement, face à l'ennemi, après un siège au douar Ouled Ferha, le 13 janvier 1962 A Lakhdar
Quand le soleil pâmé se couche
au bord du ciel
Echevelé frissonnant dégoûtant de sang
Un oeil immense
Clôt ses paupières
Ecrase ses larmes...
ô souvenir du dernier reflet de rougeur!
Je vois courir des vies dans ma mémoire
J'écoute résonner l'écho des voix brisées
Et ce sont des aciers qui transpercent mon corps!
Ces cendres profanées recueillies par le vent
Ces parfums forts des sanctuaires
Ces silences bourdonnant d'horreurs
Je peux les saisir dans mes mains
Je peux les respirer jusqu'au fond de mes poumons
Je peux les écouter dans ma tête
Et j'écrase mes larmes de feu dans mes cils!
Qui jamais n'a quitté son berceau
Qui jamais n'a vomi le lait de la sorcière
Qui jamais n'a aimé le sein de sa mère
N'a pleuré d'amour devant une source tarie'
Gémissez forêts mutilées
Un corps calciné est tombé de vos bras coupés
Hurlez herbes piétinées buissons souillés
Un corps calciné frissonne aux confins de vos angoisses
Fanez-vous lauriers roses beaux et amers
Un corps calciné s'effrite au soleil épanoui
Et toi témoin sublime et fier
Parle sage Dirah ton fils comme tant d'autres
A fait le jour des nuits froides de nos cavernes
Parle sage Dirah aux fleurs au ciel aux hommes
Ce corps informe et noir
C'est Mokhtar Mazani
MORTS SANS EPITAPHE A Omar Oussedik
Sur les places publiques le public n'est plus
Dans les ruelles chaudes les regards sont froids
Dans les artères tristes la haine sourit
Dans les maisons en ruines la mort a un nom
La mort a l'oeil unique
La mort a cent bras
La mort sème les corps en fait sa moisson
La mort refuse l'aube fixe le destin
C'est toi colonialisme c'est toi à nos pieds.
Dans les champs de bataille naissent d'autres fleurs
Dans le ciel une étoile
Luit à chaque appel
Mort souffrant mort lucide et mort inconnu
Nos morts sans épitaphe morts pour la Patrie.
Sur les places publiques
Le public n'est plus
La mort sème les corps
Nos morts sons épitaphe
Place des martyrs
INDEPENDANCE Aux soldats du peuple
Entendez-vous mes frères
Le chant de l'Algérie entière
Indépendance Indépendance
Ouvrez vos lourdes portes
Et vos fenêtres rouillées
Marquées au fer
Et à la peinture
Avec votre sang.
Entendez-vous mes frères
Il n'y a ni bête ni oiseau,
Ni dans les cages ni dans les morgues
Indépendance Indépendance
Dansez sautez chantez
Que vos corps libérés dessinent les arabesques de l'espoir
Qu'ils s'élèvent plus haut que la statue de Bugeaud
Et tous criez plus fort que les haut-parleurs des légionnaires
Indépendance Indépendance
De toute l'Algérie.
LES FLEURS DE NOVEMBRE
« Une insurrection armée, déclenchée la veille par une poignée de hors-la-loi (La presse)
Façonnée dans les forges du courage, cette poignée devint, en quelques semaines, vigoureuse, l'expression magique d'une conscience éveillée, le poing prodigieux d'une Révolution organisée et efficiente. Sur tout le territoire, une seule citation montait à l'horizon avec le soleil: A.L.N-F.L.N et un seul silence, le soir, remuait les cendres vivantes des premiers martyrs de la Libération nationale...
Novembre éclos
Dans le coin du coeur
De la vérité
Enfant unique
D'une saison multipliée
Dans le ventre vertueux des amants légitimes
Te voici dans la parole des justes
1954 fois premier
Aux appels de l'Algérie.
Les bourreaux veillent leur tête folle
Se casquent se chaussent
Doublent et redoublent leurs effectifs
Leurs mercenaires avec leurs valets
Leurs chars avec leurs prisons
Leurs slogans leurs cancans
Trempés dans le sang.
Ma Patrie vibre
Ma Patrie libre
Dans les maquis secrets
Dans les gourbis dans les taudis
Dans les bidonvilles fiers
Même sans lumières
Dans les villes.
Partout Novembre éclaire les solstices
Abat les privilèges d'une saison
Croise ses rayons sur les lunes tendres
Verse ses eaux de fleurs d'orangers
Dans les gorges sèches des nuits mûres.
Le soleil n'est plus juillet exclusif
Sur une mer basse
Où Sidi Fredj jeta
L'ancre de ses babouches.
Changement de cap et d'espérance
Novembre incrusté d'or vif
Palpite sans orgueil
Dans la main tendue
Dans la musique du cireur
TANT QU'IL Y AURA DES ALGERIENS
Tant qu'il y aura des Algériens
Il y aura des hommes dans mon pays
Et nous regarderons le soleil.
La jeune mère triste et morne
La pauvre loqueteuse la veuve sans yeux
Hier encore sous l'épreuve
Chacun dira: oui le soleil se lèvera demain.
Pour le vieillard rabougri entouré de pâle chardon
Pour l'enfant sans parole et sans bras
Pour la grand-mère blanchie au regard ténébreux
Pour l'homme bafoué jeté dans les fosses
Pour la fleur blanche maculée de sang
Sur les parterres durs de glace ou de braise
Pour les tombes profanées sous les cieux en flammes
Pour ces plaines fatales pour ces monts sublimes
Où poussent. des fleurs nouvelles où poussent des étoiles
C'est le soleil du soir qui promet demain...
Les moissons sont rentrées
Par myriades nous avons des armes:
Les diamants tombés des yeux aveugles de larmes
Les grâces de l'aurore sur le front des purs
Nos morts au soleil nos morts à la lune
Croissants vermeils croissant lumineux
Sous le rayon de foudre ou sous l'étoile de rêve
Tans qu'il y aura des Algériens
Il y aura des braves dans ma patrie
Par myriade nous avons des armes:
Le vert radiant de l'espérance le sang de nos martyrs le blanc de l'innocence
Et nous avons la LIBERTE
LES PORTRAITS DE MARS
Quand la guerre est finie
On regarde autour de soi
Des visages
Enfarinés
Clowns incroyables
Sortent de l'ombre
Disciplinés
Légion nouvelle
Pour vous regarder...
Ali de la Casbah
De la Pointe!
Amirouche
Quel souvenir'
Abbane est mort Chahid!
Hassiba Benbouali
Abdelkader aussi
Mahmoud aussi
Mokhtar aussi
Et continue
Plus d'un million.
Mère, tu pleures'
Père, tu pleures'
Soeur, tu pleures'
Frère, tu pleures'
Epouse seule, tu pleures'
Vous regardez ces visages nouveaux
Ce visage-ci
Ce visage-là
Ces portraits d'après-guerre
Dessinés rapidement
Croqués
Vitriolés
Les Pantins de Midi, 19 Mars
Les Martiens
En Algérie
En nouvelles vagues
Meurent
Sur la Plage
Des séquelles.
Caricaturistes algériens
Prêtez-moi votre crayon magique
Peintres algériens
Prêtez-moi votre palette fidèle
Issiakhem, Benanteur Baya, Benaboura,
Khadda, Racim,
Bouzid, Samsom
Zérarti, Martinez
Mesli, Yellès
Guermaz, Aksouh Bensemane, Houamel
Et toi artiste célèbre Artiste inconnu
Tous aidez-moi
Je voudrais faire
Les Portraits de Mars
In «Oui Algérie» poèmes Editions SUBERVIE (1965)


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)