Algérie

"La guerre d'Algérie" n'est pas finie à Cannes




L'Algérie sera absente cette année sur la CroisetteL'Algérie ne sera pas à Cannes cette année encore une fois et pourtant, elle avait produit de nombreux films et documentaires capables de rivaliser avec les plus importantes nations à culture cinématographique.Les raisons de cette absence sont exclusivement politiques. Car voilà, ces productions ont été réalisées dans le cadre du 50e anniversaire de l'Indépendance et à Cannes on ne regarde pas la valeur artistique et cinématographique de l'oeuvre, ni la qualité du scénario, mais bien le contenu de l'histoire et son éventuel retombée sur la Croisette. Cette ville du Sud français, est devenue le fief de l'extrême droite et des partisans de l'Algérie française. Une communauté riche et politisée qui est bien implantée dans le paysage politique français et qui reste présente dans le paysage audiovisuel français.Parmi les farouches adversaires de la présence algérienne à Cannes: Patrick Buisson, conseiller de l'ancien président Nicolas Sarkozy, mais surtout directeur général de la chaîne Histoire depuis 2007.Ce dernier aurait conseillé, selon certaines sources, au président Sarkozy d'écarter le film Zabana de la Croisette, tout comme il a été derrière la campagne acharnée contre Hors-la-loi en 2010. C'est notamment lui qui aurait monté le député UMP, Lionel Luca, pour faire campagne contre Bouchareb à cause d'une séquence de 8 minutes sur les massacres de Sétif le 8 Mai 1945. Luca fut d'ailleurs le plus enragé opposant à la présence de Bouchareb à Cannes en 2010.Plus de 50 ans après l'Indépendance de l'Algérie et la fin de la guerre d'Algérie avec la France, le constat est là. Le Festival de Cannes, qui avait osé programmer en 1966, Vent des Aurès de Mohamed Lakhdar Hamina et qui obtint le prix de la première oeuvre (le premier prix important dans l'histoire du cinéma arabe et africain), alors que les plaies de la guerre d'Algérie n'étaient pas encore pansées.Le Festival de Cannes est allé plus loin en programmant, (malgré l'opposition de certains cercles à Alger même) le plus grand film sur les affres de la colonisation française réalisé par Mohamed Lakhdar Hamina, Chroniques des années de braise en 1975, qui gagna même la Palme d'or. Le réalisateur algérien sera même sélectionné avec La dernière image en 1986 sur la Croisette. Et depuis plus rien si ce n'est pas la participation de Rachid Bouchareb avec Indigènes, en 2006 et surtout Hors la loi en 2010. Des films produits majoritairement par la France et ces chaînes de télévision qui ont défendu solidement sa sélection sur la Croisette.Et depuis cette date, aucun film algérien n'a été sélectionné pour la Croisette. On a bien sélectionné le film le Repenti de Merzak Allouache en 2012, à la Quinzaine des réalisateurs pour juste marquer la présence algérienne et dédouané le refus du film Zabana de S.O.KEn plus de soixante ans d'existence le Festival de Cannes n'a placé en sélection officielle que deux réalisateurs algériens, Lakhdar Hamina et Bouchareb.Deux grands cinéastes qui avaient leur poids et surtout leur réseau, pour imposer leur présence à Cannes.D'ailleurs, Lakhdar Hamina est le seul réalisateur qui a obtenu une Palme d'or et qui n'a jamais fait partie d'un jury à Cannes. Une discrimination qui a poussé une association cannoise dirigé par Christophe Lafuente à revendiquer sa mise en place dans un jury en 2012.Même si le Festival de Cannes a sélectionné Hors-la-loi en 2010, elle a réussi à le mettre à l'écart, en refusant de lui donner de distinction, alors que le film a été sélectionné un peu plus tard aux Oscars, rappelle Ahmed Bedjaoui, ex-Conseiller auprès du ministère de la Culture et principal promoteur du film dans le monde.Pour lui, le film de Bouchareb comme celui de Saïd Ould Khelifa Zabana! (refusé à Cannes et accepté à Toronto), l'Algérie a été écartée pour des raisons purement politiques. Saïd Ould Khelifa témoigne à ce propos: «Cannes est le plus grand Festival du monde, une vitrine où se mène la guerre des images, celle qui participe à apporter un bon éclairage, à défaut du juste, d'un pays et aucun pays du monde ne dédaigne cela. Depuis 35 ans que je côtoie le Festival, j'ai eu le temps de voir venir tout cela. Et ce n'est pas une question de moyens. Une poignée de dollars, bien utilisée rapporte autant qu'un budget consistant. Il ne s'agit pas de faire acte de présence mais d'exister. Je me souviens que l'année de Hors-la-loi «de Rachid Bouchareb, j'ai, personnellement, passé plus d'une dizaine de coups de fil à Alger pour qu'on intervienne, afin que le drapeau algérien soit hissé à l'instar des emblèmes de tous les pays participants... Le coup ne fut rattrapé que 36heures plus tard!Avant, les responsables des différentes sections du Festival de Cannes, connaissaient bien la destination «Algérie», ils étaient invités sur les tournages ou bien venaient visionner sur place le film en cours de finition... Aujourd'hui: wallou! Pour Ahmed Bedjaoui, il est aujourd'hui temps de se détacher de Cannes et regarder ailleurs. «On peut aller à Venise, à Berlin ou Toronto, pourquoi cherche-t-on toujours la reconnaissance de la France et du Festival de Cannes'»De son côté, Saïd Ould Khelifa estime que les sélectionneurs n'ont pas changé leurs habitudes, ils continuent, eux, de sillonner le monde, mais l'escale d'Alger n'est plus sur leur feuille de route. «Et c'est pas forcément de leur faute, notre responsabilité est entière: nous sommes à 2 heures de Paris, et 48 heures suffisent largement pour se rappeler au bon souvenir des sélectionneurs et de continuer à figurer sur leur agenda. Je connais des «petits» pays qui prennent date avec Cannes et Venise, une ou deux années en amont, en fait, dès qu'un tournage commence à se profiler à l'horizon. Sans vouloir jeter la pierre à personne, et sans aucune intention de vouloir solder des comptes - ce n'est pas du temps dans mon éducation - mais je pense que le professionnalisme doit estomper les effets d'annonce (que je ne veux pas qualifier «d'esbrouffe») pour que nous cessions de nous lamenter sur notre sort et sortir, enfin, du syndrome de la «hogra», dont on fait part trop souvent... tout un cinéma (c'est le cas de le dire), alors qu'il s'agit d'une propension à la victimisation qui cache une propension à l'improvisation ou à autre chose de pire...». Les mots du réalisateur écarté de Cannes sont durs mais sincères. Il faut donc changer son fusil d'épaule et attaquer d'autres festivals pour mettre en valeur notre cinéma et surtout notre culture et notre histoire.Enfin, l'Algérie paye aussi sa non-adhésion politique à l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie), offrant la place à la Mauritanie et au Mali avec le film Timbuktu, Le Chagrin Des Oiseaux du réalisateur et producteur Abderrahmane Sissako sélectionné en compétition officielle.




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