Algérie

La guéguerre secrète d'El Gueddafi



«Pacificateur» et alimentant les troubles tour à tour, le turbulent voisin, dans sa mégalomanie de créer le «grand Etat du Sahara», a joué carrément avec le feu – pour reprendre un diplomate algérien – en tentant de contrôler la ceinture sud de nos frontières. Le dernier épisode de ce jeu trouble a été marquant durant le début des années 2000 avec la dernière rébellion touareg. Dans un premier temps, profitant de l’absence de l’Algérie dans cette région pour des impératifs d’insurrection islamiste, El Gueddafi y mena son opération de charme : financement d’infrastructures à Tombouctou, Gao et Kidal au Nord-Mali, ouverture d’un consulat à Kidal, rapprochement avec les notables touareg, dont d’anciens rebelles des années 1990, et même tentative de séduction – caisses de dollars à l’appui – envers les Touareg du Sud algérien ! Or, ces manœuvres, très mal vues du côté d’Alger – et par les Touareg jaloux de leur appartenance algérienne – étaient déphasées avec la réelle grogne des Touareg du Nord-Mali contre le pouvoir de Bamako. Médiations Ainsi, le 23 mai 2006, les vétérans de la rébellion de l’Adrar des Ifoghas du Nord-Mali attaquèrent des postes militaires maliens, signant la naissance de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC) menée par Iyad Ag Ghali, expression du mécontentement des populations de cette région concernant notamment l’application des accords qui avaient mis fin aux grandes rébellions touareg des années 1990. Dépassé, Tripoli tenta de reprendre l’initiative, mais son immixtion dans la région exaspéra non seulement Alger, mais également Bamako et les Touareg eux-mêmes. Ce fut l’occasion pour l’Algérie, qui entre-temps renoua des liens forts – politiques et économiques – avec le Mali et le Niger, de s’imposer. Après une série de médiations algériennes, Bamako et la rébellion signèrent, en juillet 2006, l’Accord d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal. Accord dont l’application est garantie et étroitement suivie par l’Algérie. Activisme La rébellion déposera les armes officiellement le 17 février 2009… Seul l’un des chefs de cette rébellion, Ibrahim Ag Bahanga, émet des réserves et s’exile en… Libye ! Parce que, pendant qu’Alger œuvrait pour concrétiser l’accord, El Gueddafi, ulcéré par la perte de l’initiative, tenta de troubler la médiation algérienne. A l’époque, l’ambassadeur d’Algérie à Bamako et facilitateur des négociations, Abdelkrim Ghrieb, avait évoqué des interférences dans la médiation, parlant «d’autres tentatives, d’autres gens qui essaient d’évoquer d’autres considérations qui ne sont pas les nôtres». Allusion faite aux manœuvres libyennes : les hommes de main d’El Gueddafi, dont son propre directeur de cabinet, Béchir Salah, se sont déplacés au Nord-Mali, rencontrant notables et autorités, sous le couvert «d’assistance» à la réalisation de la paix. El Gueddafi avait même déclaré que «seule la Libye est en mesure de résoudre le problème de la rébellion touareg» ! Officiellement, Alger ne souhaite pas réagir aux déclarations du colonel libyen et ne commente pas l’activisme de ses sbires dans les régions sensibles. Mais dans les coulisses de la décision, cet activisme reste étroitement surveillé, même si Tripoli s’est relativement calmé «en bas».  

 


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