«On ne se méfie
jamais assez des mots». Céline
Certains discours
officiels laissent profondément perplexes les experts et chercheurs, les hommes
de culture et les artistes. Ils laissent perplexes ou révoltés des économistes
reconnus par leurs pairs ici et ailleurs, des sociologues d'expérience, des
observateurs qui sillonnent les grandes scènes culturelles du monde, des
spécialistes de la santé qui connaissent les normes de l'OMS, de l'Unesco. Ils
laissent perplexes, sinon inquiets, des universitaires brillants, aussi
patriotes et compétents comme le sont certains ministres tenus par le droit de
réserve, l'attrait du fauteuil et la volonté farouche de ne pas déplaire, en
dépit du bon sens et des analyses délivrées chaque jour par des compétences
nationales dans la presse privée, les séminaires et rencontres. Le «tout va
bien» est décliné sans sourciller, et gare à la voix qui dérange et à la tête
qui dépasserait la barre fixée selon un unanimisme officiel respecté par des
responsables qui ne se tiennent pas forcément en estime et qui pensent pis que
prendre les uns des autres.
La grippe dite porcine a déjà tué dans des
pays développés, riches, propres, et où les systèmes de santé sont reconnus
parmi les meilleurs du monde. Les personnes contaminées, donc porteuses du
virus, se comptent par milliers sur la planète. Les plus grands pays
multiplient les campagnes de prévention, les contrôles stricts aux frontières,
la répartition de la prévention entre les médecins généralistes et tous les
réseaux chargés de la santé publique, sans alarmer les populations mais en
insistant sur la vigilance, les gestes basiques, en mobilisant tout le monde.
Pourquoi veut-on faire croire que cette
fièvre, comme la crise mondiale, comme les fluctuations du prix du baril vont
passer au-dessus de l'Algérie sans impacts négatifs ? Les mouvements de foules
à La Mecque, les arrivées au pays de tous les coins de la planète impactent
directement les populations. Dix pèlerins contaminés, dix êtres humains venus
d'Angleterre, de France, de Chine peuvent créer les conditions d'une pandémie
s'ils sont porteurs du virus. Mais «tout va bien ici», alors que dans de grands
pays, le masque de protection, les vaccins, les contrôles sont présents par
millions. Il ne faut ni tomber dans l'alarmisme ni désarmer la prévention et la
vigilance. Il suffit de dire que la crise nous touche, que la facture des importations
devient dangereuse et que la grippe peut frapper. «Tout va bien» sont des mots
intenables, irresponsables dans n'importe quel pays en cette période porteuse
de tous les dérèglements, à l'échelle planétaire. Qui est venu en premier, la
grippe ou le porc ?
Le week-end ne sera plus comme il était
depuis des décennies au nom d'une «spécificité» locale dont les contours sont
un vrai mystère insondable. L'islamisme dans sa version locale, déconnectée du
siècle et de la mondialisation, impose de mille et une manières, toutes
archaïques et improductives, sa manière d'envisager l'avenir, l'économie,
l'égalité des sexes, la non-démocratisation du pays et tout projet sociétal.
L'espace public est régenté par ses sectes ; l'espace privé et les libertés qui
vont avec, pourtant consacrées par la Constitution, n'échappent pas à ses
discours et fetwas avec le soutien complaisant de nombreuses institutions,
partis et appareils étatiques pourtant chargés de faire respecter la
Constitution et les lois de la République, qui n'est pas islamique mais
enfantée par Novembre au prix que toute l'humanité connaît. La moitié d'une
décision qui aurait pu être un acte complet, qui n'a rien à voir avec le
respect de la prière du vendredi, qui peut être accomplie n'importe où, comme
avant l'électricité, la TV, le TGV et l'apparition de sectes menaçantes, est
«une poire coupée en deux» qui ne satisfait ni les uns ni les autres, tous
musulmans mais qui ne partagent pas, à l'évidence, un horizon commun de progrès
et de modernité pour les générations futures.
Dans plusieurs décennies, sans doute sous la
pression des mutations et de la vitesse du siècle et du monde. Mais «tout va
bien».
L'Algérie est un pays chaud, avec un désert
immense, l'absence terrible de verdure, d'espaces verts au coeur des villes,
qui manquent d'eau et où des millions de citoyens n'ont pas le bonheur d'avoir
des climatiseurs lorsque la température oscille entre 30 et plus de 40 degrés.
Mais il se trouve que des entreprises, des ministères, des wilayas, des banques,
des domiciles privés, des commerces utilisent la climatisation en période de
canicule. C'est donc de «leur faute» si Sonelgaz pète les plombs puisque ces
utilisateurs ont les moyens financiers d'assumer le coût de leur facture
d'électricité. Or l'Etat, ses décideurs savent que l'Algérie est un pays chaud,
que la terre entière va à un réchauffement indiscutable. Que faire au lieu de
culpabiliser «l'usage excessif» du climatiseur par ceux qui peuvent se le
payer? Et l'Algérie ne va pas se refroidir à l'avenir. L'énergie solaire,
l'anticipation sur une demande grandissante d'année en année de climatiseurs,
les matériaux de construction peu voraces en énergie, l'introduction
volontariste et massive de lampes à consommation basse, la création de lacs
artificiels et de parcs grand public partout sur le territoire, sont parmi des
dizaines de systèmes, d'idées qui peuvent rendre la vie plus agréable dans un
pays qui n'est pas près de refroidir avec le temps.
Mais «tout va bien», même avec l'existence,
qui n'est pas à la baisse, d'un nombre dramatique de bidonvilles désignés par
le vocable pathétique de «logements précaires» (c'est quoi ?) qui occupent des
espaces appartenant à des privés, à des démembrements de l'Etat, à des
organismes qui veulent y construire des services publics... C'est compliqué car
si «tout va bien», tout est politique pour la paix sociale, donc les
bidonvilles c'est «politique». Il est par conséquent difficile politiquement
d'établir leur cartographie publiquement et de tracer un plan pour leur
éradication dans 12, 24 ou 63 mois. Mais «tout va bien».
La réconciliation nationale, dont la genèse
structurée est née lors du contrat de Rome qui a fait couler tant d'encre et de
salive, qui a suscité des polémiques, des hystéries intéressées, d'énormes
frayeurs dans la perspective d'éventuelles pertes de rentes, de pouvoirs, de
marchés juteux, est aujourd'hui à l'oeuvre après un document, un référendum et
un échéancier. Mais le «tout va bien» est contredit chaque jour par les bilans
meurtriers du terrorisme islamiste qui sont lourds, très lourds. Les forces
armées, la gendarmerie, les services secrets, la police font leur travail en
subissant trop de pertes dans l'anonymat. La réconciliation, incontournable,
mérite aujourd'hui un cap politique offensif, clair, qui ne laisse aucune
fenêtre pour qu'aux plans idéologique, sociétal, culturel et politique, pour
que chaque Algérien, n'importe où, puisse dire que tout va bien.
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Posté Le : 30/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com