Algérie

La grève d'Algérie Poste boucle sa deuxième semaine par une victoire totale des grévistes


La grève d'Algérie Poste boucle sa deuxième semaine par une victoire totale des grévistes
Au bout de deux semaines de grève, les postiers algériens ont obtenu gain de cause. La direction générale d'Algérie Poste s'est pliée à leurs demandes, et le ministère de tutelle, M. Moussa Benhamadi, s'est porté garant de l'application des décisions annoncées. Mais le conflit a laissé des traces : il a brisé la confiance, et disqualifié le syndicat traditionnel, l'UGTA.
La grève des postiers algériens boucle, samedi, sa deuxième semaine, dans la plus grande confusion. Déclenchée en dehors des structures syndicales, et largement suivie par les employés de la poste, la grève s'est progressivement radicalisée, malgré les assurances d'Algérie Poste et du ministère de tutelle. Le conflit a aussi pénalisé de très nombreux petits fonctionnaires, qui n'ont pu retirer leur argent pour fêter Yennayer, le nouvel an berbère.
La grève a donné lieu à un dialogue de sourds entre protestataires et administration. Alors que les grévistes affirmaient, depuis le début de leur mouvement, qu'ils rejetaient les délégués syndicaux affiliés à l'UGTA (Union générale des Travailleurs Algériens), « qui ne représentent qu'eux-mêmes », la direction générale d'Algérie Poste a entamé des négociations avec ce syndicat. Lequel syndicat a rapidement fait état d'un accord, avant d'annoncer que « tous les problèmes étaient réglés », et appelé en conséquence les postiers à reprendre le travail. M. Mourad Bendjedi, secrétaire général du syndicat UGTA d'Algérie Poste, est ainsi intervenu à la radio à plusieurs reprises pour apporter la bonne nouvelle. Mais il a été Aussitôt désavoué par les grévistes, qui ont dénoncé « la supercherie ». Il a ensuite été relayé par le patron de la fédération des postes et télécommunications du même syndicat Ugta, M. Mohamed Tchoulak, qui a été à son tour désavoué par les protestataires.
«Nous ne reconnaissons pas ce syndicat. Ce sont des personnes qui servent leurs intérêts et ceux de la Direction générale » d'Algérie Poste, « nous ne voulons pas d'eux », a déclaré un gréviste lors d'un rassemblement à la Grande Poste, au centre d'Alger, point de ralliement des grévistes d'Alger et principal centre de coordination de la grève.
Les médias publics ont aussi joué le jeu de l'apaisement. Après les tentatives des dirigeants de l'UGTA de faire cesser la grève, ces médias ont largement donné la parole aux syndicalistes UGTA. La radio a même annoncé que « le travail a repris timidement », alors que la grève se durcissait.
Le ministre garant de l'application des décisions
Après ces tentatives, il a fallu remonter encore plus haut. C'est le patron de l'UGTA lui-même, Abdelmadjid Sidi-Saïd, qui intervenait au bout du dixième jour de grève, pour appeler les protestataires à la sagesse. « La sagesse doit primer. Nos revendications ne doivent pas pénaliser les citoyens», a-t-il dit. Il a appelé à mettre fin au conflit « dans les meilleurs délais », demandant à la direction d'Algérie Poste de satisfaire les revendications des travailleurs, et appelant les postiers à ne pas mettre dans la gêne les usages de la poste, particulièrement les pensionnaires et les petits revenus. Cet argument a porté, mais n'a pas fait plier les grévistes. De nombreux salariés et retraités n'ont pu retirer leur argent à la poste, mais les grévistes ont contre-attaqué en s'adressant aux citoyens, leur assurant qu'ils comprennent leurs difficultés.
Entretemps, la direction générale d'Algérie Poste avait pratiquement accepté toutes les revendications des grévistes. Ceux-ci, forts de la mobilisation et de la victoire obtenue, affichaient leur intransigeance, et défiaient leur administration. Ils ont affirmé ne plus faire confiance au directeur général, Mohamed Laïd Mahloul, dont ils réclament désormais le limogeage. Celui-ci avait, dans un premier temps, opposé une fin de non-recevoir aux revendications des grévistes, affirmant que l'entreprise, qui accuse un fort déficit, n'était pas en mesure de répondre favorablement à leurs demandes salariales. Mais quand la grève s'est répandue à toutes les régions du pays, avec des rassemblements quotidiens organisés un peu partout, la direction a fini par lâcher du lest, acceptant notamment de verser une prime de 30.000 dinars à chaque salarié.
Mais c'était trop tard. La direction générale et les délégués syndicats s'étaient discrédités. Les grévistes ont décidé de s'adresser directement au premier ministre, contraignant le ministre de la Poste et des nouvelles technologies, M. Moussa Benhamadi, à intervenir à son tour dans le conflit. M. Benhamadi a fait publier, mercredi dernier, un communiqué affirmant qu'il se porte garant de l'application, avant la mi-février, des décisions prises en commun par les grévistes et la direction d'Algérie Poste. « Je veillerai à la stricte application » des accords conclus, a affirmé le ministre, qui a invité « tous les travailleurs d'Algérie poste à faire preuve de sens de responsabilité, et à recourir au dialogue et à la concertation ».
Le patron d'Algérie Poste perd la main
Une dernière ambiguïté demeure : les accords en question ont été conclus entre la direction générale d'Algérie Poste et des représentants syndicaux rejetés par les travailleurs. Ces accords ont été ensuite validés par le conseil d'administration d'Algérie Poste, et avalisés par le ministre, alors que tout le monde redoutait un dérapage de la grève. Mais les grévistes ne sont pas encore prononcés sur ces accords, qui semblent pourtant satisfaire toutes leurs revendications.
Un dirigeant d'un parti de gauche, familier de ce genre de conflit, affirmait, mercredi, que cette grève est une « caricature de conflit mal négocié » par la direction d'une entreprise. Le mouvement de protestation « a été nié par la direction de l'entreprise, qui a accepté finalement de négocier quand elle a eu le couteau sous la gorge », dit-il. « Le directeur général s'est discrédité en acceptant en bout de course plus que ce qui était demandé au début du conflit. Il a perdu sa crédibilité, et il n'a plus d'autorité. Ses syndicalistes maison se sont cassés les dents. Et le ministère ne peut ni le maintenir, car le climat est insupportable, ni le relever, car cela signifie que seul le radicalisme paie », dit-il.
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