Algérie

La grande solitude du journaliste



La grande solitude du journaliste
Il est des moments dans la vie qui poussent à marquer une halte pour regarder autour de soi et surtout voir de face ce que nous passons notre temps à ignorer et passer outre. Le décès du journaliste Chaouki Madani est un de ces moments qui nous interpelle au plus profond de nous-mêmes sur l'exercice du métier de journaliste dans notre pays. C'est le décès de trop qui a levé le voile sur une profession victime de son manque d'intransigeance envers ses tares.Connu pour être un métier de stress, le journalisme en Algérie frôle la zone rouge en devenant un vivier pour les maladies. En l'espace de douze mois, huit journalistes algériens nous ont quittés brutalement des suites de maladies chroniques ou d'arrêts cardiaques. Le plus âgé d'entre eux, décédé cette année, s'appelait Hmida Ghazali, reporter photographe à El Chourouk. Il est mort en septembre dernier, à l'âge de 57 ans seulement, d'une maladie chronique ; la plus jeune n'est autre que Hayet Haroun, journaliste à la Dépêche de Kabylie, ravie à l'âge de 28 ans, en décembre 2008, des suites d'une longue maladie. Notre confrère Tewfik Maouchi de l'APS a cessé de vivre à l'âge de 30 ans en octobre 2008, terrassé par un arrêt cardiaque.Le c'ur de Mourad Tirouche du journal El Moudjahid s'est lui aussi arrêté de battre, à l'âge de 44 ans, en novembre 2008. A 56 ans, Mouloud Benmohammed d'El Moudjahid est décédé en décembre 2008, suivi de Mohand Saou, journaliste à la radio nationale Chaîne III qui est mort à 53 ans des suites d'une maladie chronique. Cette triste liste compte aussi le décès d'une jeune photographe du quotidien Horizons, Lilia Bekta, à 29 ans, morte d'une cardiopathie en juillet 2009. Chaouki Madani clôture ce décompte macabre en ce 14 octobre, à l'âge de 53 ans. Telles des bougies qui se consument pour éclairer leur environnement, ces journalistes se sont éteints dans le silence, l'un après l'autre, comme dans une ultime action de dénonciation des conditions d'exercice d'un métier trop ingrat et dénué de reconnaissance. Ils ont trouvé une solidarité dans la mort qui a choisi de les conduire dans l'Au-delà dans un cheminement temporel qui semble exprimer le message suivant : « Attention, journalistes en danger de mort subite. » Même si nous sommes tous condamnés à mourir un jour, il est indéniable que les journalistes semblent prédisposés à partir trop tôt.Pourquoi donc l'espérance de vie des journalistes est-elle aussi faible, se demandent les lecteurs qui ne connaissent de nous que les articles. La réponse est en fait dans un ensemble de facteurs dont le point de convergence est sans conteste la lamentable situation socioprofessionnelle. Enfermés dans une sorte de spirale faite de stress, de faiblesse des salaires, de submersion d'heures de travail, de pressions sociales et politiques, les journalistes deviennent des proies faciles pour les maladies. Errant d'un organe à un autre à la recherche d'une place garantissant un minimum de conditions de travail acceptables, les « soldats de l'information » semblent des Don Quichotte se battant contre des moulins à vent. La quête de paix morale et sociale est la panacée que recherchent tous les professionnels de ce métier, qui a enrichi les entreprises mais pas les employés.


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