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La grande solitude des sportifs du Sud algérien Sports : les autres articles



La grande solitude des sportifs du Sud algérien Sports : les autres articles
Tementit, Bouda et Adrar ont accueilli une centaine de coureurs lors de la 13e édition du Marathon des dunes, organisée du 28 décembre 2012 au 2 janvier 2013 par Sport Events International. L'occasion pour El Watan Week-end d'analyser la pratique du sport dans le Sud algérien.
Chaque hiver, depuis treize ans, le Marathon des dunes qu'organise Abdelmadjid Rezkane de Sport Events International (SEI) se déroule dans le Sud algérien. Cette année, le Marathon des dunes a eu lieu dans la région du Touat, dans le Sud-Ouest algérien, du 28 décembre 2012 au 2 janvier 2013. Les trois étapes de la course ont été organisées à Tamentit, Bouda et Adrar. Une centaine de coureurs ont pris part à la compétition. «Nous avons fait un progrès par rapport à la précédente édition du moment que nous avons pu gérer le programme des activités sportives et touristiques. Nous allons établir un petit bilan pour essayer d'améliorer le programme. Nous aurions voulu organiser des conférences culturelles, mais la wilaya d'Adrar a préféré se consacrer à d'autres activités. Elle a trouvé que ce n'était pas nécessaire», déclare Abdelmadjid Rezkane.
Il regrette l'absence du wali d'Adrar lors du lancement et à la fin du Marathon. «Les athlètes et les journalistes nous ont fait la remarque. C'était une belle occasion pour le wali de réunir la presse et de parler de sa wilaya. Nous avons fourni beaucoup d'efforts en invitant des chaînes de télévision étrangères qui vont diffuser des reportages sur le marathon. A Bouda et à Tamentit, la population s'est interrogée sur l'absence du wali», souligne Abdelmadjid Rezkane. Les interrogations de l'organisateur du Marathon des dunes rejoignent celles d'autres personnes qui sont souvent bloquées dans leurs initiatives sportives ou culturelles par l'incroyable indifférence de l'administration locale dans les wilayas du Sud. Cela amène à une question simple : qui contrôle les walis, installés dans de confortables bureaux, à un millier de kilomètres d'Alger ' Des walis qui ne rendent compte à personne. La bureaucratie est un carburant efficace du sous-développement. Bref, passons.
Un potentiel important
Le Marathon des dunes permet, à chaque occasion, à des jeunes talents du Sud d'émerger. «Mais ce n'est malheureusement pas notre rôle de suivre ces jeunes talents. C'est le rôle de la ligue et de la fédération d'athlétisme d'offrir des formations. En 2011, nous avons découvert un jeune athlète exceptionnel à Igli (Béchar). Les gens d'Igli nous ont reproché de n'avoir pas inscrit ce sportif à un club. On ne peut pas le faire», confie Abdelmadjid Rezkane. A Adrar, les organisateurs du marathon ont remarqué notamment la présence d'athlètes de grande taille qui peuvent facilement être recrutés dans des équipes de basket-ball et de volley-ball. Pourquoi les clubs du Nord ne font-ils pas appel à ces jeunes, les forment et les recrutent ' Une question parmi tant d'autres.
«Nous avons besoin de ce genre de manifestations sportives. Peu d'activités sont organisées dans notre région. En plus de la relance du tourisme, puisque Adrar possède 290 ksour, le marathon permet aux sportifs de la région une certaine présence. La pratique sportive ici est très faible. Nous avons un potentiel humain important, mais les moyens sont rares. La culture du sponsoring est inexistante et le financement des clubs est presque nul», regrette Ramdane Djaâfri, journaliste sportif à Radio Adrar. Il évoque l'inexistence dans le Sud de grands clubs sportifs aux moyens financiers et matériels puissants. «Les jeunes talents sont livrés à eux-mêmes et perdent, par conséquent, espoir d'avoir une carrière sportive. Les managers et les détecteurs de talents ne se déplacent jamais au Sud pour découvrir les athlètes pouvant faire partie de l'élite nationale. Dommage», ajoute Ramdane Djaâfri.
Le rêve de Abdallah à Bouda
A côté du centre sportif de proximité de Bouda, le jeune Abdallah Ayachi insiste pour nous parler de tout ce qui manque dans ce ksar planté au milieu des dunes jaune ocre du nord d'Adrar et au sud du Grand Erg occidental. Il nous parle des ksour de Bakhela, Bendraou, Zaouia, El Mansour, Laâmaria' «Dans ce centre sportif, les jeunes pratiquent le football, le handball. Mais ce n'est pas suffisant pour nous. Nous voulons d'autres disciplines. On nous a promis l'introduction de l'athlétisme et de l'haltérophilie, nous attendons toujours. Nous nous retrouvons le soir, nous formons de petites équipes et nous jouons entre nous», raconte Abdallah Ayachi. Il souhaite que Bouda soit connectée au réseau de distribution du gaz et à Internet et que les ksour soient dotés d'une bibliothèque et d'un marché de fruits et légumes.
«Pour tous nos besoins, nous sommes obligés de nous déplacer à Adrar», a-t-il dit. Le centralisme est un mal bien algérien. Un mal fortement ressenti dans le sud du pays. Quant à l'aménagement du territoire, c'est déjà une autre histoire' Youcef Ferad, directeur de la jeunesse et des sports (DJS) d'Adrar, assure que son département entend élargir le rayon de la pratique sportive et développer certaines disciplines au niveau de la wilaya d'Adrar. «Nous voulons développer les sports extrêmes, comme la glisse des dunes et le sport aérien. Nous voulons donner à tout cela l'aspect de loisir pour attirer le maximum de jeunes à la pratique sportive. Nous voulons donner priorité aux sports individuels également. La raison en est simple : le déplacement est budgétivore. Transporter un club de football ou de handball d'Adrar vers une autre région coûte cher. Mais se déplacer avec des athlètes pratiquant les sports individuels, c'est à notre portée. Nous avons expliqué aux associations locales qu'il faut développer les sports collectifs ici et envoyer les jeunes talents se perfectionner au niveau des structures au nord du pays», dit-il.
Glisse sur les dunes
Selon lui, il n'y a pas manque d'infrastructures dans le Touat et le Gourara. «La situation géographique d'Adrar fait que les agglomérations sont éparpillées et éloignées les unes des autres. On construit des infrastructures, mais ça reste insuffisant. A mon avis, il faut construire des infrastructures de proximité. Si on veut toucher la jeunesse au niveau des ksour, il faut aller vers ce type d'infrastructures. C'est ce que nous faisons actuellement à travers les complexes sportifs de proximité présents dans toutes les daïras. Nous essayons d'élargir la construction de ces complexes vers les communes à l'avenir pour permettre aux jeunes de pratiquer dans leur lieu de résidence», précise Youcef Ferad. D'après Ramdan Djaâfri, Adrar et sa région souffrent d'un grand manque d'encadrement des activités sportives.
«Lorsque des cadres du sport veulent s'installer ici, ils ne sont malheureusement pas aidés. Ce qu'ils trouvent au nord du pays, ils ne le trouvent pas au Sahara. Il faut les inciter financièrement pour qu'ils viennent et leur donner tous les moyens matériels pour qu'ils exercent leur métier convenablement. Les infrastructures sportives sont là vides, sans âme. La raison est justement ce manque de techniciens et de spécialistes du sport», regrette-t-il. Youcef Ferad reconnaît, pour sa part, l'existence du problème d'encadrement. «Nous avons actuellement des éducateurs, mais pas suffisamment de spécialistes pour encadrer certaines disciplines sportives. Cela est en relation avec la promotion de l'élite sportive», soutient-il. L'encadrement sportif se concentre surtout au niveau de la ville d'Adrar en raison de l'existence de certaines commodités de la vie.
«Les zones éloignées sont dépourvues d'encadrement. Il faut former les jeunes de ces localités pour qu'ils encadrent la pratique sportive sur place», plaide le DJS d'Adrar. Youcef Ferad espère développer les sports en les rattachant à des activités touristiques et culturelles. Il faut peut-être que la politique sportive nationale change complètement de vision et de perspective pour faire sortir les sportifs du Sud de leur grande solitude, de l'état de marginalisation qu'ils ressentent. Pour y arriver, il est important de casser des tabous et se débarrasser de certaines idées reçues.


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