Algérie

La grande mosquée d'Alger



L'Islam tolère-t-il le faste ? (2e partie et fin) Malheureusement, nos architectes continuent à figer la mosquée dans les formes et décorations d'antan, voire dans des styles qui ne sont même pas maghrébins et ne reflètent même pas notre patrimoine artistique et notre ancienne culture maghrébine. Ils plaquent béatement des styles d?Orient et d'Extrême-Orient, insultant ainsi le génie de leurs ancêtres maghrébins qui, eux, se sont distingués des autres contrées musulmanes et apporté leur savoir et leur génie à l'art islamique. L'Islam, c'est l'apport des cultures, non pas leur écrasement. Le coût du projet d'AI Ad'ham avoisinerait les 3 milliards de dollars, selon certains médias. S'il n'y a pas moyen d'éviter cette dépense inutile, évitons au moins la honte sur le plan esthétique. Même les USA qui ont le plus grand nombre de grands architectes au kilomètre carré ne sacrifient pas à la règle du concours international ni d'ailleurs l'Allemagne, le Japon, le Danemark... Voilà pourquoi la rénovation du MOMA de New York a été réalisée par un Japonais, le musée Guggenheim de Bilbao en Espagne par l'Américain Frank O. Gehry, la pyramide du Louvre par le Japonais I.M. Pei qui, dans les années 1980, a construit l'université Essenia d?Oran... L'architecture s'est internationalisée et l'on ne cherche plus à donner des projets nationaux à des architectes nationaux mais aux auteurs des meilleures propositions quelle que soit leur nationalité. Quelle que soit la nationalité de leur auteur, ces réalisations participent du prestige des nations où elles sont édifiées. Evidemment, ailleurs dans le monde, l'Etat ne réalise pas des projets pour le prestige ou pour la gloire mais pour l'utilité publique. Le prestige n'est pas une fin en soi mais la valeur ajoutée d'une œuvre utile. Mais aujourd'hui, l'édifice qui a coûté environ 40 millions d'euros au Maroc serait, selon Maroc Hebdo, gravement endommagé par les vents et de la houle qui, en l'absence d'une digue spéciale de protection, auraient eu raison du « béton à haute performance » (BHP) utilisé pour sa construction. C'est pourtant Bouygues qui l'a fait. Le salafisme via l'architecture A la mosquée de Chevalley, près d'El Biar, les Saoudiens ont implanté un style étranger qui a malheureusement servi de référence à beaucoup d'architectes algériens qui n'ont pas pris la peine d'étudier l'histoire de l'art musulman maghrébin ou de l'art musulman tout court, avant de commencer leur projet, croyant que toutes les mosquées du monde sont pareilles et ignorant que le Maghreb se distingue par un cachet et un style particuliers. Avons-nous besoin de références anciennes et, de surcroît, qui ne nous appartiennent pas ? Où ces architectes ont-ils vu des mosquées avec deux minarets en Algérie ? Or, à part quelques exceptions, dont Ketchaouwa, la règle est un minaret, pas deux. Ils nous fourguent des mosquées à tours multiples, sans référence à notre histoire, tout en croyant être fidèles au passé ! Nos ancêtres appliquaient les principes de la rationalité et de l'économie depuis des siècles ; et ce n'est qu'avec l'émergence du Bauhaus avec l'architecte Gropius dans les années 1920, que l'architecture a intégré la notion de fonctionnalité comme donnée essentielle et incontournable. Mais, à l'heure où les églises modernes sont à base de matériaux de réduction de l'utilisation d'énergie, nos mosquées acceptent-elles le gaspillage de tonnes de béton pour d'inutiles minarets ? Nous renions les leçons de nos ancêtres et celles de notre religion tout en croyant faire des lieux de culte dignes de ce nom. Continuons la comparaison avec le christianisme : l'Etat occidental ne finance pas la construction des lieux de culte. Et lorsque des édifices sont construits, leur délai de réalisation varie entre 10 ans et un siècle, pour des raisons de financement ! La mosquée d'Alger sera finie en deux ans, alors que les logements pour les sinistrés du dernier séisme ne sont pas encore livrés ! Beaux records... Selon l'offre iranienne, notre édifice-cocote minute est réalisable en deux ans, clés en main : Iraniens, Asiatiques et autres main-d?œuvre importée, tout comme le toc pour concevoir une nouvelle masse jetée dans le décor. Jurant avec l'urbanisme et l'architecture environnants, piquant des tours inutiles dans le ciel, nos mosquées récentes montrent que leurs auteurs ne font que singer le passé, alors que l'architecture est une création nouvelle destinée à « vivre » (durer) des siècles, et donc à témoigner pour longtemps du génie ou de la médiocrité de tout un peuple. Le concours d'architecture pour la nouvelle bibliothèque de Paris a été lancé en 1999 et c'est l'architecte Dominique Perrault qui l'a remporté, puis on a laissé mûrir et évoluer le projet avant de le réaliser. Voilà pourquoi l'architecture dans ce pays (la France, qui vient de créer un musée de l'architecture), comme dans tous les pays qui respectent cet art, obéit à la Charte d'Athènes (datant de 1943) qui est fondatrice de l'architecture et de l'urbanisme modernes dits du style international. Cette charte énonce les moyens d'améliorer la ville moderne en permettant l'épanouissement harmonieux de quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir et circuler. Ce n'est pas dans la précipitation et les opérations de prestige que l'on remplira ces conditions dans notre pays et édifiera des cités où il fait bon vivre. Certes, dans le monde musulman, il y a des exceptions : la mosquée de Gurna, en Egypte, édifiée par Hasan Fathy, l'auteur du livre Construire avec le peuple, qui a relancé l'utilisation des matières locales, en particulier le toub ; la mosquée de Sherefudin construite à Visoko, en Bosnie, en 1980 et édifiée par l'architecte Zlatko Ulgjen ; la mosquée de La Corniche, à Djeddah, en Arabie Saoudite (1986), par l'architecte égyptien, Abd al-Wahid al Wakil ; la mosquée de l'Assemblée nationale d'Ankara, dessinée par le groupe Çiniçi, construite en béton avec un mihrab en plexiglas !!! Mais les plus belles mosquées sont réalisées en Europe, en Amérique et en Asie, hors des frontières d'un monde musulman qui refuse de se libérer de l'emprise du passé pour accéder à la modernité. Parmi les meilleurs exemples, il y a la Grande mosquée d'Edinbrugh (1987), édifiée par l'architecte Basil AI Bayati. Au lieu de s'inspirer de ces architectes, les nôtres se contentent d'imiter. S'ils ne voient pas le passé comme un tremplin, il devient un carcan pour eux : comment alors pourraient-ils égaler un Michel Andraud, un Pierre Parat, une Itsuko Hasegawa, une Haddad (pour citer une musulmane) et d'autres maîtres de l'architecture moderne qui n'ont pas reçu leur génie du ciel mais qui sont le produit d'une volonté d'évoluer, de créer et d'innover, comme le souhaite tout artiste qui se respecte ? Au XXIe siècle, l'architecture algérienne mérite mieux qu'une masse digne des records du Guinness book copiée à la va-vite sur les modules omeyyade, abbasside ou séfévide. Et si l'Algérie, 45 ans après l'indépendance, n'a que quelques grands architectes c'est parce qu'on n'a pas jugé utile de construire des édifices d'utilité publique comme des stades, des opéras ou des musées qui peuvent amener leurs auteurs à créer aussi des édifices de culte comme celui, de taille pharaonique, que l'on veut avoir pour damer le pion au Maroc. Alors que construire plusieurs mosquées d'une facture architecturale moderne aurait été plus utile à la fois pour le culte et pour l'architecture. Construire des infrastructures d'utilité publique qui font cruellement défaut aurait été faire œuvre vraiment citoyenne et édilitaire. Car notre pays a un déficit énorme en matière de stades, de piscines, de terrains de sport, d'hôpitaux, de crèches, de salles de cinéma, de galeries d'art, de théâtres... Ce n'est pas en matière de mosquées que notre pays est classé au rang des derniers du monde !


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