«La politique est
la science de la liberté.»(Proudhon)
Le statu quo et
la somme colossale de discours creux, redondants sans imagination aucune et sans
évolution lexicale sont reconduits, comme sous les effets conjugués d'une
malédiction ou d'une fatalité indépassables. Les blocages systématiques et
surtout systémiques sont à l'Å“uvre, sous la conduite d'un logiciel vieillot,
archaïque qui ne programme que des recettes éculées, périmées qui n'ont plus
cours dans les grandes nations depuis la moitié du 20ème siècle. Les rentes
symboliques, dans l'émiettement, l'indifférence des jeunes, la lassitude ou la
disparition des fondateurs des principes de novembre, ne sont ni porteuses ni
rentables aux plans politique, patriotique à même de constituer un front
national. Ce dernier s'il n'est pas négocié, consensuel et porté sur l'avenir
et les intérêts stratégiques de l'Algérie sur 30, 40 ou 50 années, restera le
chaînon manquant à la gouvernance, au développement et à l'ouverture sur le
monde et le siècle.
Ces derniers n'admettent dans le peloton de
tête que ceux qui maîtrisent les sciences, les technologies, l'exercice
démocratique de la responsabilité, les droits de l'homme… Nolens volens, la
majorité des pays africains et arabes sont résolument engagés dans la pratique
d'une souveraineté conditionnée, du coup d'Etat, du pouvoir à vie ou transmis à
l'intérieur d'une famille, d'une tribu, d'une région ou d'un clan. Et tous sont
sous influence directe des gouvernements et des Etats qui, eux, dirigent
réellement «la communauté internationale» qui oriente tout le reste. Cette
fameuse communauté, dans une parfaite distribution des rôles répartis entre les
USA, l'Europe, Israël, voit d'un mauvais Å“il la présence de la Chine, de la Russie, de l'Inde, du
Brésil qui font de la croissance, de la recherche scientifique, et l'Iran qui
veut, au même titre que l'Etat juif, développer l'énergie nucléaire. Le reste,
les autres font de la figuration, vendent de l'énergie et sont fortement
dépendants quant à la nourriture, aux médicaments, aux vaccins et même aux
soins de leurs dirigeants et de leur bourgeoisie étatique qui se sert dans les
biens publics, pour investir dans les pays riches et les paradis fiscaux.
La majorité des dirigeants arabes et africains
n'ont rien à proposer à leur peuple, et à plus forte raison à l'humanité. Ils
ne sont pas maîtres chez eux sinon pour réprimer la société, les libertés, en
adorant «la transition», «l'émergence», «la voie du développement» et les
«constantes spécifiques», ces OVI («objets volatiles identifiés»). Mais il faut
leur reconnaître une grande invention dont ils partagent d'un commun accord,
sur la base d'un consensus en béton armé à tous les sens du terme, tous les
bienfaits lorsqu'ils sont au pouvoir. Cette même invention, dont on ignore le
régime inventeur et inventif, est reprise et utilisée à l'identique par les
successeurs lorsqu'il y a décès, coup d'Etat, consensus d'appareils contre un
chef, sa tribu ou sa famille ou, cela arrive, un assassinat.
Le régime de Bamako, obéissant dès lors qu'il
s'agit de la vie de ressortissants européens, a libéré quatre terroristes. Il y
a eu des étonnements qui étonnent comme si le Mali faisait partie de «la
communauté internationale» et appartenait à une communauté (l'UA) qui aurait de
l'importance et dont les décisions ou bavardages étaient crédibles en Afrique
et aux yeux des puissants qui contrôlent, via le satellite, jusqu'aux
communications familiales de tous les dirigeants arabes et africains. Ces
derniers avaient pris des engagements les uns envers les autres (du moins en
Afrique), relatifs aux renversements des pouvoirs par la force, au terrorisme,
à la prise d'otages, etc. Pour les tenir, et devenir respectables et crédibles
aux yeux de «la communauté internationale», il suffit de rompre les relations
diplomatiques avec les régimes hors la loi. La direction de la Ligue arabe peut être
tournante si chacun et tous décident d'appliquer le principe pour être pris au
sérieux. Et vont-ils rompre toute relation avec la junte du Niger ou attendre
que les choses se tassent? Les réponses sont les mêmes, évidentes et surtout
consensuelles dans le non-dit. Parce que les dirigeants arabes et africains ont
en commun, dans la majorité, la fameuse invention, celle de la grande
lessiveuse qui sert sans cesse, à tous, depuis les indépendances formelles,
conditionnées pour la plupart, surtout lorsqu'elles ont été octroyées par ceux
qui ont vu, qui voient là-bas au loin, où n'arrive pas l'analyse prospective
des régimes arabes et africains. Voir au loin est une spécialité occidentale.
Dans les grandes démocraties, à travers les
continents, dans la réelle «communauté internationale», les règles du jeu sont
connues et respectées. De l'échelon local au fauteuil suprême, l'élection est
le passage obligé, le long chemin, parfois des décennies, pour l'exercice du
pouvoir, la direction d'un parti ou un siège à des instances internationales,
communautaires, régionales. Du douar, en passant par l'exécutif et le
législatif, il faut aller vers les électeurs, détenteurs de la souveraineté
qu'ils délèguent.
Dans les pays qui dirigent le monde, toutes
les compétences et tous les talents sont jusqu'au bout au service de leur
société. Qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, les capacités, les
réflexions, les idées, les propositions s'expriment dans les partis, les
médias, les associations, les ONG, les syndicats, l'internet, au Parlement et
dans les institutions. Même les policiers le font à travers des syndicats
légitimes et représentatifs. Les anciens présidents, premiers ministres,
ministres, magistrats, à la retraite ou chassés des pouvoirs par l'alternance
et les électeurs, pacifiquement, participent à la vie du pays. Le pouvoir et
l'opposition se rencontrent, discutent, négocient, critiquent sévèrement les
lois et les programmes avancés. Comme des milliers de ruisseaux, ils font tous
les grands fleuves qui emportent les pays retardataires.
La grande invention, la grande lessiveuse
toujours au travail dans les pays arabes et africains fait qu'en dehors du
pouvoir, c'est la mort. Intellectuelle, politique, cette mort envoie au silence
tous ceux qui s'opposent, critiquent, proposent en dehors de «l'officiel». Les
anciens présidents, chefs de gouvernement, ministres, experts, universitaires
sont pratiquement assignés à résidence, interdits dans les médias et même dans
leur parti d'origine. Ils ont beau être à l'origine de lois, de réformes et de
règlements en vigueur, ils sont condamnés souvent au sommet de leurs capacités
à se terrer. La grande lessiveuse, qu'ils ont eux aussi mise en marche, ne fait
aucun cadeau, sauf aux courtisans et «repentis».
La grande lessiveuse est régulièrement
assistée par la faucheuse suprême, la mort. Lorsque celle-ci emporte un ex,
tous se retrouvent au cimetière pour accompagner la dépouille de celui qui fut
des leurs, qui a dirigé, ordonné. De son vivant, il était reclus et ses rares
visiteurs, souvent, attendent la nuit tombée, une fête religieuse ou hautement
symbolique pour lui rendre visite, après «en avoir informé» si possible.
Lessiveuse et faucheuse suprême font partie des «institutions» dans les pays
arabes et africains. Non écrites, elles remplissent parfaitement leurs
fonctions: faire oublier, effacer la mémoire collective et surtout éviter que
des compétences activent et s'expriment de leur vivant pour être utiles à leur
pays. La faucheuse suprême n'a pas de frontières, la grande lessiveuse si. Nous
l'avons inventée et on nous la laisse bien volontiers.
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Posté Le : 04/03/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com