La grande désillusion Supporters de la sélection nationale de football

«Ils sont venus, ils sont tous là», c'est quelque part la réponse des supporters algériens qui ont fait le déplacement en Afrique du Sud pour apporter leur soutien à la sélection nationale de football. Il est vrai que l'engouement pour les Verts n'est plus de mise et ceux
qui ont traversé ciel et mer l'ont fait par inconditionnalité aux couleurs nationales, certains pour voir également du pays et d'autres juste par goût de l'aventure, une aventure pas trop risquée compte tenu de la prise de risque calculée dans une odyssée collectivement partagée. Ils sont peut-être deux ou trois mille en plus de quelques dizaines de personnes, souvent en famille, venues des autres pays du monde, les uns pour voir de près ce groupe de footballeurs qui fait chavirer tout un pays et susciter les plus extrêmes des comportements et sans doute aussi pour avoir des relents de senteur et chaleur humaine du «bled». Ceci dit, il est indéniable que les supporters, tous, autrement dit ceux qui sont ici et ailleurs, ont gagné en maturité et surtout pris énormément de recul par rapport au soutien sans limite dont ils avaient gratifié la sélection nationale. Il n'y a plus de chèque en blanc. Désormais les gens exigent un retour sur investissement non pas par égoïsme, loin s'en faut, mais tout simplement en vertu d'une logique absolue qui veut qu'il n'est plus question de courir après une ombre d'autant plus que la majorité des citoyens est, dans la vie quotidienne, confrontée à tellement de difficultés qu'il semblerait pour le moins surréaliste de s'attacher, voire de croire en des chimères pour lesquelles les Verts les ont habituées. Il suffit d'ailleurs de voir avec quel détachement la défaite contre la Tunisie a été accueillie par nos concitoyens au pays. C'était juste comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, l'étonnement immédiat et le retour à la sérénité tout de suite après. A l'heure actuelle, nombreux sont ceux qui ne seraient pas surpris que la sélection nationale rentre plus tôt que prévue au pays et ils s'y sont déjà préparés non pas pour amortir un choc émotionnel mais surtout pour se dire qu'enfin ils peuvent avoir bonne conscience devant les autres et se dire qu'ils n'ont plus de raisons, au risque de passer pour des rabat-joie, de jouer les suivistes dans un engouement populaire préfabriqué depuis cinq années. Est-ce la sélection nationale qui ne mérite pas ces supporters, ou inversement sont-ce les supporters qui se sont trompés d'objet de culte dans un pays où le football est plus un substitut à leur mal de vivre qu'un moyen de se divertir, de passer du bon temps dans la convivialité. En fait, soutenir une équipe, un groupe est avant tout une attitude culturelle, morale qui suppose la prédominance d'un environnement adapté à ces valeurs. Cela ne semble malheureusement pas être le cas pour l'Algérie. Du moins dans l'état actuel des choses. En conclusion, un retour au pays prématurée des Verts entraînerait, sans nul doute, une grande rupture avec ceux qui, contre vents et marées, sont demeurés ses inconditionnels parmi les supporters. C'est là le plus grand risque pour un objet de culte auxquels se sont accrochés des millions de jeunes et lequel, heureux et extraordinaire hasard, a cimenté tout un pays derrière l'emblème national, le dernier symbole auquel croient encore son peuple.
A. L.