La gestion de l’eau en Algérie pose un sérieux problème aux autorités et les ressources disponibles sont en deçà des besoins.
La vétusté des réseaux d’adduction et la capacité de stockage déficiente entravent la bonne distribution de l’eau aux consommateurs. La dotation journalière par habitant reste faible par rapport aux normes internationales, car les instruments de gestion de l’eau ne sont pas efficaces.
L’Algérie compte 17 bassins versants. Les ressources en eau proviennent des eaux de surface et des eaux souterraines renouvelables et non renouvelables. Il est à noter que ces ressources sont très variables, notamment celles qui proviennent des nappes tributaires des aléas climatiques. L’utilisation de l’eau est liée aux activités économiques.
La connaissance des ressources en eau est la condition nécessaire pour une bonne gestion. Les instruments de gestion sont un outil indispensable pour l’organisation des institutions juridiques, économiques et administratives de ladite gestion. L’Algérie septentrionale présente un climat semi-aride qui se caractérise par une forte irrégularité pluviométrique. D’une manière générale, les bassins versants sont imperméables, ce qui donne sur le plan des régimes hydrologiques :
-une extrême irrégularité saisonnière et interannuelle des écoulements qui est accentuée par de longues périodes de sècheresse ;
-des crues violentes et rapides, une érosion intense et des transports solides importants.
Les bassins versants sont regroupés en trois zones :
-Les bassins tributaires de la Méditerranée, situés au nord de l’Algérie, ont un apport moyen annuel estimé à 11 milliards de mètres cubes ;
-les bassins endoréiques qui occupent les hautes plaines dont les eaux se perdent en grande partie par évaporation dans les chotts. L’écoulement annuel moyen est estimé à 700 hm3 ;
-les bassins sahariens apportent en moyenne 650 hm3 par an. L’écart pluviométrique moyen montre un déficit accentué d’est en ouest. L’Est algérien est la partie la plus humide avec une moyenne pluviométrique de 530 mm par an, le centre occupe la seconde place, avec 480 mm par an et l’ouest est plus sec avec une moyenne annuelle de 260 mm par an. La hauteur moyenne annuelle des précipitations est de l’ordre de 423 mm. Les ressources souterraines sont de 6,8 milliards de mètres cubes, les eaux superficielles évaluées à plus de 11 milliards de mètres cubes.
En ce qui concerne la dotation en eau par habitant par jour, il est impossible de faire une comparaison avec les normes de l’OMS, mais à titre indicatif, un chiffre nous a été communiqué par les autorités de distribution de l’eau et qui avoisine 140 litres par jour par habitant dans la wilaya de Constantine. La norme de l’OMS est de 250 litres par jour et par habitant. A cela s’ajoutent les pertes dues à la vétusté du réseau AEP, on les estime à 30%. Dans toutes les villes du pays, le problème du stockage local se pose avec acuité. La quasi-totalité des réservoirs est archaïque, voire en état de délabrement. Les besoins en eau dans les centres urbains sont en croissance continue.
La construction de nouveaux ouvrages de stockage ne suit pas. La politique algérienne de l’hydraulique est très en retard vis-à-vis des besoins. L’eau qui tombe n’est pas captée en totalité. L’adduction de l’eau adéquate impose de petits réservoirs dans les centres urbains à une certaine hauteur, soit sur pilotis ou sur des tours, pour créer une pression qui facilite l’arrivée de l’eau au dernier consommateur. La distribution de l’eau se fait par un système de canaux et de conduites. D’une manière générale, le système de distribution souffre de cassures incessantes. Dans les vieux quartiers, les cassures sont dues aux travaux de canalisation qui n’en finissent jamais (téléphone, gaz, assainissement) soit à la corrosion des conduites.
Dans les nouveaux quartiers collectifs ou individuels, la situation est plus préoccupante. Les conduites sont en PVC et, au niveau des coudes, les cassures sont fréquentes. La pression excessive provoque aussi des cassures par «coup de bélier». Dans toute l’Algérie, notamment les grands centres urbains, l’approvisionnement se fait par grand quartier, chacun attend son tour. Les capacités de stockage ne suffisent pas à approvisionner tous les consommateurs en même temps. En général, ces derniers ne reçoivent l’eau que durant quelques heures par jour, et pour cela, ils stockent l’eau dans les foyers dans de petits réservoirs ou dans des récipients. L’eau est perçue comme un élément constitutif de l’aménagement du territoire.
Une pollution de l’eau est dommageable à toute la collectivité. La gestion de l’eau en Algérie est confiée à des structures agissant sur le plan national, de wilaya et communal. L’instrument juridique principal de gestion de l’eau est la loi n° 83-17 du 16 juillet 1983 qui fixe l’ordre des priorités de l’utilisation de l’eau, l’assiette des redevances et la qualité de la ressource. Elle préconise tantôt des recommandations, tantôt elle impose des obligations ou prévoit des responsabilités pénales. Dans les faits, aucune mesure n’est ni prise ni appliquée. Sur le plan économique, on a deux types d’instruments pour la gestion de l’eau : les premiers concernent les taxes, les redevances et les différentes charges d’exploitation ; les seconds sont relatifs aux subventions de l’Etat.
Entre l’Etat et les différents utilisateurs de l’eau, l’Entreprise de gestion et de distribution détient un rôle d’intermédiaire, elle assure trois sortes de services :
Le premier est lié à la La production de l’eau.Des stations de pompage et du matériel hydraulique sont utilisés pour cela.
Le deuxième est inhérent aux études de plans d’adduction et de développement du réseau au fur et à mesure que de nouveaux quartiers urbains se réalisent. Le troisième concerne la distribution et les aspects financiers. Les réseaux de distribution, ramifiés en antenne, constituent la voie la plus économique dans les conditions de rareté de la ressource, donc la tarification de l’eau change. En 1990, elle se faisait selon un barème progressif pour la consommation domestique et régressive pour les autres. Les industriels, les artisans et les commerçants payent moins cher l’eau que les consommateurs domestiques. Or, les industriels, les artisans et les commerçants polluent plus par leurs différents rejets. Sur les factures des consommateurs domestiques, on peut noter la redevance de l’assainissement.
A notre connaissance, aucune station d’épuration ne fonctionne en Algérie, et de toutes les façons, même si elles fonctionnaient, les rejets clandestins notamment des bidonvilles se déversent pas directement dans les cours d’eau du pays. Pour qu’il y ait vraiment assainissement, il ne devrait pas y avoir de rejet qui échappe aux collecteurs des réseaux principaux d’assainissement qui sont censés envoyer les eaux usées vers les stations d’épuration. La pollution très forte des cours d’eau est une réalité qu’on ne peut nier. L’assainissement ne se fait pas. Les consommateurs payent l’eau chaque trimestre et les frais de consommation sont inégalement répartis entre les usagers de l’eau. La quasi-totalité des administrations, des unités industrielles et les institutions politiques ne payent pas l’eau, et beaucoup d’entre elles n’ont même pas de compteurs, bien qu’elles profitent de l’eau 24h/24.
Les conséquences de cette réalité font ressortir les faits suivants: le gaspillage énorme de l’eau, l’insensibilité des unités industrielles aux prix de l’eau. A la lumière de cette petite analyse, nous remarquons l’incohérence et l’absence de rationalité économique dans les méthodes actuelles de tarification. On ne peut parler de la lutte contre la pollution de l’eau en Algérie, on n’est pas encore à ce stade.
Par contre, on est au stade du constat des différentes pollutions, notamment par le biais des maladies hydriques. Chaque année, lors des saisons chaudes et sèches, des épidémies se déclarent çà et là. Le développement socio-économique et l’urbanisation rapide ont eu un impact néfaste sur la qualité des ressources en eau. De nombreux cas de pollution industrielle et urbaine ont été observés, en l’occurrence au niveau des barrages, des eaux souterraines et des cours d’eau.
Il est souhaitable que la gestion de l’eau et l’assainissement soient confiés à une même administration. La gestion de l’eau suppose des actions coordonnées à la politique d’aménagement du territoire. Ainsi, les ressources hydrauliques seraient mises en valeur et préservées. Les capacités d’approvisionnement doivent augmenter actuellement, mais aussi à long terme vu la croissance des besoins. Les sites pour réservoirs devraient être étudiés dans un souci d’efficacité et d’économie. La lutte contre l’érosion est une nécessité pour éviter le problème d’envasement des barrages.
Le réseau de distribution devrait faire l’objet d’un plan de rénovation en relation avec son développement dans les nouvelles cités. Les conduites doivent être protégées des infiltrations accidentelles des eaux usées. Pour cela, il est souhaitable que les canalisations ne contiennent que les conduites de l’eau potable. Le problème de pression est à étudier pour chaque quartier en tenant compte des rampes et de la hauteur des constructions. La dotation en eau doit être équitable. Les localités mal desservies ont droit à une amélioration quantitative. Les normes de l’OMS seraient un objectif à atteindre. Des mesures draconiennes devraient être développées pour parer toute pollution de l’eau de distribution. Les aspects qualitatifs doivent être traités simultanément avec les aspects quantitatifs.
Une politique de tarification rationnelle de l’eau est nécessaire, notamment la mise en place du barème progressif pour les grands consommateurs d’eau. Les institutions de l’Etat et les industriels devraient payer l’eau au même titre que les autres usagers. Les industriels devraient payer en plus le traitement des rejets. Des moyens de financement sont à rechercher pour réparer et finir les stations de traitement et d’épuration des eaux. On devrait aussi lutter efficacement contre la prolifération des bidonvilles dans le pays pour pallier le problème des rejets clandestins des eaux usées. Il est souhaitable de créer des agences de gestion des bassins versants, soit pour chaque bassin soit pour un groupe de bassins. Cela constitue des structures technico-administratives d’approche intégrée englobant tous les aspects : qualité et quantité, prélèvement et rejet, approvisionnement et protection. La contribution des collectivités locales, des services techniques, des centres de recherche universitaire apportera un plus.
Abdesselam Kadi (Docteur d’université, ancien cadre de la SNTF)
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Posté Le : 08/10/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Contribution de Abdesselam Kadi
Source : El Watan.com du samedi 8 octobre 2011