Algérie

La frontière, un tabou ?



Même si cela ressemble à une autre déclaration rituelle, similaire à celles que font régulièrement les responsables des pays d?Afrique du Nord, il faut prendre acte des propos du chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, au sujet de la relance de l?Union du Maghreb arabe.Oui, il faut redoubler d?efforts pour le projet d?unification maghrébine et le mettre « à l?abri des contingences et des différends marginaux ». Mais il faut espérer que nous ne sommes pas simplement dans ce rituel qui dispense de l?action et qui conforte le statu quo d?une union maghrébine, sinon morte, du moins végétative. Si, comme le dit le chef du gouvernement algérien, l?UMA «constitue un cadre global et stratégique pour l?action intermaghrébine», cela implique que l?on redynamise ce cadre, qu?on lui donne de la vie. Car si l?UMA existe sur le papier et si des structures sont en place, elle est sans vie. Elle n?est qu?une référence vague derrière laquelle chacun se cache pour accuser l?autre de l?entraver et de la bloquer.Mettre l?UMA à l?abri des contingences et des différends marginaux, cela signifie que les divergences sur la question du Sahara Occidental ne doivent plus constituer un obstacle. Car, ne nous leurrons pas, si le conflit du Sahara Occidental est souvent invoqué pour justifier le blocage maghrébin, cela n?explique pas que les échanges entre l?Algérie et la Tunisie soient encore faibles. Le Maghreb a besoin d?une impulsion politique forte qui ne vient pas encore.Le cinquantenaire de la conférence de Tanger a été une opportunité qui n?a pas été exploitée. Ce n?est pas un mystère: les peuples sont prêts pour le Maghreb, ce sont les gouvernements qui ne le sont pas. Ils sont encouragés, il est vrai, dans leur immobilisme par le manque d?implication des sociétés civiles et, dans le cas de l?Algérie et du Maroc, par un journalisme pavlovien qui rejette sans examen, quand il ne le dénigre pas, tout ce qui vient de l?autre. On peut être totalement en faveur du droit à l?autodétermination du peuple du Sahara Occidental et considérer comme absurde le maintien de la fermeture de la frontière avec le Maroc.Suivre sans examen critique les réticences officielles algériennes, au demeurant beaucoup moins catégoriques que les journaux, ne fait qu?ajouter à la confusion. Si M. Abdelaziz Belkhadem dit vrai sur l?impératif de dépasser les contingences, alors la question de l?ouverture des frontières, largement souhaitée par les citoyens algériens et les Marocains, mérite d?être examinée plus sérieusement que sous forme de réponse lapidaire.Il faut déjà constater que les argumentaires faussement économiques, encore invoqués sous nos cieux, sont déjà dépassés. Les prix intérieurs algériens ne sont plus «bon marché» et ils sont sensiblement proches de ceux qui ont cours au Maroc, pour qu?ils ne soient plus l?objet de trafic transfrontalier. Quant au cannabis, il n?a jamais souffert de la fermeture de la frontière.En finir avec la fermeture de la frontière ne va pas miraculeusement résoudre les problèmes. Mais ce sera un indicateur que l?horizon maghrébin peut être débouché par les Maghrébins eux-mêmes, sans attendre qu?un cadre européen vienne le faire pour eux.


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