La friperie à la rescousse des familles

Les prix, devenus inaccessibles, et la détérioration du pouvoir d'achat, ont fait de ces lieux une destination privilégiée pour la classe moyenne.L'incontournable tradition d'achat des vêtements de l'Aïd se révèle très difficile d'une année à une autre, particulièrement après la crise économique ayant touché le pays, causant la dévalorisation du dinar. Il n'est plus évident pour certains parents de trouver leur bonheur à des prix abordables. Ces dernières années, certains ont décidé de contourner la dernière semaine du Ramadhan, en préférant acheter les vêtements au début ou au milieu du mois, dans l'espoir de trouver des articles moins chers.
Pour ceux qui doivent attendre le virement des salaires, le compte à rebours pour la fête a été déclenché, durant les derniers jours du Ramadhan quand la fièvre des achats est montée d'un cran. Mais ce qui est particulier cette année, c'est que le rush n'est pas constaté dans les magasins du prêt-à-porter, mais plutôt dans les friperies, ou chez les vendeurs informels.
Des centaines de familles, sans aucune exagération, ont choisi d'habiller leurs enfants pour l'Aïd à la fripe. Ce marché, qui était dans un certain temps une destination pour les familles démunies, devient aujourd'hui un lieu convoité aussi par la classe moyenne. Prenons à titre d'exemple la friperie située derrière le marché couvert de la cité Daksi, communément appelé «L'hippodrome». Jeudi dernier et lors d'une tournée effectuée sur les lieux, nous avons remarqué une véritable marée humaine venue dénicher les bonnes affaires. Dès 10 h, des dizaines de familles commençaient à envahir les étals de fortune d'articles déposés pêle-mêle.
Il y a de tout dans ce grand «marché» à ciel ouvert, à des prix abordables. Des pyjamas à 100 DA, des robes et des liquettes pour l'Aïd de marques souvent françaises à 250 DA. Pareil pour les chaussures, dont les prix varie entre 250 et 1 400 DA, et les pantalons qui coûtent entre 100 et 200 DA. Les prix varient en fonction de la qualité, de la marque et surtout du modèle. Pour les habits pour enfants, là où on trouve la majorité des clients, les prix sont raisonnables.
La classe moyenne attirée
Un seul article coûte 50 DA et parfois 100 DA, ce qui vous permet d'acheter quatre pièces. Le produit avec lequel sont nettoyés ces articles n'a-t-il pas un effet nocif sur la santé ' «J'ai toujours acheté des habits de la fripe et je n'ai développé aucune pathologie dermatologique. Il suffit de relaver et puis repasser avec le fer, afin d'obtenir un article neuf», a déclaré avec beaucoup d'assurance une femme interrogée sur place.
Une autre femme lui apporte la contradiction, en affirmant que l'un de ses enfants a développé une allergie à cause des vêtements de la friperie. «Maintenant, je me plie en quatre pour leur offrir des vêtements neufs des magasins du prêt-à-porter, malgré les prix qui sont en hausse particulièrement à la veille de l'Aïd. Donc c'est à moi d'acheter de la fripe, en essayant de choisir les articles de marque. Je me sacrifie tout simplement», poursuit notre deuxième interlocutrice. On remarque pourtant que le recours à la fripe s'est généralisé ces dernières années.
Ce n'est plus une question de familles démunies. A la friperie de Daksi, nous avons même rencontré des cadres de l'administration publique, et même des intellectuels, et des universitaires qui n'ont pas voulu se montrer. Hichem, fonctionnaire soutient qu'il est devenu difficile de joindre les deux bouts ces dernières années après la dévalorisation du dinar. «C'est une réalité amère que nous vivons dans ce pays. C'est honteux de dire que nous avons une économie digne de ce nom, où le peuple algérien porte toujours des articles venant de l'étranger et surtout de la fripe des pays occidentaux», lance-t-il. Quoi qu'il en soit, la situation ne laisse plus de choix, même si la plupart de ceux que nous avons rencontrés à Daksi soutiennent qu'avec la fripe ils parviennent à s'en sortir, même s'ils ont toujours souhaité offrir quelque chose de meilleur à leurs enfants.