Algérie

La fripe' c'est chic



La fripe' c'est chic
Pauvres, mais élégants. Le gouvernement pourrait finalement avoir gain de cause et interdire l'importation de la friperie. Les pauvres, qui entre-temps n'auraient pas connu meilleure fortune à moins d'un miracle divin, risquent de ne plus payer de mine. Ils vont s'habiller sans label. Mais pour certains représentants du gouvernement, dont les départements sont directement concernés par l'interdiction d'importation de la friperie, l'enjeu est de taille : ce sont 15 à 18 millions de dollars qui reviennent dans le giron national et autant d'argent à récupérer dans la cagnotte de la filière textile locale des gens de la confection, du prêt-à-porter. Et pourquoi pas, comme le susurrent d'ardents défenseurs de l'annulation de l'accès de la friperie en Algérie, «un sensible accroissement de l'emploi».Cette mesure devait prendre effet, il y a deux ans déjà. Néanmoins, elle a été contournée par un «judicieux» lobbying d'hommes d'affaires auprès de parlementaires, sans que ne soit passée sous silence l'inertie ou la complaisance du gouvernement dont les membres concernés auraient pu ruer dans les brancards, un peu plus qu'ils n'ont fait semblant de le faire. Pour justifier l'attitude officielle, à l'époque avait été argué «le risque du retour de la contrebande», d'une part, et la nécessité d'encadrer, via une importation autorisée, «' la prévention de risques sanitaires», et enfin et surtout que «tout cela permet le contrôle dudit marché et donc la possibilité de renflouer les caisses du Trésor par les taxations d'usage». Autrement dit qu'entre le choléra et la peste, il y avait un choix à faire, et à l'époque des débats houleux autour de la question, il aurait été fait.
Le monde de la fripe ne fait pas que des heureux parmi ceux qui s'enrichissent sans commune mesure, il contribue, voire permet qu'on le veuille ou non aux Algériens qui y recourent, une réelle indépendance dans bien des aspects en matière d'habillement, allant du choix sur un éventail impressionnant au coût défiant toute logique, par comparaison au dumping chinois imposé à la production locale, une fois les frontières ouvertes à ces derniers. Et si les Chinois, selon ce qui leur est prêté, en sont arrivés à évoquer «une concurrence déloyale», c'est dire l'importance du phénomène.Les risques sanitaires demeurent l'argument massue pour ceux qui s'opposent au maintien de l'importation de la friperie. Plus faux que vrai, sinon comment expliquer que les pouvoirs publics ne se soucient de la santé de leur population que plus de deux décennies après l'apparition de la friperie dans les souks, par la suite dans de petites boutiques, et enfin dans les vitrines de magasins chics de prêt-à-porter à travers le territoire national ' Enfin, si risque sanitaire il y a, il faudrait quand même rappeler ces propos du ministre du Commerce : «' Du moment que la friperie traverse nos frontières malgré l'interdiction de 2009', l'autorisation de les importer à travers les ports permet de mieux les contrôler.» Devant cette confusion et cacophonie totales, les risques sanitaires ne sont donc finalement qu'un épouvantail de circonstance. Par ailleurs, les risques sanitaires ont également été évoqués dans le cas des articles fabriqués en Chine et devraient l'être pour la Turquie, actuellement présente en force sur le marché ; ce qui, toutefois, n'a jamais constitué une quelconque défiance officielle à leur endroit. Le secteur de la friperie, au-delà de l'acception péjorative qui lui est donnée par ses détracteurs, est devenu par excellence l'univers de la sape pour des millions d'Algériens qui y trouvent leur compte et surtout leur plaisir à s'habiller moderne et selon leur souhait. Depuis plus d'une vingtaine d'années, il ne s'est pas trouvé un seul individu dont le décès serait imputable au fait d'avoir porté un bermuda ou une chemise acquis auprès du marché de la friperie.S'habiller pour rien et bien, c'est tout ce que les Algériens, sans exclusive, peuvent encore se permettre sans pour les pauvres avoir des sueurs froides, histoire de disponibilité, et en raison de l'uniformité et du manque d'originalité des modèles avoir l'air de sortir d'un pensionnat pour ceux qui le sont moins. C'est pour cela que la fripe, c'est chic.
A. L.


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