Algérie

La frénésie des constructions en hauteur



De nouvelles constructions en hauteur continuent à être érigées à Alger, à telle enseigne qu'aucune localité n'est épargnée.Le phénomène prend tellement d'ampleur qu'il finit par donner du fil à retordre non seulement aux urbanistes et aux spécialistes en la matière, mais aussi aux profanes.
D'après un enseignant-chercheur au département des sciences de la Terre de l'USTHB, dans ce vaste domaine, le savoir-faire, issu des sciences et des techniques relatives à l'aménagement des espaces urbains, est employé dans le but d'assurer aux citadins un milieu où il fait bon vivre, un milieu qui leur garantit une préservation de l'environnement et une amélioration des relations sociales, un milieu où la violence et la criminalité ne trouveraient pas de circonstances favorables. «Néanmoins, sur le terrain, on assiste à une réalité déconcertante imposée par les promoteurs immobiliers.
Dans plusieurs cas, la logique financière l'emporte sur la logique préventive et protectrice», a indiqué ce professeur. Un des cas est cependant décelé dès l'entame d'une simple tournée d'observation. A Haï El Badr, dans la commune de Bachdjerrah, un promoteur a élevé un immeuble intégrant plusieurs appartements destinés à la vente.
Le bâtiment de cinq étages a été implanté au milieu d'habitations individuelles, de surcroît situées dans un quartier résidentiel, alors que le cahier des charges autorise seulement des constructions de type R+2. Le sésame est découvert. Dans le même quartier, un autre promoteur acquiert à la fois trois maisons de style colonial appartenant à des héritiers. Sans doute, l'argument rabâché est : «Cela a été déjà autorisé. Alors, pourquoi me le refuser à moi '»
Entre-temps, sur un terrain dégagé après la démolition d'une villa d'un seul niveau, s'élèvent présentement deux immeubles de cinq étages. Un des édifices est en pleine zone inondable, car il est situé à la limite d'un oued qui traverse la localité. «Quel est cet administrateur qui a eu l'audace de délivrer le permis de construire et d'autoriser un tel dépassement ' Comment s'intègre une telle hauteur dans un ensemble conçu pour des constructions de type R+1 ou R+2 '», s'est interrogé avec dépit un ingénieur ayant occupé un poste de directeur dans un organisme public.
Sollicité, un cadre de l'APC de Bachdjerrah a toutefois affirmé que le permis de construire a été délivré d'une manière légale par une commission ayant siégé à la daïra d'El Harrach. Du côté de Birkhadem, on assiste à une situation similaire. Des investisseurs provenant de l'intérieur du pays ont acheté des maisons individuelles. A travers une opération de démolition-reconstruction, ils parviennent à modifier la silhouette générale du quartier.
«On assiste avec impuissance à la démolition des résidences chargées d'histoire. Je cite la maison des Sintes, qui sont les oncles maternels d'Albert Camus. A sa place, on voit surgir une forme cubique en béton privilégiant la fonction commerciale.
Je cite encore la magnifique résidence de Haouch Ben Siam et sa noria, qui a été démolie contre toute attente. La seule trace de ce somptueux palais est une toile exécutée par le peintre Sarraillon. Où est la fonction de préservation des biens culturels '», s'est demandé avec beaucoup d'amertume un représentant du mouvement associatif.
De retour à Kouba, le même sentiment d'éc?urement s'est emparé des habitants de Ben Omar, qui crient leur impuissance en voyant disparaître à un rythme inquiétant les magnifiques maisons aux toits inclinés faits de tuiles rouges construites pour les cheminots en 1958. Un peu plus haut, deux panneaux dressés à la rue des Frères Abdeslami affichent une offre d'une promotion immobilière. Dans la même rue, une maison semble se moquer de ces offres alléchantes.
Elle résiste en arborant avec tant de fierté son toit de tuiles rouges et son oranger. Consulté à ce propos, un spécialiste en sociologie urbaine s'est contenté de dire : «Ibn Khaldoun l'avait prédit : ? Idha ouribet, khourribet?. A traduire : ?Si la ville se bédouinise, elle sera détruite''.»


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