La France change
d'attitude envers le président déchu Zine el-Abidine Ben Ali. Un retournement
bien tardif.
Le geste se
voulait fort. Magistral. Une gifle. Un coup fatal et définitif qui fera date
dans l'histoire des relations internationales et qui donnera à réfléchir à tous
les dictateurs. Au moment où il fuyait son pays, chassé par la rue en colère,
le président déchu Zine el-Abidine Ben Ali s'est vu clairement signifier qu'il
était indésirable en France. Le pays de Nicolas Sarkozy et d'Eric Besson ne
pouvait accueillir un homme aussi encombrant. Il n'y a pas plus de place pour
les dictateurs retraités en France.
Certes, un tel
message ne pouvait être dit officiellement. Tradition d'accueil oblige, ni le
chef de l'Etat français ni ses ministres ne pouvaient faire une telle annonce.
Mais les autorités françaises se sont arrangées pour faire répercuter cette
position durant la nuit, puis dans la journée de samedi 15 janvier. Il fallait
absolument que ça se sache, que le monde entier le sache, d'autant plus que Ben
Ali avait choisi un autre pays d'accueil, l'Arabie Saoudite en l'occurrence,
pays d'Islam et donc plus apte à héberger les anciens dictateurs.
Le geste est très
habile, disent les experts et spécialistes. Par une simple suggestion, Nicolas
Sarkozy voulait rafler la mise. Il voulait à la fois flatter la rue en
ébullition à Tunis, en faisant semblant d'accompagner la revendication
démocratique, rassurer la communauté tunisienne installée en France, donner des
gages à la Françafrique, effacer deux décennies de complicités, de
compromissions et de trahisons, et se donner bonne conscience. Le coup est osé.
Il n'y a que Nicolas Sarkozy pour tenter un tel coup de bluff.
Mais le coup
était grossier. Car même s'il est de bonne guerre de la part de Nicolas Sarkozy
de défendre les intérêts de son pays, et même s'il faut reconnaître qu'il ne
recule devant rien pour y arriver, il n'en demeure pas moins qu'il est
impossible que son coup réussisse cette fois-ci. Car la compromission a été si
forte, la complicité si évidente, que personne ne sera dupe.
Le régime du
président Zine El-Abidine Ben Ali constituait la solution prônée par la France
pour les pays du Sud de la Méditerranée. Une répression féroce, mais soft. Une
république de façade, mais une régence de fait. Toutes les libertés
démocratiques confisquées, du moment qu'on le fait au nom de la lutte contre
l'islamisme. Un appui politique, diplomatique, financier, du moment que les
millions de touristes peuvent séjourner tranquillement en Tunisie, sans jamais
tomber sur le cadavre caché dans l'armoire.
Cette position
n'est ni nouvelle ni innovante. En 2003 déjà, Jacques Chirac avait balayé d'un
revers de la main la question des Droits de l'Homme, avec sa fameuse
déclaration selon laquelle le premier des Droits de l'Homme, c'est celui de se
nourrir. Et tant que la Tunisie nourrissait les siens, on pouvait occulter les
libertés.
Plus tard, en 2008, Nicolas Sarkozy
renouvelait cette bénédiction. «L'espace des libertés progresse» en Tunisie,
avait dit le chef de l'Etat français qui, lors d'une visite à Tunis, refusait
d'adopter la position d'un donneur de leçons car, selon lui, «la Tunisie a fait
le choix volontaire de la démocratie». Des louanges et des fleurs à faire
rougir l'homme qui l'accueillait dans la capitale tunisienne.
La visite de
Sarkozy avait par ailleurs donné lieu à une ridicule partie de cache pour
organiser une rencontre entre Rama Yade, folklorique secrétaire d'Etat chargée
du dossier, et des militants des Droits tunisiens de l'Homme. Quant à Bernard
Kouchner, il était devenu sourd-muet. Michèle Alliot-Marie, qui lui a succédé,
est restée dans la même ligne. Elle a même suggéré une assistance de la France
pour une répression plus soft. «Le savoir-faire, reconnu dans le monde entier,
de nos forces de sécurité» a été proposé à la Tunisie pour «permettre de régler
des situations sécuritaires de ce type», a-t-elle dit alors que la Tunisie
était sur le point de basculer.
A l'opposé de
cette démarche, le journal «Bakchich», qui adopte une position très dure envers
le système tunisien, a été contraint de déposer le bilan. Nicolas Beau,
principal animateur de ce site, avait coécrit, avec Catherine Gracier, «La
régente de Carthage, mais basse sur la Tunisie», un livre consacré à la
première dame de Tunisie. Tout un symbole.
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Posté Le : 16/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com