Algérie

La France instrumentalise le MNLA pour se repositionner dans ses anciennes colonies



La France instrumentalise le MNLA pour se repositionner dans ses anciennes colonies
- Pensez-vous que la guerre en Libye a été un déclencheur de la crise au Nord-Mali ' Cela me semble évident. Le conflit libyen a alimenté la rébellion touareg en armes. Nous ne sommes pas à la première édition de ce soulèvement. Cela dit, la situation est incomparable avec ce que nous avons connu avant. Ce n’est plus juste une insurrection interne puisqu’on voit la participation d’AQMI et de cette organisation, dont personne n’avait entendu parler, Ançar Eddine.
- Croyez-vous, après quelques semaines de recul, que l’armée malienne a échoué et que le Mali sera amputé définitivement du Nord ' Il n’y a rien de définitif. Il faut préciser qu’en parlant du Nord, on englobe tout de même les deux tiers du territoire. L’armée malienne est à reconstituer et à consolider. Je pense que le déséquilibre des rapports de force a permis à la rébellion de gagner du terrain. Certes, nous avons été surpris mais cela nous a permis de savoir que l’armée était défaillante. Le peuple sait que l’Azawad ne correspond pas à une réalité historique qui puisse justifier l’occupation du Nord. Même si c’était le cas, il n’y a pas que les Touareg dans cette région. Amputer le Mali de sa multiethnicité ne serait pas envisageable.  
- Pensez-vous que l’investiture de Dioncounda Traoré va accélérer les élections ' Il est prévu dans la Constitution, en cas de vacance du pouvoir, que le président de l’Assemblée nationale remplace le président de la République. Il a le devoir d’organiser les élections en 25 jours ou, maximum, 40 jours. Vu que 200 000 Maliens sont réfugiés hors du territoire, ce n’est pas une priorité. On doit s’occuper d’eux, ainsi que des femmes, des enfants et des personnes âgées coincées dans les régions nord, privées de tout, qui deviennent les otages de ceux qui occupent le terrain.
- Vous déplorez que la communauté internationale ne regarde que ses intérêts… Ceux qui ont pris la responsabilité de liquider El Gueddafi et son régime ont largement contribué à déséquilibrer la bande sahélienne, qui était déjà dans une situation précaire. L’Occident qui s’impose en donneur de leçon de démocratie dans le monde, et particulièrement en Afrique, n’hésite pas à maintenir des foyers de tension qui servent de prétexte pour déstabiliser les régimes. La France attendait du gouvernement malien davantage d’implication dans la lutte contre l’immigration, un contentieux connu. Le président Amadou Toumani Touré n’a pas signé l’accord de régularisation des migrants, et la France lui a reproché de ne pas avoir lutté avec fermeté contre Al Qaîda. Ajoutez à cela tous les enjeux miniers, pétroliers et géostratégiques. Pour sortir de la crise, les puissances occidentales veulent faire main basse sur les ressources naturelles de la bande sahélienne en prenant appui sur des dirigeants dociles. En Afrique, il n’y a jamais eu de coups d’Etat sans l’implication de la France.
- Ces pays feraient donc la course à l’installation de bases militaires et à l’exploitation des ressources… Nous sommes à un tournant grave de l’évolution des rapports entre les puissances industrialisées. Elles pensent qu’elles ont tout à gagner à la militarisation de la mondialisation. Il est évident aujourd’hui, avec l’émergence de la Chine, que ces pays ne sont plus maîtres à bord. La crise aux Etats-Unis ou en Europe trouve une réponse dans les richesses du continent africain. Comme en Côte d’Ivoire, en Libye, ils ont juste activé le levier diplomatique et médiatique, pour justifier leur présence. Il est temps que les peuples soient politiquement lucides et déterminés, comme au temps des libérations nationales, pour limiter les dégâts, et si possible nous libérer. Quand on observe l’impact médiatique accordé au MNLA et la prise de parole, on comprend que la France l’instrumentalise pour se repositionner dans ses anciennes colonies.
- Que se passera-t-il si la situation dégénère davantage ' Si le Mali implose, tous les pays frontaliers en paieront le prix malgré eux, car nous ne sommes pas assez visionnaires pour éviter les agressions étrangères. Il ne devrait plus y avoir de frontières entre les peuples d’Afrique pour commencer. Nous devons regarder, collectivement, vers l’Afrique.


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