Algérie

La France et l'Espagne cherchent une alternative au projet de résolution américain La surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental en débat au Conseil de sécurité



Samedi, peu avant d'entreprendre son périple au Moyen-Orient avec comme première escale Amman, le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, avait reçu à Madrid M. Kerry Kennedy, le président de la Fondation Robert Kennedy qui porte le nom de son père, assassiné en 1968, qui se bat pour l´autodétermination et le respect des droits de l'homme au Sahara occidental.
Au centre de cet entretien, la mention sur la surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental par la Minurso dans le projet de résolution américain que le Conseil de sécurité de l´ONU débattra à partir d´aujourd´hui à New York. L´Espagne n´est pas membre du Conseil de sécurité de l´ONU, mais sa voix compte sur l´avenir de son ancienne colonie du territoire sahraoui.
C´est à ce titre qu´elle est consultée dans le cadre du Groupe des amis du Sahara occidental dont elle fait partie aux côtés des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie. Depuis des années, la Fondation Kennedy qui a des contacts suivis avec les indépendantistes sahraouis représentés par Aminatu Haider et, bien sûr, avec le représentant du Front Polisario à New York, Ahmed Boukhari, mène campagne pour la cause sahraouie aux côtés des redoutables organisations de défense des droits de l´homme comme Human Right Watch, Amnisty International.
C´est dans le cadre de ce combat que Kerry Kennedy a tenté de convaincre son interlocuteur espagnol de soutenir la proposition américaine. Cette tâche n´est pas apparemment délicate, puisque le gouvernement de Mariano Rajoy développe une position d´attachement au principe du droit à l´autodétermination au Sahara occidental, contrairement à l´ex-président socialiste José Luiz Zapatero, dont l´attitude était plus inclinée dans le sens des thèses marocaines.
Kerry Kennedy a été surpris de se voir répondre par M. García-Margallo que le projet de résolution présenté par les Etats-Unis «n´est pas fiable».
Le gouvernement espagnol qui avait apporté jusque-là un soutien sans réserve au diplomate américain Christopher Ross, le Représentant de l´ONU pour l´ancienne colonie espagnole, dans ses «efforts» pour rompre le statu quo actuel au Sahara occidental, donnait, cette fois, l´impression de tergiverser.
Madrid avait gardé ces derniers jours un étrange silence à la veille d´un débat aussi important que celui que le Conseil de sécurité doit engager aujourdhui. Garcia-Margallo a expliqué à son interlocuteur américain que la mission de la Minurso, la surveillance exclusive du cessez-le-feu conclu entre le Maroc et le Front Polisario, en 1991 à Houston, ne doit pas être modifiée car «il n´y a pas menace à la sécurité comme c´est stipulé dans le chapitre VII de la Charte de l´ONU» et qu´«il ne faut pas, par conséquent, user de la contrainte «contre le Maroc et lui imposer une clause
(dans le projet américain) qu´il a catégoriquement rejeté.
L´Espagne est favorable à la recherche d´une alternative à la proposition américaine avancé par le nouveau secrétaire d´Etat H. John Kerry et applaudie par la Fondation Kennedy, les organisations humanitaires internationales et le Parlement européen. M. Garcia-Margallo a tenté de convaincre Kerry Kennedy qu´il serait préférable que l´ONU confie la mission de surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental et «dans les camps de réfugiés de Tindouf»,
non pas à la Minurso, mais à un représentant du Haut-Commissariat de l´ONU pour les Réfugiés (HCR), un organisme différent du Haut-Commissariat pour les Droits de l´Homme. Cette idée lui était soufflée par son collègue français, Laurent Fabius. Très embarrassée par la proposition américaine, la France s´emploie, en effet, très activement en coulisse à assouplir le projet de résolution de M. John Kerry contre lequel il lui serait très difficile de mettre son veto.
La crainte des représailles marocaines
Pour équilibrer la position de son pays sur le Sahara occidental, moins inconditionnellement favorable au Maroc que celle de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, le président Hollande avait apporté publiquement son soutien au plan d´autonomie marocain lors de sa récente visite à Rabat, plan qualifié, vendredi, de «sérieux et crédible», par Philippe Lalliot, le porte-parole du Quai d´Orsay. Pour le gouvernement Hollande, il est important de mettre en confiance le Maroc à la veille du vote de l´adoption quasi-certaine du projet américain par le Conseil de sécurité.
La France ne veut pas prendre le risque de contrarier son principal allié au Maghreb, ce qu´elle n´a jamais fait 57 ans après l´accès à l´indépendance de ce pays maghrébin, comme viennent de le faire les Etats-Unis. En réaction au projet de John Kerry, le gouvernement marocain n´a pas hésité, la semaine dernière, à annuler les man'uvres militaires conjointes pour 2013 prévues avec les forces navales américaines au large d´Agadir.
L´Espagne non plus ne veut pas prendre de risques. Ce pays organise des man'uvres militaires régulières avec son voisin maghrébin dans le cadre de la lutte contre l´immigration clandestine, le trafic de drogue et le terrorisme. Rajoy craint une réaction marocaine similaire à l´encontre de son pays, en particulier au plan économique car, depuis 2012, le Maroc est devenu le premier client européen de l´Espagne qui a délogé, pour la première fois, la France de cette première place.
Improbable veto français
L´an dernier, au moment où le président Rajoy s´employait désespérément à convaincre Angela Merkel d´assouplir sa position sur l´octroi de fonds publics de la BCE pour soutenir la croissance dans son pays, il avait reçu un message du Roi Mohammed VI lui proposant son aide aux entreprises espagnoles pour les sauver de la faillite.
Le non-dit dans ce marché, c´est le soutien de l´Espagne à son plan d´autonomie et son renoncement au principe du référendum d´autodétermination. La diplomatie espagnole a trouvé dans la proposition américaine au Conseil de Sécurité l´occasion de ménager son nouveau premier partenaire économique.
Trop de risques donc pour les intérêts français et espagnols au Maroc où une grande manifestation avait été convoquée pour hier à Casablanca pour dénoncer l´attitude américaine et adresser des messages clairs à Rajoy et Hollande. «Aujourd´hui, nous ne sommes pas en condition de dire si nous allons voter pour au contre la proposition américaine», a déclaré, vendredi, le porte-parole du Quai d´Orsay.
Pour les observateurs, il improbable que Paris vote contre ce projet de résolution, tout comme les autres pays membres permanents du Conseil de sécurité, dont le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, où se sont rendus le conseiller du roi Mohammed VI, Taieb Fassi-Fihri, son proche ami, Mohamed Mansouri, le chef des services de renseignements et le ministre des Affaires étrangères, Saâdine El Othnani.


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