La France des peurs
Ce que révèle un sondage paru dans Le Figaro est que deux Français sur trois sont d?accord avec le rejet par l?Assemblée française de l?article 4 de la loi du 23 février 2005 qui glorifie le colonialisme. Le journal a été bien inspiré de commander ce sondage juste après la flambée des banlieues : il conforte la droite dont il se réclame, au plan doctrinal et qu?incarne aujourd?hui le parti UMP, qualifié de machine de guerre aux mains de Nicolas Sarkozy. Celui-ci a la réputation bien assise. Pour gagner en popularité, il n?hésite pas à surfer sur le sentiment de rejet de « l?émigré, arabe ou noir », profondément ancré au sein de la société française et qui ressurgit brutalement à la surface lors des lourds moments de crise. Il ne faut donc pas s?étonner de ce résultat du sondage. La vague de violences dans la périphérie de plusieurs villes a été vécue avant tout comme une opération de « déstabilisation » menée par des adolescents différents, dont l?étiquette « enfants d?émigrés » a prévalu sur leur nationalité française. Sciemment ou par l?effet de manipulations politico-médiatiques ont été évacuées ou minimisées les exclusions multiformes dont ils sont historiquement victimes au sein de la société française. Dans le climat de crise, d?insécurité, de repli sur soi et de manipulations politiciennes d?une droite engagée dans d?impitoyables luttes pour le pouvoir, s?est développé de l?amalgame entre banlieusards de couleur, vus comme « destructeurs » et « ingrats » et leurs aînés ou parents des pays colonisés ayant combattu la « France » civilisatrice : l?émigré arabe et son fils né en France ne font que poursuivre aujourd?hui l??uvre « malsaine » du fellaga d?hier, ainsi raisonne la France des peurs et du chômage sur fond d?échec d?une gauche qui a fini par ressembler à la droite, tant elle a perdu au fil du temps ses valeurs fondatrices. La loi scélérate du 23 février 2005 est venue couronner aussi bien la montée en puissance de la droite nostalgique et raciste que l?échec d?une gauche sclérosée et sans perspective. En faillite totale, la classe politique française a été incapable d?extirper de la société le germe colonial, de proposer aux Français une autre lecture de l?histoire coloniale et d?imprégner au pays de nouveaux rapports avec les anciens pays colonisés. C?est regrettable, car il y a tellement de choses à faire ensemble pour construire l?avenir. Mais le futur ne se bâtit pas sur l?amnésie, le mensonge, la mystification et le mépris.
Posté Le : 04/12/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Bahmane
Source : www.elwatan.com