Algérie

La France a légiféré sur l'histoire de la Turquie: Erdogan furieux contre Sarkozy



Une loi « discriminatoire » et « raciste ». C'est ainsi que le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a qualifié hier, la loi française sur la prohibition de la négation du génocide arménien.

Pour lui et pour des raisons électoralistes, le gouvernement français est en train de commettre un «massacre de la liberté de pensée». Il a promis, devant les députés du Parti de la justice et du développement (AKP), de monter en cadence dans des «mesures de représailles» contre la France. Le Premier ministre turc semble encore donner une possibilité à Nicolas Sarkozy, une opportunité d'arrêter le processus en cours de dégradation des relations bilatérales en évitant de promulguer la loi adoptée, lundi soir, par le Sénat français. «Nous allons annoncer notre plan d'action en fonction des développements sur ce dossier», a-t-il prévenu, affirmant que la «Turquie est encore dans une période de patience». Théoriquement, le président français qui a 15 jours devant lui pour promulguer la loi, peut choisir de s'abstenir. Mais cela paraît totalement improbable. La loi a été conçue dans un but électoraliste et ce but est, plus que jamais présent, alors que la course à la présidentielle se durcit. Erdogan ne semble d'ailleurs pas vraiment y croire et a évité de s'attaquer à la France pour se concentrer sur l'électoralisme de Nicolas Sarkozy.

«PERIODE DE PATIENCE»

Mais la «période de patience de la Turquie» va prendre fin avec la promulgation de la loi à moins qu'une saisine du Conseil constitutionnel français - ce n'est qu'une hypothèse-ne vienne remettre en cause une loi très controversée qui dicte la «vérité historique» et punit ceux qui oseraient avoir publiquement un avis contraire d'une peine d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende. La veille, le ministère turc des Affaires étrangères avait «condamné fermement» à l'adoption de la loi par le Sénat français, par 127 voix contre 86 et l'a qualifiée «d'initiative très malencontreuse au nom de la politique française». Le communiqué indiquait également que la Turquie va «rapidement mettre en Å“uvre, comme bon lui semble, les mesures prévues» contre la France. Cela pourrait aller jusqu'à la réduction de la présence diplomatique turque. «Quand je parle de rupture totale des relations diplomatiques, cela comprend mon départ définitif. On peut aussi s'attendre à ce que les relations diplomatiques se passent désormais, au niveau des chargés d'affaires et non plus au niveau des ambassadeurs», a déclaré à la presse l'ambassadeur de Turquie en France, TahsinBurcuoglu.

JUPPE FAIT LE «MODERATEUR»

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé qui, par conviction ou par diplomatie, a déjà fait savoir qu'il n'était pas favorable à ladite loi, a tenté, encore fois, de jouer au «modérateur». Il a appelé les «amis turcs» au sang-froid et dit vouloir tendre la main «grand pays, cette grande puissance économique, politique», a-t-il déclaré. «Passée cette vague un petit peu excessive, il faut bien le dire, je suis persuadé que nous retrouverons des relations constructives…». Alain Juppé qui a repris à son compte la boutade de Jean-Pierre Chevènement «un ministre ça ferme sa gueule ou ça s'en va» pour ne pas se prononcer trop sur la pertinence de la loi, cherche à calmer les Turcs. «Moi, je tends la main, j'espère qu'elle sera saisie un jour… Je plaide l'apaisement, il y a beaucoup d'entreprises françaises présentes en Turquie, nous avons des relations commerciales et économiques très importantes», a-t-il poursuivi.

UNE «ERREUR CONTRE LA LOI ET CONTRE LA FRANCE»

Il est peu probable que ce message «d'apaisement» soit entendu à Ankara où l'opinion publique est en colère contre ce qui est considéré comme une atteinte à la dignité de la Turquie. Juppé a beau jouer le «modérateur», même en France certains ne se privent pas de relever l'inopportunité d'une loi totalement électoraliste. C'est le cas de François Bayrou, candidat centriste à la présidentielle, qui estime que « ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire, encore moins l'histoire d'autres pays, d'autant plus que nous avons déjà reconnu le génocide arménien». Renvoyant dos à dos Nicolas Sarkozy et François Hollande, Bayrou estime qu'en soutenant cette loi par leurs élus, ils ont commis « une faute et une erreur contre la loi et contre la France». Dans la presse turque, les messages apaisants du chef de la diplomatie française ne passent pas. «Honte à toi, France !» écrit le Vatan, Sarkozy «a tourné le dos à la liberté et à la Turquie pour quelques votes», surenchérit le journal populaire Posta. Le président français «a massacré la démocratie», affirme le grand journal Hürriyet… La promulgation de la loi par Sarkozy entraînera probablement, la fin de la «période de patience ».




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