Algérie

La formule a été rendue célèbre par le secrétaire général de l’UGTA



La formule a été rendue célèbre par le secrétaire général de l’UGTA. En plein procès Khalifa, Sidi-Saïd lançait un remarquable et remarqué “j’assume”.
La juge lui demande de s’expliquer sur la résolution qui dispose que l’argent des caisses de la Sécurité sociale doit être déposé chez El Khalifa Bank, et dans laquelle il est question d’un conseil d’administration qui n’a jamais eu lieu. Le SG de l’UGTA lui rétorque : “Il est possible que l’on considère cette résolution d’anti-réglementaire, j’en assume la responsabilité.” Comme si la formule avait fait mouche, la présidente du tribunal le rassure sur-le-champ: “Vous êtes entré en témoin, vous sortirez en témoin.”
En cherchant, on peut trouver d’équivalentes sentences dans la bouche de nos responsables : le ministre des Travaux publics déclarait récemment à propos des dégâts écologiques qu’il inflige au parc national d’El-Kala : “C’est une décision de l’État algérien.”
Le ministre des Postes et des TIC vient, à son tour, de nous rappeler la magie de cette expression. Après avoir précisé que c’est le conseil d’administration qui devait mettre fin aux fonctions du P-DG d’Algérie Télécom, il déclare “assumer entièrement (son) limogeage”.
Que le P-DG fut démis par la présidence, le ministère de tutelle ou le conseil d’administration n’est pas, ici, la question. D’ailleurs, le concerné ne semble avoir trop ou pas assez dit. Et dans ces cas, la confusion des rôles dans les décisions et les silences ou les demi-mots de ceux qui en sont l’objet constituent les fondements complémentaires de la gouvernance opaque.
Dans ce système, chaque acte de gestion forme un maillon de la chaîne obscure et solidaire de la décision politique. Dans ce système, chacun doit assumer le processus dans sa globalité, que son intervention soit conforme à la procédure réglementaire ou pas. Il ne tient ni par le respect des règles de fonctionnement institutionnel, ni par son efficacité managériale, celle-ci étant accessoire pour un système qui dispose de la rente nécessaire à son mouvement dans le vide. La survie du dispositif est une fin en soi. Il y a l’argent pour le maintenir, pour récompenser les contributions au maintien du mécanisme. Et la distribution de cet argent est la finalité de cet appareil qui, subsidiairement, joue le rôle d’appareil d’État.
L’expression “j’assume” devient justement possible parce que chaque élément de la chaîne de la gestion arbitraire de la rente sait qu’il a contribué par son acte à l’équilibre général du système. Il ne peut donc être isolé comme responsable individuel d’un abus commis dans le cadre de ce fonctionnement global. L’auteur de l’entorse présumée peut alors, quand il se sent interpellé, répliquer par ce magistral “j’assume” qui exprime à la fois l’assurance du devoir accompli, au sens du système, et l’arrogance de l’impunité assurée.
Vous dites “j’accuse” ; on répond “j’assume”, renvoyant les petits Zola à l’impuissance de tout ce qui ne participe pas de la logique du système.
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