Algérie

La force du mandat d'arrêt...



Ouali A. a infligé une mémorable raclée, bâton en main, à un voisin. Au procès, il daigne s'absenter...
Une victime de coups et blessures volontaires à l'aide d'une arme blanche s'avance vers la barre solidement appuyé sur une paire de béquilles bancales. Il a la cheville soigneusement bandée. Elle fait peine à voir. Il fait si peine à voir que Maître Fodil Benaki est invité à remettre sa chaise au jeune blessé. Ce dernier ne tient pas en place. Il gigote. Il tourne la tête, le cou et les épaules à gauche puis à droite. Il donne l'impression de chercher quelqu'un, un allié, une main secourante, juste de quoi le rassurer sur son avenir immédiat face à ce juge réputé dur, rude et sec. Hadj Rabah Baric, le président de la section correctionnelle du tribunal de Koléa (cour de Blida), lui, estime qu'il est seulement droit dans ses décisions prises selon la loi et les procédures et il adore rendre justice dans des conditions sereines.
La victime est triste de ne pas voir son agresseur présent dans la salle et à la barre afin qu'il soit jugé sur le siège au lieu de l'être par défaut. Elle raconte la raclée qu'elle a reçue. Et en sa qualité de victime, elle dira ce qu'elle voudra bien dire sans personne en face ou à côté d'elle, de quoi aller vers un verdict à la hauteur de la lâche agression subie.
Salah T. a débuté son récit par un sanglot et un amer: «Tahgart! «(on m'a méprisé!). Le juge va vite hocher la tête et attend la version de la victime; celle de l'agresseur en fuite n'existe pas... «Ce Salah me devait quarante millions de centimes, le prix d'une chambre à coucher montée à main nue par un artisan-menuisier hors-pair.» marmonne la victime au bord de la crise de larmes car elle n'a pas pu oublier le grave moment de l'agression gratuite dont s'est rendu coupable Salah T. dont on ne saura jamais les motivations et pour cause...Généralement, une victime qui n'a personne en face joue toute seule dans la surface de réparation...
L'avocat aura pour rôle principal de compléter le récit de l'agression. S'appuyant sur les articles de loi, les exemples, les anecdotes et même de la jurisprudence, le plaideur a su capter l'intérêt du juge qui a eu des regards «éloquents» en direction de Tarek Moussaoui, le procureur qui a dû penser une seconde que juger un agresseur par défaut était une perte de temps et donc il faudra attendre les débats de la mise en examen et l'énoncé de la sentence pour donc voir enfin l'inculpé et le «prier» de s'expliquer sur les plaintes de la victime.
Le défenseur aura le même réflexe que le parquetier et donc fera court pour permettre à Hadj Rabah Baric d'avancer avec son immense rôle qu'il faudrait peut-être revoir et «ôter» les dossiers des non-détenus. C'est pour le bien de la justice surtout.
Et l'avocat de ne pas trop s'étaler sur les faits. La victime venait de les relater sans trop de souffrances. Il sera plutôt enclin à réclamer justice pour la victime qui a enduré l'enfer, selon ses propres déclarations. Des déclarations où l'on a senti tout le mépris qu'aura gardé cette même victime que personne dans la salle n'est venu démentir. Le comble, c'est qu'elle n'a même pas de témoin. «Il s'agit de sa parole contre celle de l'agresseur...absent et probablement absent pour un bon bout de temps, les policiers et les agents de recherche ayant autre chose à faire, en ces temps de rapts d'enfants et autres ennuis aux frontières du pays.» Hadj Baric avait pris des notes de l'admirable intervention de Maître Fodil Benaki, ce rouquin qui a refusé de croire au... «Père Noël», en ce mois d'avril 2013 car il n'est pas évident qu'un verdict prononcé par défaut - sans mandat d'arrêt - soit porteur d'une bonne graine d'application de la loi, car il faut bien que cet agresseur paie ce qu'il a fait à la société. Et au nom du peuple algérien, le président inflige à Ouali A. une peine de trois ans d'emprisonnement ferme, une amende de vingt mille dinars pour coups et blessures volontaires, le tout appuyé d'un mandat d'arrêt, car il faut bien que la loi soit respectée et appliquée. Le condamné l'apprendra à ses dépens et bientôt même...


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)