Algérie

«La finance islamique est complémentaire et non une alternative»



«La finance islamique est complémentaire et non une alternative»
M. Merbouh est directeur de l'Exécutive Master Principes et Pratiques de la finance islamique à l'université Paris Dauphine. Il est également conseiller spécial en finance islamique auprès de Paris-Europlace (l'organisation chargée de développer la place financière de Paris).- Pensez-vous que le développement de la finance islamique soit réellement la solution pour capter l'épargne dormante et en dehors du circuit bancaire en Algérie 'Il faut déjà savoir que l'Algérie, paradoxalement, a été un point d'encouragement à la finance islamique. D'abord parce que le premier organe d'harmonisation des normes de la finance islamique, à savoir l'Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions (AAOIFI), est né de la conférence à Alger en 1991.Ensuite, en 1993 on a eu la création de la banque islamique Al Baraka, filiale d'une banque bahreïnie. Ce n'est pas un sujet nouveau pour l'Algérie. Maintenant, ça ne s'est pas développé parce qu'il n'y a pas une réelle volonté politique ni une réelle connaissance de ces produits de finances islamiques. La dynamique, entamée depuis 15 ans en Asie, en Europe et au Moyen-Orient sur le sujet de la finance islamique, aujourd'hui en Afrique de l'Ouest et centrale, a entraîné un mouvement en Afrique du Nord. L'Algérie ne peut donc que suivre cette grande dynamique pour deux raisons.La première est de rapatrier l'épargne dormante même s'il est difficile de quantifier l'épargne dormante pour des raisons de conformité religieuse. Je pense néanmoins qu'il y a un très gros potentiel de ressources que les propriétaires souhaitent investir en conformité avec la religion. Le deuxième point est plutôt macroéconomique. L'Algérie se porte plutôt bien en dépit de toutes les supputations, simplement il faut anticiper dès aujourd'hui des sources alternatives de financement des infrastructures notamment.Donc, autant le corporate que l'Etat a intérêt à développer la finance islamique. L'Etat par une émission obligataire conforme au droit musulman comme ont fait le Luxembourg, l'Angleterre, la Côte d'Ivoire et le Sénégal. L'Algérie l'a fait il y a deux mois, mais l'emprunt n'a pas été souscrit pour beaucoup pour des raisons de conformité religieuse. Il y a une réelle problématique de conformité religieuse dans les pays à forte majorité musulmane de se dire qu'un grand emprunt de l'Etat, il faut, pour certains, qu'il puisse répondre à cette condition. Cela permettrait d'enrichir l'offre de produits de financement et d'épargne pour l'Algérie. Car c'est ce qui manque cruellement.- Mais au-delà du fait de capter l'épargne, concrètement développer la finance islamique rapporterait quoi à l'économie algérienne 'Toutes les banques et assurances islamiques n'ont pas été impactées par la crise de 2008. C'est dû au fait d'avoir exclu des secteurs en pleine souffrance dans leur portefeuille et aussi de n'avoir pas porté des contrats dérivés et donc de produits toxiques. Les produits islamiques ont clairement montré leur résilience et aussi la surperformance en période de crise de fonds qui se réclament du droit musulman. Maintenant, qu'est- ce que cela apporte à l'Algérie d'avoir des banques islamiques ' Il faut comprendre que ça ne change rien, mais ça apporte quelque chose de plus.Il y aura simplement une offre de produits bancaires conformes à l'éthique de millions d'individus. Vous ne faites qu'enrichir la gamme de produits de financement et d'épargne et in fine d'améliorer le système bancaire pour qu'il soit plus efficace, qu'il traite plus d'épargne et qu'il puisse relancer l'économie. Nous avons quelque chose de complémentaire et non d'alternative. ça ne représente que 1% de la finance mondiale. Elle a donc une petite place. Mais si on regarde certains pays, c'est une grande place, à l'exemple de l'Afrique de l'Ouest où elle représente un grand enjeu.- Finance islamique et finance conventionnelle peuvent donc cohabiter dans un même système 'Absolument, à quelques ajustements près d'ordre réglementaire, mais qui ne viseraient pas à favoriser une finance par rapport à une autre. Ces ajustements bénéficieraient autant aux uns qu'aux autres. Après c'est aux banques de faire leur travail. Le positionnement de l'Algérie jusque-là on a dit aux banques islamiques : vous faites avec les contraintes qui existent et cela fait qu'elles sont étouffées.Aujourd'hui, ne pas proposer ce type de produits ça équivaut à se priver d'une manne financière dont l'Algérie aura de plus en plus besoin. Le Maroc l'a très bien compris depuis deux ans en mettant tout un système réglementaire pour accueillir les banques islamiques. Le résultat c'est qu'il y a des investisseurs qataris et bahreinis qui viennent pour monter des banques. Il y a aussi une expertise internationale qui viendrait s'ajouter aux acteurs du système algérien, le cas échéant. - L'essor viendrait-il de l'émergence de nouveaux établissements financiers islamiques ou du développement de produits islamiques par des établissements déjà existants (conventionnels ou islamiques) 'Les deux. Tant par les banques conventionnelles qui proposeront dans les prochaines années des produits de la finance islamique pour capter leur clientèle et tant par les banques islamiques comme Salam ou Baraka, qui pourront aussi proposer plus de produis et être en mesure d'être plus compétitives. Il y a aussi l'arrivée de nouveaux acteurs qui voudront être présents sur le marché algérien. Cela va créer une triple dynamique.L'Algérie est un marché formidable. La loi de modernisation bancaire en Algérie va introduire quelques règlements pour faciliter la finance islamique. La Tunisie est en train de discuter au niveau de son Parlement de la mise en place du cadre réglementaire. Le Maroc va octroyer ses premières licences au mois d'octobre. Il est évident que l'Algérie ne pourra pas regarder ses deux voisins se dire, nous on n'en aura pas. En plus, il y a aussi un enjeu sur l'Afrique de l'Ouest qui est immense et aujourd'hui de plus en plus de banques tunisiennes et marocaines essayent de s'y placer.


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